CURRICULUM VITAE ET RÉSUMÉ DES FAITS
En exergue, un passage d'un article sur un livre dont on parle beaucoup actuellement.
..." toutes les victimes de dols même minimes mais issus de politiques voire de mini hiérarques de villages -qui peuvent malgré tout intimider une clientèle un peu courte- se reconnaîtront dans le récit. Côté jardin, il y a la solidarité spontanée qui vous porte il est vrai, mais le côté cour, même s'il représente beaucoup moins quantitativement, est éprouvant et il est le plus visible.. Vous n'êtes soudain plus vous seulement mais celle à qui cette "chose" embarrassante est arrivée. Celle qui va peut-être vous contraindre à mettre vos actes en accord avec les bavardages de boulevard. Tout change, le tri s'effectue seul et vous réserve des surprises, bonnes la plupart du temps.. mais aussi de mauvaises et inattendues. Il y a ceux qui vous évitent ; vous renvoient de l'un à l'autre ; affectent de vous soutenir pour achalander leur boutique idéologique ; ou, avec condescendance, pour poser ; qui se servent de vous sous prétexte de vous aider ; ou qui virent à 180° d'une position de principe tonitruante en raison de quelque détail suscité soudain mis en évidence ; ceux qui en profitent pour régler des comptes et soudain trouvent odieux en vous ce dont ils ont profité jusqu'alors ; ceux qui flairent l'affaire qui va les positionner en première ligne et supputent ce qu'ils vont pouvoir tirer personnellement d'une position floue à infléchir selon le vent qui souffle ;
la peur-fascination que vous suscitez ; les propos qui veulent tout dire et leur contraire.. c'est ce que reçoivent de plein fouet toutes celles qui ont subi des dols quels qu'ils soient de la part de politiques ou d'infiniment plus forts qu'elles. Mais la confrontation avec toutes "ces minimes bassesses qui ne font pas un regret et même pas un souvenir mais qui au soir de sa vie font qu'on ne peut sans dégoût se regarder en face" est une des expériences les plus riches qui soient, mettant en lumière, ici dans le microcosme d'un village du Midi cévenol malgré tout transparent, l'origine et les ressorts du totalitarisme et de sa perdurée. Une leçon majeure : le pouvoir malgré les apparences est fragile et ne résiste pas à un simple blog. Just do it.
la peur-fascination que vous suscitez ; les propos qui veulent tout dire et leur contraire.. c'est ce que reçoivent de plein fouet toutes celles qui ont subi des dols quels qu'ils soient de la part de politiques ou d'infiniment plus forts qu'elles. Mais la confrontation avec toutes "ces minimes bassesses qui ne font pas un regret et même pas un souvenir mais qui au soir de sa vie font qu'on ne peut sans dégoût se regarder en face" est une des expériences les plus riches qui soient, mettant en lumière, ici dans le microcosme d'un village du Midi cévenol malgré tout transparent, l'origine et les ressorts du totalitarisme et de sa perdurée. Une leçon majeure : le pouvoir malgré les apparences est fragile et ne résiste pas à un simple blog. Just do it.
Je suis née à Alès en 48 d'un père dijonnais qui travaillait à l'Est comme journaliste et d'une mère cévenole instit retournés depuis peu au "pays", du moins celui de Lydie qui ne s'adaptait pas à Dijon. C'est donc à 8 km de St-Ambroix où vivait ma famille maternelle que nous habitions, à Clé où mon père travailla à la mine 8 ans. 6 mois après ma naissance, Lydie tomba gravement malade et ma grand-mère me prit en charge jusqu'à 3 ans, âge auquel ma mère, guérie, me récupéra. Mais je retournais chez Marguerite tous les jeudis et samedis -plus les vacances scolaires comme je fis toute ma vie-. J'avais 8 ans quand mes parents repartirent dans l'Est, mon père ayant repris un temps son travail de journaliste, qu'il quitta néanmoins, Lydie ne supportant ni l'exil, ni la solitude -reporter spécial, il était toujours absent-. Ce fut Marseille, qu'ils quittèrent 5 ans après, avec la gêne financière qui y avait été leur lot pour St-Ambroix où il fonda une petite affaire vite prospère. J'avais 16 ans et je partis peu après en fac, puis à Paris où je me mariais, eus 2 enfants et travaillai comme prof 25 ans. Bien qu'ayant hérité la maison familiale et une autre plus petite -louée- je ne revins ensuite qu'à 58 ans après ma séparation d'avec Robin. D'abord à Anduze, ville bénie, puis à St Ambroix où ma maison se démolissait. C'est à ce moment que l'histoire se situe.
Bienvenue au pays
A mon retour al païs, la Mairie de mon village -disons la "droite"- avait exigé de moi.. 4000 Euros! pour une facture d'eau de 2 mois ! d'une maison que je n'avais jamais habitée ! dont il s'avéra que le compteur ne marchait pas ! coupé l'eau -c'est toujours le cas, j'ai juste un filet peine-à-jouir mais parfois éjaculateur précoce- puis tenté d'en faire autant dans ma maison familiale où j'habite ! L'autre était vide, elle l'est toujours depuis 5 ans.. car le père du maire actuel, après des travaux un peu virils de démolition de la bâtisse adjacente, avait ébranlé le mur qui la soutenait -non ce n'est pas un gag- qui se décrochait dangereusement.. sur un parking (image)! ensuite, ce furent mes 3 planchers qui cédèrent (image). Peu avant, j'avais assigné l'étourdi en référé.. qui avait dû reconstruire à ses frais, ouf... Mais c'est alors que mon salaire a été partiellement saisi. J'allai évidemment protester maintes fois auprès de la nouvelle équipe.. où, virage à 180°, on me jeta fortement, très! que "cette facture serait payée un point c'est tout !" Précision: le nouveau maire avait été élu pour assainir la gestion "aléatoire" de la droite, mon cas -une piscine olympique en 2 mois- constituant un paradigme cocasse de cet "aléatoire"..
En désespoir de cause, éreintée par cette série*, je me suis résolue à la porter en place publique par une grève de la faim.
* Car il y eut parallèlement un épisode bouffon (lien), un voisin m'assigna en référé pour, entre autre, une fresque -voir l'image-.. s'appuyant sur une lettre du maire.. lequel, après ma grève de la faim, lors de notre négociation "amiable" sur "ma" facture d'eau, sortit pour me menacer une pièce tirée du procès-fresque -il s'agissait d'une lettre que j'avais écrite à l'avocat.. du voisin-... Un autre épisode fut l'"interdiction" d'un chemin communal desservant des terres dont une familiale (lien) qui n'ont pas d'autre accès. Dans ces sortes d'affaires s'ouvrent parfois des fronts inattendus et burlesques; le hasard, des scories, soit [il se peut que certains braves profitent que la bête est dans l'arène pour lui lancer une pique en sus] mais il reste la chronologie des faits, peut-être accidentelle mais troublante.
_________________________________________________
UNE FEMME DE TROP
OU UN ÉTÉ PARTICULIER
Les dazibaos étaient de grandes affiches au départ vierges apposées aux portes des usines par les ouvriers où chacun écrivait ses doléances au fur et à mesure, formant un cahier dont les décideurs se devaient de tenir compte. Ce blog a fini par devenir au jour le jour une sorte de dazibao virtuel, au départ purement local, puis imprévisiblement il a filé filé plus loin que prévu, ce qui oblige à des notes et des renvois.
Aujourd'hui mardi 22 juin 2010 à 18 heures
Je commence cette grève de la faim. Rien jusqu'à présent. Tout va bien. Les animaux sont en sécurité. Jo s'occupe de la galerie. J'ai retiré de l'argent. Payé quelques menues dettes. Installé la voiture plus ou moins confortablement. Ça devrait aller. Des messages d'encouragement. Mais un assez sec d'un ami qui me sape le moral, en vain. A-t-il peur et est-ce sa manière de me le dire ? "Ça ne sert à rien, tu vas pas crever pour ça, c'est idiot, les choses n'ont de l'importance que dans la mesure où on leur en accorde" etc... je lui réponds par la phrase de Cyrano ou de Shakespeare : les grandes injustices (parfois) font des unes même si ça ne donne pas grand chose. Mais les "minimes bassesses qui ne valent pas un regret et même pas un souvenir, tues donc acceptées. Je ne me bats pas pour ces 4000 Euros mais pour le juste. Ça vaut de mourir ? 1 je ne pense pas mourir. 2 Et puis merde." Ce que je vais vivre ne sera pas pire que ce que j'ai déjà vécu, renvoyée comme une balle par les uns et les autres parfois très violemment, au sujet d'une histoire burlesque mais claire que tous connaissent fort bien et que certains, les nouveaux élus, feignent d'ignorer.. et dont quelques uns (?) on profité.
PELISSIER
Par contre, un avis positif et circonstancié du bouquiniste au marché, qui a fait un an de prison militaire pour insoumission, je le connaissais de nom évidemment (Pélissier) mais ignorais que c'était lui, bien que le fréquentant souvent le mardi comme mon père avant moi. C'est Leclerc qui l'a défendu. C'était en 72, période creuse, la naissance de Maï-Linh, 9 tétées/24 h, pas au top de l'actu. Mais quand même je me souviens, on a dû signer quelques pétitions, faire quelques manif Bastille-République.. puis la vie, le boulot, le bébé... et voilà, pendant tout ce temps il croupissait en prison militaire. Un an, malgré le talent de Leclerc, ce qui est bien du reste car il risquait plus.
La question essentielle est toujours celle du suivi des événements, on se dédouane en signant, en effectuant la traditionnelle marche hygiénique et barka, ça baigne. De même lorsque les gens sont licenciés comme Pierre, Daniel, il y a les bagarres, des articles... quelques indemnités dans le meilleur des cas... et plus rien. Et peu après, les types, isolés, désespérés, parfois se suicident.
C'est comme lors de la mort d'un proche, sur le coup, il y a presque trop de monde, on n'en peut plus même si c'est bien, puis enterrement ou crémation... et chacun s'en retourne chez soi. Et parfois dix jours après, on vous lance sans y penser de joviaux "ça va?" J'ai beaucoup apprécié cet ex patron de bar (sulfureux dit-on) qui m'a abordée quinze jours après la mort de Lydie en me disant "je ne vous demande pas comment vous allez." Il venait de perdre son gendre d'un accident et à lui aussi, les joyeux "alors ça va?" quotidiens dans la rue lui semblaient une insulte. Le plus marrant fut cette dame charmante qui me demanda dix jours après comment allait ma mère. "Pas plus mal que ça finalement"... Elle m'avait confondue avec Frédérique, il est vrai qu'en vieillissant, on a un vague air de ressemblance ce qui n'était pas le cas autrefois.
SUBIR L'INJUSTICE, C'EST LA COMMETTRE
J'y vais. Être devant la mairie m'angoisse autant sans doute qu'eux. Ça tourne dans ma tête, faire du mal aux gens, c'est s'en faire à soi-même... mais subir l'injustice, c'est aussi la commettre... Je n'ai donc pas le choix. Ce qui me manquera le plus est internet, les chiens et les experts. J'ai acheté des bouquins. Go ! Un peu gênée de me mettre en évidence et cependant il le faut et je l'ai voulu. Tant pis. C'est s'exposer... mais redite, subir l'injustice, c'est y consentir donc la commettre et la laisser commettre ensuite contre d'autres puisqu'on n'a pas réagi -même si la réaction est inaboutie, l'important est d'avoir porté l'affaire en place publique, ça encourage les "décidés" et fait réfléchir les décideurs-. C'est ainsi que s'installent et perdurent des systèmes totalitaires, par la peur et la passivité de ceux qu'ils broient ; plus ils sont broyés, plus ils seront passifs.. au point parfois de soutenir ceux qui les broient.. le principe étant qu'à la fin les pommes (je laisse le lapsus) se battent pour leur esclavage comme s'il s'agissait de leur liberté. Cela vaut pour n'importe quelle injustice, ça commence toujours comme ça.. Je me le répète, O Socrate. Ça me booste. Robin m'a appelée trois fois, le record. Pas trop négatif à présent que c'est parti même si au départ il l'était vigoureusement, comme Gérard. Il me bloque parfois. Amour, oui, mais il est des cas où pour aider l'autre, on lui scie les pattes. Jo aussi. Toujours gentil. Tout est réglé. Cela aussi me fait peur. Comme si j'avais organisé... passons.
L'UNION DES CLASSES SOCIALES DEVANT LE FOOT
Au troquet où j'écris et surtout consulte mes mails, ils n'arrêtent pas de crier après les buts, c'est pénible. Louis me dit que j'aurais dû choisir de faire ma grève après la coupe de foot qui mobilise toutes les énergies intellectuelles des mecs, il faut croire assez modestes. Tant pis. On ne peut penser à tout. Je n'avais pas pensé au foot. Ils sont scotchés. Il pourrait péter une bombe, ils ne bougeraient pas, toutes classes sociales confondues pour une fois. Touchant. Le suisse alémanique snob et son ami, le jeune coiffeur à queue de cheval, Polo un peu crade et ses béquilles, le vieux mineur intello qui a reconnu "mon" portail au Ranquet parce qu'il ressemblait à la galerie ici, le bel artiste anglais homo et son pote musico, des gitans debout d'excitation, des ouvriers encore en bleu de travail... tous vibrent à l'unisson devant le grand écran de Manu, rien d'autre, même pas le sexe, ne pourrait les unir de la sorte. Je me sens en effet déplacée mais ils sont sympas. Il faut faire avec. Parfois, des motos s'arrêtent et le gus demande: "ils en sont où?" Un touriste parigot me demande comment je peux me concentrer, j'y arrive sauf quand ça crie trop, trois secondes. Pane et circense.
Mercredi 23 juin 2010
VOTAN, FORCE DE DISSUASION
Beny veut absolument rendre service, il tourne autour de moi et m'ennuie un peu. Il paraît qu'il n'est pas dangereux. Mais il est parfois armé et souvent saoul. Manu dit qu'il n'est pas tout seul dans sa tête, c'est une véritable colocation là dedans. Bon. Ce soir -je dors dans la voiture- j'irai peut-être chercher Vôtan, un gentil, mais la conscience professionnelle d'un berger allemand n'est pas un vain mot. Un chien récemment recueilli pourtant et un coup de foudre réciproque. Encore a-t-il donné une leçon de dissuasion au quidam/e qui m'avait agressée verbalement sur un chemin -pour faire simple, un anti-défricheur mécontent que l'on réouvre une voie communale qu'il eût aimé fermée, il y en a des comme ça- : il s'est seulement assis entre le râleur-rageur et son Dieu sans manifester autrement sa réprobation mais un tank ne l'aurait pas délogé. L'anti-défricheur parti, le regard du chien quêtant mon approbation "c'était bien ou il fallait faire plus?" fut inoubliable. Il avait fait exactement ce que je voulais de lui comme si un lien mystérieux entre nos deux cerveaux s'était établi, éternel -il lui est interdit de mordre et même de gronder, dressage destiné à lui faire "oublier" qu'il a des crocs et 150 kg de pression dans les mâchoires ainsi que de tirer sur sa laisse mais là le résultat n'est pas 100%, je tolère, après tout un animal n'est pas une machine, mais se planter entre un trublion et moi est fort bien.-
Une copine me suggère une pétition. En effet c'est la base. Le tract est trop long.
LE COUP DE LA ZONE BLEUE
La scène avec le garde qui a voulu me faire "déménager" m'a rappelé (messages pas dans l'ordre) celle de "Danton" où on voit un jeune soldat bafouillant arrêter un Danton très détendu qui le précède -"allons, on y va, dépêche toi !"- Me faire le coup de la "zone bleue" et du blocage du stationnement... à St Ambroix, c'est mignon, il fallait y penser, même à Paris on descend remettre un ticket de parcmètre lorsque le temps s'est écoulé... et là, il est vrai que c'est gênant. Je vais essayer de dormir. Mon moment de faiblesse venait sans doute de ce que je n'avais pas assez dormi, de la chaleur, et des discours à tenir et à écouter.
C'est Dany qui m'a achevée avec son histoire d'entreprise qu'il veut fonder pour devenir enfin riche et apprécié, ses multiples rebondissements complexes, futurs associés etc.. Mélange de copinage sincère, de mythomanie et de roublardise affairiste, c'est un syndrome d'asperger, pénible comme tous car ils ne savent pas décrypter les émotions des autres et peuvent parler durant des heures de leurs passions sans aucunement réaliser qu'ils vous emmerdent... ils adorent notamment vous "expliquer" ce que vous savez, surtout s'ils sont comme lui autodidactes. Il m'a assommée. Pas un mot sur mon affaire évidemment, son disque dur perso ne tient pas deux fichiers à la fois et le seul qui lui importe est l'argent qu'il va ou ne va pas gagner, ou que je vais ou ne vais pas gagner car il n'est pas égoïste, c'est seulement sa "maladie" -reliée à l'autisme, un autisme soft- qui le rend ainsi. Je dois les attirer et je sais pourquoi.
Il a failli être inculpé de tentative de viol parce qu'il n'a simplement pas compris que tambouriner à la porte de l'appart où s'était claquemurée celle qu'il courtisait ne se fait pas.. Il voulait juste, selon sa jolie expression, "lui déclarer sa flamme", rien de plus mais il pèse plus de cent kilos, a la malchance d'avoir une tête de second couteau de film B et d'être logorrhéique ; sans doute la répétition de ces "déclarations de flamme" l'avait-elle effrayée et les coups désespérés sur la porte, parachevé l'impression d'avoir affaire à un fou capable de tout. C'est faux : il ne voit seulement pas qu'il est lourd, ça vaut pour l'affaire de "son" entreprise qu'il m'a ressassée et a maxima pour cette jeune fille qu'il a terrorisée. Il fallait qu'elle comprenne la profondeur de son amour et de son respect car c'était le mariage qu'il visait et non la botte, il n'est ni coureur ni volage, et lorsqu'elle aurait saisi, il était sûr qu'elle ne pourrait que se laisser fléchir mais encore fallait-il enfoncer la porte avant.
Sympa le magasin d'informatique m'a laissé la wifi lorsqu'ils sont partis, je redoutais d'être coupée à 19 heures. Je pourrai surfer toute la nuit assise sur les marches. De petits gestes comme ça, sans paroles... Il faut les pointer.
MADAME BARRIER, UN AIMABLE DINOSAURE
23 h. Mme Barrier, jolie vieille dame aux yeux lumineux, de cette classe ouvrière qui lit Lénine comme Dostoïevski, Gorki, Undset... et se délecte à revoir les cassettes d'Eisenstein ou de Ken Loach s'inquiète pour moi. La classe ouvrière qu'on dit parfois inculte ! Souvenirs des réunions à Clé où les mineurs devisaient théorie anarchiste, la fin justifie-t-elle les moyens, les espagnols, les anar, les communistes, les polonais plutôt catho... Bakounine contre Lénine, Proudhon contre Stirner, et Jésus qui surgissait parfois dans la dialectique... et cette angoisse pour Julius et Ethel Rosemberg surtout dont la photo se trouvait partout... ce furent sans doutes les premières paroles que j'aie dû entendre de mon lit juste à côté. Si ensuite j'ai fait philo, ce n'est pas à cause des Larrivé n'en déplaise à mes tantes mais sans doute en raison de ces débats pointus de prolos qui ont bercé ma toute petite enfance. A Perpignan ensuite, dans la salle des profs, il n'était question que d'emprunt, de taux, de maçons et des côtes d'objets d'art. La chute.
Mercredi 23 Juin 2010, 1 h du matin
Trop envie de faire pipi, c'est idiot de ne pas y avoir pensé tout à l'heure lorsque le troquet était ouvert. Je suis rentrée, ce n'était pas supportable, pas moyen de dormir, être un mec a ses avantages.. J'en ai profité pour charger les deux portables, à plat tous deux (presque) et le téléphone. Une surprise rigolote : Cris a trop donné à manger aux chiens, il a l'habitude de ses 30 (?) chats nourris à volonté... si bien que je les ai retrouvés tous les deux affalés et complètement couffles comme on dit à Marseille, certes très calmes, ne demandant qu'à digérer, à peine levés -péniblement- en me voyant. Du jamais vu, d'habitude c'est un concert de jappements surexcités, à qui me sautera dessus le plus violemment. Téléphone. J'y retourne. Je ne suis pas mécontente d'être partie une heure, il y avait Beny, un gitan souvent alcoolisé et paraît-il pas commode qui traînait... pas trop envie de l'avoir devant la voiture... Il est suicidaire et violent dit-on -mais jamais contre les femmes, à sa manière, c'est un bon type et un gentleman-. Mais imprévisible comme, tous les dipsomanes.
ENTERREMENT, CURÉS ET RABBINS
A l'église, seul endroit frais où je suis allée dans l'après midi, (la chaleur! et puis je m'y concentre bien, il ne me manque qu'un café bien noir, il faudrait le suggérer au curé, ça lui ferait du blé pour ses pauvres) il y a un cahier avec des demandes écrites adressées à la Vierge, touchant, des pages et des pages mal écrites avec toujours les mêmes requêtes, faites que mon mari guérisse, que ma sœur aille mieux, que les analyses de mon gendre soient normales, que maman arrive à convertir notre mécréant de père, que ma femme revienne (cela revient toujours beaucoup dans tous les termes) etc... Ou des évocations de morts avec prière d'intervenir auprès de Jésus pour leur épargner des années de purgatoire... C'est si triste et litanique qu'on n'a pas même envie de se moquer. Tous ces gens malheureux... tant de souffrances, sans doute énormes... cachées sous les apparences un peu arrogantes typiques du village, on découvre leur âme.
Il y avait un enterrement, l'église était aux trois-quarts vide, ça devait être une personne très âgée, isolée, abandonnée de tous comme souvent... Pendant son oraison, le curé baissait les yeux pour lire à chaque fois le nom du défunt que visiblement il avait du mal à retenir. Il pourrait tout de même faire un effort de mémoire comme n'importe quel prof pour un seul client. Triste pour le peu de famille qui était là. "Nous accompagnons aujourd'hui notre ami ..euh... Marcel Du... Dibois... en cette journée bla bla bla..."
Les rabbins sont plus sérieux : celui de l'enterrement de Mamita savait tout sur elle... dit à mi-mot, -gênant, on aurait dit un psy- lorsqu'il m'a regardée pour que je m'avance vers le corps empaqueté de blanc brrr... jamais on ne m'avait fait ce coup. "Une sainte" avait-il martelé avec conviction, louchant vers moi.. raté, même Robin avait souri tant le terme lui allait comme des lunettes à un canard, il en faisait un peu trop le rabbi, mais on avait tout de même payé une bougie "éternelle" -qui devait brûler en Israël- quelque chose comme 1500 F et il fallait nous en mettre pour notre argent. Elle me manque, ce sont les gens les plus emmerdants qui vous manquent le plus, on ne sait plus que faire lorsqu'ils disparaissent, le gilet pare-balles que vous avez pris l'habitude de vous tricoter vous semble soudain très lourd et pas moyen de l'enlever tout de suite. On n'a jamais vérifié si elle y est bien -la bougie, au mur des lamentations- il le faudra après cette histoire à la con, sinon service après vente comme chez Darty, 1500 balles tout de même.
SOLITUDES EXTRÊMES
Ici c'est la routine, pas de chichis, et hop au trou le vieux... euh... Marcel... euh... Dibois. Triste. Mais à Paris c'est pire : dix ou quinze personnes par jour, je ne me souviens plus, meurent sans qu'on ne sache rien sur elles, parfois même pas leur nom avec certitude et ce ne sont pas des SDF le plus souvent. Une assoc s'est donnée pour tâche de se charger de leurs funérailles afin d'éviter que le cercueil ne soit conduit au cimetière comme un encombrant. Quelqu'un fait un petit discours sur la tombe avant la fermeture définitive. Émouvant. "Madeline ou Milène ou Miléna, excusez-moi si je me trompe, vous avez vécu vingt ans au 2 rue de la Tour Maubourg, nous ne savons sur vous que peu de choses, que vous aimiez les croissants au chocolat, les marguerites et les romans d'Agatha Christie, vous veniez peut-être de Hongrie comme votre accent semblait l'indiquer, pardon de vous avoir envoyé un prêtre catholique si vous étiez d'une autre religion etc..." Des gens perdus, cachés, au passé inconnu, ayant peut-être fui quelque drame, avalés, disparus sans laisser d'autres traces en vingt ans de vie que leur goût pour le chocolat et les romans policiers, qui saluaient cependant leurs voisins, leur concierge ou les commerçants. Poignant. Ça s'est révélé pendant la canicule mais ça a toujours été.
Mercredi 23 juin 2010, 22 h, chez Manu
10 h
NUIT QUASI PARFAITE ! Le moral est revenu. Sauf un réveil très matinal par les éboueurs mais je me suis rendormie, il faut absolument que je dorme pour résister. Aucune sensation de faim ni même de fatigue, c'est normal, j'ai commencé bas puisque hier j'ai tout de même mangé une minuscule pizza. (Message pas à sa place, bien antérieur...) J'ai cependant déjà maigri. Pour ceux qui voudraient faire une grève de la faim, une erreur à ne pas commettre est de se fatiguer la veille, de tout ranger chez soi, tout organiser. Ça sécurise mais on part sur de mauvaises bases : le plus dur est le premier jour, non pas à cause de l'absence alimentaire (dans mon cas, pas totale) mais psychologiquement... et si on commence fatigué, on part vaincu. Je n'ai pas encore fait mon panneau, ce n'est pas sérieux, ça fait confidentiel.. et au fond c'est sans doute ce que je veux, je n'arrive pas à me mettre en évidence, ça ne se fait pas en somme une mairie de gauche, zut ! je m'y colle.
Ce qui me manque le plus est de pouvoir me laver. Je mesure le courage qu'il faut aux SDF pour parler aux gens tout en étant sales. Je suis allée me doucher vite fait au Ranquet. Une fois propre, la vie revient, on est comme tout le monde, plus assuré vis à vis des gens que l'on suppose également propres eux aussi.
LA PEUR
Le problème lorsqu'on se lance dans ce genre de combat dans un village est non pas l'attaque frontale qui au fond crève l'abcès... mais les scories : certains sont mal à l'aise parfois parce qu'ils ont peur. (Il arrive même, le cas est rare et ici fut unique, que des braves en profitent pour vous lancer une petite pique, on se sait jamais, le toro est dans l'arène et ça peut marcher.) Les gens donc parfois ont peur. Peur de vous. Peur à cause de vous. Peur pour vous. Peur de ceux contre lesquels nous montez au créneau.Parfois on ne sait de quoi. Pendant la guerre, ce devait être le drame des juifs et des proscrits comme l'écrit Gustave Nouvel dans les lettres à Lydie -ma mère, qu'il aimait-, et les mêmes qui redoutent -quoi? ici, rien ou si peu- devaient alors être littéralement terrorisés. Quoique la sensation de peur n'est souvent pas proportionnelle aux risques réels. Mais pour un pauvre, 50 E qu'on peut lui accorder au service social, c'est énorme. Comment auraient-ils réagi ? Comment aurais-je réagi ? Les gens du village, c'est moi, c'est tous. Je cerne ainsi les gens : la solidarité active, souvent mais pas toujours le fait d'amis ou plutôt de ceux que j'ai parfois dépannés -pas nécessairement idéologique- la gentillesse superficielle -le plus fréquent-, l'indifférence -rarissime-, ou parait-il, mais ce ne sont que des on-dit, pas forcément exacts ou peut-être exagérés, l'attaque indirecte. Il vaut mieux se trouver du bon côté en somme, et certains redoutent des retombées. Il y en a de plus avisés toutefois qui hésitent et redoutent un renversement ; ils ne savent pas très bien comment ça va tourner. Comme l'écrit Gustau dans une de ses lettres à Lydie ma mère. "Les mêmes qui nous tirent dans le dos un jour viendront se recueillir sur nos tombes avec des fleurs"... J'y pense à chaque fois que je vais au Puits de Célas lors des cérémonies.
Paradoxalement mon histoire elle-même, la série qui m'a éreintée, bien qu'en grande partie fortuite, ce fut le hasard, puis la nécessité, dans sa démesure même, joue parfois contre moi : ce que je subis, peut-être le redoutent-ils pour eux-mêmes. J'apprendrai par la suite que mon cas n'est pas rare.
Peut-être aussi des gens en grande détresse, beaucoup, se disent-ils que ces histoires ne les concernent pas vraiment, ce sont des affaires dont ils se sentent éloignés. Il y a peu, une femme, nullement agressive m'a dit en d'autres termes que si on me pompait 4000 Euros, c'est que je les avais, ainsi qu'une maison et qu'au fond j'étais chanceuse. Exact. Mais elle ne réalisait sans doute pas que le même système arbitraire qui fait des lampistes et des lampeurs pourrait se retourner contre elle en pire et lui prendre par exemple son enfant. Quand on est dans la nécessité absolue, parfois, on ne se rend pas compte. Cela vaut pour moi. Je le savais, ce sont les scories obligatoires seulement plus visibles ici où tout le monde se connait et où les gens sont parfois "nature" et ça, tant mieux.
Tous devant la télé, désabusés puisque la France a fait un bide dit-on. Il y avait des allemands ou hollandais. Le cœur n'y est pas. Plus. Peut-être aurais-je dû choisir un autre moment ? Tant pis. J'aime ce café, Manu est le premier à avoir offert la wifi à ses clients, les autres ou plutôt un autre a suivi. C'est sympa, et il y fait frais.
Mercredi 23 juin 2010 18 heures
Une jeune femme vient me demander des tracts à distribuer. Je suis touchée, elle s'étend sur sa situation sociale pénible, ses enfants lui ont été retirés etc, elle veut faire une grève de la faim elle aussi et se renseigne... Je ressens un peu de vague tout à coup... c'est curieux comme le moral monte et descend rapidement, un cycle extrêmement rapide qui passe de l'euphorie à la tristesse en quelques secondes. Une autre qui a été accidentée pour la deuxième fois sur le Portalet, le boulevard principal, passe, elle est nourrie par une sonde qu'elle garde en permanence et de surcroît, d'une maigreur épouvantable. Il faudrait absolument une déviation. Cela fait dix ans qu'on en parle et nous la promet.
Bien des gens ici sont contraints de requérir de l'aide au quotidien -maladies, infirmités, mal débrouillardise, marasme social-... si bien que les relations sont un peu faussées. Ils ne peuvent pas apporter grand chose ou le croient à tort, en sont blessés et se poser devant eux avec un panneau même si on ne les aborde pas, c'est leur faire violence. La démarche de l'affiche est faite, j'observe les gens. Par moment je me sens seule, l'instant d'après, portée sur un nuage.
NOUVEAUX RICHES ET NOUVEAUX PAUVRES
Une observation pénible. Il est incontestable que parmi certains amis ou relations, il en est qui sont gênés et même qui semblent avoir honte de moi. Nicole est passée en m'évitant soigneusement, l'air affairée d'une working woman qu'elle n'est pas. Ce que je fais n'est pas "classe", "on" est des bourgeois assez convenables etc.. Certes, en un sens, mais pas de la manière dont elle le voudrait. Mon oncle avait fait 3 mois de prison pendant les grèves des mineurs en 48, "ils" n'en parlaient jamais -sauf Lydie-, les uns parce qu'ils croyaient cela honteux, lui par modestie, un couple uni pourtant, aimant mais de deux bords différents, ça arrive. Ce n'est que sur sa tombe que j'ai levé publiquement l'omerta avec l'aval de Lydie -ma mère- qui elle aussi déplorait ce silence... au plus grand étonnement de certains qui l'aimaient pour d'autres raisons car il y avait de multiples raisons de l'aimer et qui ont regretté de ne rien avoir su. Les cévenols ! A présent c'est accepté par tous voire valorisé. Il a fallu 58 ans. Drame familial ici répercuté 60 ans après. Je ne me compare certes pas à Guy mais comme lui je fais quelque chose d'inhabituel et de public, de pas très convenable au fond. Je déroge à mon tour. Tant pis. Tant mieux. Plus tard, ce ne sera sans doute pas mal connoté mais à présent, pour certains, mieux vaut faire comme si ça n'existait pas. La prison politique, une grève de la faim devant la mairie.
RACHEL COHEN, MAMITA
Je dérange la tendance trad qui se veut chic -en fait, c'est plutôt l'inverse- rien de pire contre les hors-norme volontaires que leurs ex confrères malgré eux enfin entrés avec une satisfaction non dissimulée dans les clous ou ce qu'ils croient l'être. Je préfère les nouveaux pauvres en général plus sympa, plus marrants et au fond plus fréquentables. Je ris intérieurement, songeant soudain à Mamita qui avait eu le cran d'engueuler le rabbin voulant lui interdire -lui interdire ! à elle !- l'accès à la salle de prière pour le kadish anniversaire de son mari. Princesse orientale avec son arrogance, ses "r" roulés, son outrance.. et ses cuirs impavides, mixte de petit Gibus, "si j'aurais su j'aurais pas venu" et d'Elvire Popesco, une grande tragédienne : "Je l'ai toujours fait dans MA synagogue!".. "Oui Madame; mais ici, heu.. la synagogue ne vous appartient pas".. "Alors à Parrris, vous êtes contrrrre les femmes ?" Mamita dans le rôle d'Antigone, ça valait le voyage, pour une fois j'ai été fière d'être sa belle-fille et, intéressée par l'affaire qui prenait un tour Action directe, je lui ai chuchoté : "on fait le forcing, chiche?" prête à en découdre avec joie avec le vieux queutard onctueux. Elle n'a pas voulu mais est restée dans le hall, hautaine et méprisante, priant à voix haute et gênant le passage car de la place, elle en tenait, vison compris : "Et dirrre que c'est moi qui finance et je peux même pas entrrer!" Robin était comme d'hab en retard. Je la regrette un peu comme je regrette le panneau de pub de P. sur le Portalet, haut, abîmé, empiétant sur la voie publique, vétuste et un peu menaçant, occupant une place qui à présent semble vide. Une nouvelle pauvre ayant conservé ses habitudes d'aristo avec ce que cela comprend de juste féminisme, elle était Rachel Cohen et rien ne pouvait la contraindre à déroger, même pas sa féminitude, la guerre, l'exil et à la fin le manque d'argent. Un bloc. Ici, elle serait coiffée-maquillée impec à mes côtés et offrirait en souriant le thé aux gens venus s'informer.. "C'est insupporrrtable, n'est-ce pas? La justice ici ? ya pas."
Ce mélange de plusieurs sentiments contradictoires et superposés parfois que je devine, moquerie, admiration, amitié, honte, solidarité, peur... je finis par l'éprouver aussi envers moi-même, d'où ces hauts et bas. On est ce que l'autre voit de nous. J'ai sommeil. Ce serait bien de faire une sieste mais dans la voiture en plein soleil, il doit y faire 40°. Tout à l'heure. Dans la nuit cependant, il fait froid, la couverture n'est pas de trop. Je suis allée boire. Il y avait un magnifique croissant sur la banque, j'ai failli l'arracher et le dévorer. La faim me tenaille depuis ; je n'y pensais pas une seconde avant. Je vais l'oublier dans cinq minutes. Je pense à Milena Jesenska à Ravensbrück et au café au lait que Margarethe lui apporta au risque de sa vie, au "revier" où elle se mourrait.
Mercredi 4 heures
Pure merveille, un petit magasin d'informatique m'a laissé la wifi. Il me manquait une aile, le net. Je l'ai à nouveau. Moral à la hausse du coup. Je vais faire l'affiche. Enfin ! Chaleur écrasante. Tant pis. Je crois que je me suis intoxiquée hier avec la peinture dans la voiture, le pot était mal fermé, maux de têtes légers dans la nuit et nausées, cette nuit je le sortirai. J'écris le soir sur les marches du magasin. Ça marche super, quatre barres.
JE CRAQUE
J'ai craqué : un café bien fort et j'ai dévoré le croissant. Failli m'étouffer. Samir n'a pas voulu que je paye. Trop gentil. Impensable, le moral est immédiatement revenu au beau fixe. Ne serions-nous qu'un assemblage biochimiques de réactions? L'énergie que coûtent le stress et parfois les gens est incommensurable. J'étais déjà restée sans manger plusieurs jours après la mort de Lydie, mais seule, enfermée volet clos dans la galerie écoutant en boucle Werther et ça n'avait pas posé de problèmes, aucun. Je pensais qu'il en irait de même ici, ce n'est pas le cas.
Le garde est venu, le nouveau, un blond élégant surdimensionné, comment tiennent-il avec cette chaleur avec leur uniforme, c'est inhumain... il me dit qu'on est en zone bleue tout en regardant de côté, pas trop à l'aise semble-t-il, que je ne peux pas laisser ma voiture garée toute la journée. Je lui propose de la changer de temps en temps, reculer et avancer, il y a toujours des places libres à cet endroit, en plein soleil, ça ne se bouscule pas. Il a l'air emmerdé. Je lui demande de combien est la contravention. 11 euros. Je lui réponds que c'est OK. Il a l'air encore plus emmerdé. Sacrés élus ! J'imagine la scène. Virer une femme qui n'a quasiment rien mangé depuis deux jours, ce n'est pas avec de tels faits d'armes que ces jeunes costauds engagés par vocation de justice vont faire vibrer les belles, on leur casse la baraque. Je suppose qu'ils ont tiré à la courte paille. Je pense à cet élève de STT, brillant, rare dans ces sections, qui est devenu flic, motivé par l'ambiance de Vitry où les loubards font régner leur "loi" et quelle loi... désireux d'en découdre enfin avec eux, mais avec le pouvoir de l'état et de la justice. Je ne l'avais pas découragé, au contraire. Il avait une moyenne de 15 en philo -et partout- et a dû monter en grade assez vite. Qui sait ? s'il était ici, peut-être serions-nous face à face. Marrant. J'aimerais bien, il prendrait une belle engueulade. Je préfère être à ma place qu'à la leur. Dans toute ma carrière de prof, il faut le reconnaître, je n'ai jamais eu à faire quelque chose que je refusais moralement, merci à l'éducation nationale, qui paie mal mais préserve l'éthique de ses chevaux de combat. Heureusement qu'il y avait le croissant. Sinon j'aurais éclaté en sanglots sans doute. Je m'affaiblis très vite.
Une erreur à ne pas commettre pour les néophyte : il ne faut pas que ce soient les mêmes qui fassent la grève de la faim et qui parlent aux gens. C'est cela qui est dur; parler, parler... et surtout écouter -dans certains cas- épuise.
Jeudi 24 juin, 6 h et demi
LA FAIM
Des gens m'ont demandé comment accéder au chemin de la Roque. Ils vont y aller. Se baigner? Pas trop conseillé. Ils me soutiennent. Peut-être faudrait-il une pétition ? Je vais rédiger le texte. Mais la faim à présent! mon corps crie littéralement qu'il lui faut du carburant. Je ne pensais pas que ce serait si dur. 2 jours seulement. Dany est passé, costard trois pièces, ray ban... l'écouter encore parler de l'entreprise qu'il n'a pas.. Il est gras et jovial, content de lui. Mais au fond désespéré. Bien sûr, il me soutient. Il me tardait qu'il s'en aille. Bon, cette grève est un choix, pas de jérémiades... Peut-être aurait-il fallu une autre méthode ? Si je m'épuise, et ça a l'air d'aller plus vite que je ne pensais, je ne pourrai plus me défendre. J'ai peut-être eu tort finalement.
Le panneau est fait, minable (trop crevée) mais bien visible. Les gens s'arrêtent. Il suffisait de ça. Super.
Le livre "Chants philosophiques" est en rupture de stock à la maison de la presse. Je m'en suis aperçue en allant en chercher un pour Milou.. J'ai dû réapprovisionner : c'est si dur, simplement de soulever vingt livres, monter une marche et faire 100 m à pied, pas plus. Plus dur encore de devoir me garer à nouveau, un créneau particulièrement serré. Les moindres gestes pèsent, je n'ai plus envie de bouger, même aller aux toilettes me paraît insurmontable. Monter les dix marches à la poste, juste en face du troquet et surtout cette horrible porte en fer qui pèse tant. C'est fait. Pas encore le courage d'aller poster un mandat pour Fred, la chaleur, la queue à faire.. Il le faudra pourtant. Où trouver la force? Mes relations avec les gens deviennent différentes, plus directes, sans doute la fatigue, c'est comme si j'étais droguée. Plus de patience, je les rembarre parfois. Le vieux mineur par exemple, qui m'a dit que les gens se foutaient que je crève, que personne ne me plaindrait... en fait, c'était pour me dissuader parce qu'il m'aime bien, j'ai presque crié. "Mais je ne veux pas que l'on me plaigne, je veux que justice soit rendue !!!" Toute mon énergie est soudain revenue d'un bloc. Quant à dire que les gens se foutent de tout et de tous, c'est faux, certains en effet ont peur, les commerçants par exemple, qu'on leur refuse une terrasse, une prérogative quelconque, mais le peuple, lui, réagit. Il n'a rien ou pas autant à perdre. La preuve, presque tous signent. Il s'est excusé et a signé, deux fois s'il l'avait pu. Je vais mieux. Je le paierai sans doute ce soir par un petit malaise. La colère libère mais coûte.
LES CASTES
En fait, les commerçants ou les riches disons, et les marginaux, sont ceux qui souvent ne signent pas, les premiers parce qu'ils ont trop à perdre, les seconds parce qu'ils n'ont rien. Et n'imaginent même pas que leur avis vaille quelque chose.. ou a contrario parce qu'ils ont quelques miettes à perdre, des croûtes qu'on leur présente comme des tartelettes de chez Fauchon. Parfois ils se justifient de manière tordue.
Ainsi le marginalissime, un jeune gus sympa, intello, qui me dira plus tard qu'il vit en caravane. Il lit, me questionne, on est en phase sauf qu'il en rajoute un peu trop, il déteste les institutions, les administrations, le système, tous pourris, Kafka, il en fait beaucoup, il veut être libre, du reste il a fondé une micro entreprise de je ne sais quoi pour ne pas être salarié... puis il refuse de signer: par principe il ne signe rien avoir d'avoir bien mûri sa réflexion... et m'annonce qu'il est pressé car il file à la Mairie... où on doit lui établir son barème de taxe professionnelle. Vas y coco. Sans commentaires.
COMÉDIE HUMAINE
Ça se corse. Visite impromptue d'une adjointe, amie d'amie ou plutôt d'ex amie... qui m'a eue à la surprise, je fermais la voiture, elle était derrière moi. Visiblement peu impliquée bien qu'élue -elle milite ailleurs dit-elle et c'est sans doute vrai-.. elle a l'air de vouloir jouer les Kissinger et m'a abordée fort gentiment, apparemment elle ignore tout -et mes courriels auxquels elle n'avait jamais répondu? Mystère, il est vrai que le Sahel est plus important-. Se prévalant d'une amie commune Sylvie Barbe, la jeune femme très médiatisée, télé et tout et tout.. qui vit en yourte à Bessèges et qui, récemment expulsée du terrain où elle se trouvait, a eu le courage de la reconstruire un peu plus loin sur un lopin qu'elle a acheté.. Elle me la joue copine et... demande à s'asseoir à ma table où se trouvait déjà une amie. Je refuse : "tu fais partie de l'équipe qui a fait ça et ne t'y es jamais opposée, donc non.." A ce moment, le maire est passé, comme par hasard -c'était peut-être un hasard- et je lui dit que si, devant moi, elle allait dire ce qu'elle pensait à ce monsieur, on pourrait en effet discuter, pas avant. Elle a aussitôt sauté, l'a rattrapé, embrassé.. et ça a duré... duré... Puis elle est revenue et a demandé à signer la pétition, précisant qu'elle avait exigé une réunion du Conseil Municipal parce que l'affaire urgeait. Soit. Visiblement elle va agir. Sincère ? Peut-être, finalement, elle vient de réaliser tardivement ce qui se passait. Mais je préfère la jolie femme noire du préfet, plus nature et sans doute plus sincère récemment débarquée qui habite à la maison Sihol. (Message pas dans l'ordre).
Comédie humaine! Si ces mésaventures me sont arrivées, c'est sans doute parce que j'étais seule et sans fratrie, plus le hasard car notre petit promoteur local-père-de-maire- aurait pu démolir la maison d'un autre, il n'a pas spécialement choisi la mienne, rien de perso là dedans, c'est juste un étourdi... Mais aucun, je parle des élus, ne s'en soucié jusqu'à ce que je porte l'affaire en place publique. Et dans quelques temps, ceux qui s'approchent des canots de survie sans encore y sauter diront que c'est grâce à eux que tout baigne enfin. Ma foi, l'opportunisme, si ça en est, car je suis peut-être devenue parano, a du bon.
C'est la faim peut-être qui me tenaille trop et me rend dure. Un croissant, mon royaume pour un croissant. Je suis absolument certaine qu'il en reste un. Ce serait bien de dormir aussi... Mais le soleil ! J'ai envie de voler un biscuit dans le panier sur la banque et d'aller le dévorer aux WC discrétos.
Jeudi 24 juin 8 h -20
J'attendais inconsciemment un croissant comme un chien son os, je me demande si je n'ai pas vécu toute cette journée uniquement dans cette perspective, il restait sur la banque du troquet. Je n'en avais pas cependant l'envie quasi incoercible d'hier, j'ai beaucoup bu et le corps s'habitue sans doute.. c'était juste une récompense que je m'accordais après avoir peiné. J'ai même pris un café avec ! Pas trop de honte tout de même... Je dois tenir... après tout, deux croissants en trois jours, c'est tout de même une grève de la faim. S'il y avait quelqu'un ça serait différent mais parler, argumenter, et ne pas manger est quasi impossible, les gens ne se rendent pas compte de l'effort que cela requiert, surtout ceux qui en profitent pour raconter des histoires perso répétitives. Si c'est une question sociale qui se raccroche à celle-ci, c'est bien, mais parfois ça n'a aucun intérêt.. et ça fait dépenser de l'énergie en vain... Normal en un sens de vouloir parler, je suis là, collée, c'est pratique, mais la fatigue... je manque d'énergie donc de patience. Avec un croissant tous les 2 jours ou tous les jours, je supporte tout, même les délires de Beny.
Les gens sont tous entrain de manger chez eux ou devant le poste s'il y a un match. Plus personne. Ou presque. Soutien d'un jeune agent immobilier. Plus de fatigue. Il y a des gens qui donnent de l'énergie, d'autres qui en coûtent. Maïa va passer m'a-t-elle dit.
jeudi 24 juin 2010
5 heures et demi
UN PV, LES GARDES
J'ai eu un PV. Le garde était plus emmerdé que moi. Sympa. Il devait verbaliser m'a-t-il dit, et disait ne pas le pouvoir -car il ne voulait pas me verbaliser moi- et se faire engueuler. J'ai tenté de mettre la voiture à l'ombre, en face où ce n'est pas en zone bleue, il y avait une place que j'avais repérée mais le temps d'y aller, elle était prise. Je deviens terriblement lente et forcément les gens en profitent. Je suis donc revenue et ô stupeur, la meilleure place devant le troquet mais en zone bleue s'était libérée, juste devant la Mairie, je ne pouvais rêver mieux. Mais il m'a verbalisée, bien qu'à tout prendre, j'aie déplacé ma voiture. Emmerdé. Je lui ai dit que je n'étais pas fâchée du tout, ça l'a rassuré. Apparemment il a des ordres. Vive l'éducation nationale qui ne nous demande jamais d'agir contre l'éthique, du moins ne me l'a jamais demandé.
Je bois beaucoup. C'est important, je n'ai plus cette sensation de vertige permanente d'hier. Fuzia, une jeune femme toulonaise avec qui nous étions en train de parler longuement, m'a dit que je m'étais montrée d'un calme extraordinaire. (Message pas à sa place.) Je ne m'en suis pas aperçue. La fatigue -qui me ralentit- ou au contraire la "forme" ? Ça va bien. Je garde le PV juste à côté de l'affiche, ça fait classe. J'espère en avoir pour jusqu'à demain, qui sait ?
6 heures soir, Jeudi 24 juin 2010
Un gars qui hier avait lu attentivement le tract abominablement long est revenu exprès pour discuter, il a signé... et chose un peu honteuse, a même payé mes consommations (de l'eau!) sans que je ne le voie. L'écriture l'intéresse. Il est de l'Ardèche. Je lui ai envoyé mon blog répertoire par mail. Étranges relations côte à côte dans un troquet, cordiales, mais je suis un peu fatiguée de parler... et le net au milieu qui les simplifie, les prolonge et les démultiplie. Ça repose, économise les paroles et on respecte le désir de solitude des gens, ce qui n'est pas le cas lorsqu'on leur parle. Et balancer un blog, ça ne coûte qu'un clic. Faire subir à des gens ce que David impose à tous, une logorrhée épuisante, non. J'ai eu mon pseudo malaise lorsqu'il est parti. Si ça les emmerde, ils ferment et barka, personne n'est blessé.
Ça se dénoue. Une rencontre, Fuzia, qui est venue me parler... (message pas à sa place). Mystique, un peu, mais son pseudo panthéisme me va. Ce sera sans doute une relation au long cours, du moins l'espérai-je. Elle a tout de suite signé, la première, la pétition.
DU COTE DE CHEZ SWANN
LE TEMPS RETROUVE
Puis une dame que je savais connaître depuis longtemps sans pouvoir me souvenir d'où. En fait, sa mère a fait le ménage chez Marguerite -ma grand-mère- et m'a gardée quand j'étais bébé. J'avais moins de trois ans. C'est peut-être elle qui m'a appris à lire au fait ? elle était très intello, de cette classe d'ouvriers qui lisent et débattent... Un vieux mystère familial, je savais lire quand ma mère m'a récupérée et elle avait ressenti cet apprentissage intempestif comme une spoliation d'enfant. A l'époque, je n'ignorais pas qui m'avait appris, mais je n'ai pas parlé et à présent je ne le sais plus. J'avais une vague idée en effet d'une dame qui faisait le ménage -ou sa fille !- et quand j'ai vu cette femme -70 ans environ?- un souvenir a ressurgi, prégnant, le Ranquet, Marguerite, et ce mini drame comme Lydie avait le chic parfois de faire... Ma grand-mère dans l'histoire ne s'était pas démontée devant les questions coléreuses de sa fille : "elle a dû apprendre toute seule"... avait-elle rétorqué avec l'aplomb et la mauvaise foi d'une politique, d'une commerçante ou d'un escroc. Fureur jupitérienne relativement compréhensible de ma mère, sanglots... "Vous en avez profité quand j'étais au sana..." Il ne fallait pas contrarier Lydie qui en effet revenait de loin... mais il faut reconnaître qu'elle a eu l'élégance de ne pas me torturer de questions, respectant mon silence : à trois ans, j'étais déjà "téléchargée", ne pas cafter, une question d'honneur etc... et il ne fallait pas me déformater.
C'était à Alès, on venait d'acheter des chaussures, on m'avait donné un ballon qui me réjouissait et j'ai épelé "B A ba... T A ta... bata".. elle s'était arrêtée au milieu de la rue d'Avéjan, suffoquée. "Tu sais lire ?" Euh... oui. La plupart aurait exulté, ce fut le drame. Normalement, j'aurais dû finir en échec scolaire.
Je la questionne avidement : est-ce vous ou votre maman qui m'auriez appris à lire par hasard ? Elle ne se souvient pas, elle avait douze ans et venait chercher sa mère le soir -donc mon souvenir était bien exact!- et ajoute que ça n'aurait rien eu d'étonnant. Du coup, j'oublie de lui parler de la pétition mais on va se voir tout à l'heure chez Manu. Réminiscences, ça revient avec son visage fin un peu hiératique... je crois à présent en effet que c'est elle, avec une autre, peut-être plusieurs... Sa frêle silhouette m'a fait redécouvrir un passé oublié, des baby sitters, Mireille Teissier, Mr Vialle l'instit, Mme Coté sa belle-mère dont le mari issu de la DDAS bichonnait ses enfants -et tous- pour leur éviter les drames qu'il avait vécus, la soupe de pâte rivoire-et-carré de Marguerite et de Josée, Germaine et l'oncle Fernand et leur voiture, de nos jours, il faut lire "leur avion", Madame Peyronnet et sa sœur servante de curé qui m'avaient à la bonne, selon elles j'étais le génie de la famille, Marguerite avait une opinion plus nuancée (!).. ça peut être n'importe qui.... Orpheline putative, toutes les dames -et aussi des messieurs- de mon entourage rivalisaient de gentillesse, de cadeaux, de ballades ; je n'ai pas eu une -petite- enfance malheureuse ! Grâce à Marguerite et à ce village qui m'a recueillie. Je leur dois tout, même d'avoir mystérieusement su lire à un âge où en principe les enfants jouent au nounours.
LA GARDEN PARTY
Nicole passe... et comme hier, affecte de m'ignorer. Cette grève aura eu le mérite de filtrer les gens. Incommensurable. Le filtre l'a retenue. Comment peut-on fréquenter des gens quasiment tous les week ends, diner avec eux et les haïr sans que rien ne paraisse ? Je l'avais ressenti à la mort de Lydie, la soirée donnée dans le jardin une semaine après, l'insistance déplaisante avec laquelle elle m'avait dit "normalement ç'aurait dû être la semaine d'avant et ça aurait bien arrangé ma sœur qui avait pris ses jours, mais étant donné les circonstances... on s'est dit ce n'est pas possible alors on a reculé "... Devais-je m'excuser que Lydie fût morte au moment où la frangine avait posé ses congés?
La garden party, version saint ambroisienne, en somme.. [une famille bourgeoise anglaise invite des amis pour une fête champêtre dans leur cottage, fort attendue et préparée par les enfants avec une joyeuse excitation.. lorsqu'un jeune ouvrier agricole se tue juste à côté.. Malgré une jeune fille -elle sera la seule- qui est bouleversée par cette indécence, tout va se passer exactement comme prévu, à un jet de pierre de la famille du mort qui le veille... les invités ignorant tout de l'affaire sont arrivés, on ne saurait les congédier etc. Mais à l'époque, il n'y avait pas de portables ni de mails..]
On fréquente parfois tout le temps des gens dont on accepte l'éthique ou parfois disons la non-éthique en faisant comme si on ne le voyait pas -famille-famille- et parfois réellement on ne le voit pas alors que dans des groupes politiques on est prêt à s'étriper pour une virgule. C'est idiot. C'est quand il se passe quelque chose de lourd que ça se révèle et se noue. Rarement. Ainsi va-t-on diner tous les samedis avec quelqu'un qui vous hait sans que vous ne vous n'en sachiez rien et rompt-on radicalement avec le camarade dévoué qui vous admire parce qu'il n'a pas été d'accord sur un passage d'un tract ou d'un article. Ânerie de militants.
Jeudi 24, 13 30 heures
Le net est revenu, ouf. Un monsieur type bourge distant, d'un certain âge, avec maman (ou madame) s'est assis à côté de moi. Comme il s'approchait de l'affiche, je lui ai donné un tract, il est allé à sa table, l'a lu posément... et l'a passé à sa femme en lui disant "c'est du bon français"! Apparemment, il fait le filtre orthographe/style/syntaxe avant de transmettre tel un goûteur de vins. Rigolo. A part ça, aucune réaction. Merci en tout cas d'apprécier... littérairement. On se contente de peu, de presque rien.
12 h 40
LES KNOCKS DES LABOS, SURMÉDICAMENTATION DES "VIEUX"
Coup de fil du Kurdistan. Touchant, on pense à moi si loin. Tout va bien, il ne fait pas trop chaud. Une dame d'un certain âge, amie de Mme Barrier est passée. Sous tranquillisants comme beaucoup de veuves, seules et dépressives. Les toubibs ici s'en débarrassent-ils ainsi ? Il faut croire car il n'y en pas une qui ne soit sous lexomyl, témesta ou autre et parfois à doses massives. Elles ont un air vague et certaines semblent totalement refermées sur elles-mêmes, flottant. Celle-ci me parle de ses soucis, reliés aux médicaments du reste, elle ne cesse de tomber, a une grosse bosse à la tête... et sa fille refuse qu'elle garde son petit-fils ou arrière-petit-fils … J'écoute mal et lui dis de voir un autre toubib qui l'aide à arrêter, elle acquiesce vaguement et s'en va en me disant "bon appétit." J'éclate de rire, elle se retourne et en repartant se cogne contre l'affiche de Samir.
24 juin, 11h 30
Le garde sympa, celui qui avant les élections a eu le courage de venir m'embrasser devant la mairie juste après mon "occupation" du service des eaux - il risquait ainsi sa place si la gauche n'était pas passée- a été diligenté pour me dire que samedi, il serait obligé de bloquer la place pour une cérémonie... chose extraordinaire, de remise de médailles à des anciens combattants de 40. Impensable la baraka. Ce sont pour beaucoup des gens que je connais, que j'ai interviewés pour les "Lettres à Lydie" et certains, des amis proches. Jean C. viendra-t-il ? Pierre A.? Est-ce un hasard? Je suis folle de joie. Des copains invités à deux pas ! Et des gens hors classe. Je ne pouvais rêver mieux. Merci.
En fait ce fut un bide, ni Jean ni Pierre, ni Daniel qui boudent systématiquement ces cérémonies, ne viendront et les autres ne me verront même pas, j'étais restée volontairement discrète... mais il faut dire que certains, même pas Jacques qui, pour se dédouaner, m'apportera peu après l'argent des "Lettres à Lydie" que son assoc me doit, ne m'ont pas beaucoup cherchée. Au moins ai-je gagné ça.
AIDER L'AUTRE, C'EST
D'ABORD S'AIDER SOI-MÊME
Un détail intéressant. Patrice, dont je supposais qu'il ne m'appréciait guère, malgré un minime service que je lui avais rendu autrefois, se montre à présent mieux que sympa. A la réflexion, c'est normal. Quand on aide quelqu'un, si peu et si naturel que ce soit, on humilie les gens.. et quand ils peuvent vous restituer le service, ils se sentent mieux ; c'est là qu'ils vous apprécient alors car c'est vous qui êtes dans la merde et ils peuvent se montrer généreux. Être parfait insupporte, je le ressens avec les gens du rézocitoyens par exemple ou autrefois Guy qui pourtant tentait de minimiser son rôle au maquis et tout ce qu'il avait fait de remarquable, en vain. La perfection écrase et il en faut peu. Sans doute ai-je dû anéantir Patrice sans le vouloir. Aider valorise celui qui offre ses capacités, les révèle, les démontre et donc le pose en cador. Même lorsque ça coûte peu -je parle pour moi-. De fait, on s'attache davantage aux gens à qui on a rendu service que ceux-ci à qui leur ont offert de l'aide : les premiers donnent de nous une image top, les seconds, une image low... et évidemment de l'autre côté, c'est l'inverse, les premiers savent que vous avez d'eux une image low, les seconds sont satisfaits que vous ayez d'eux une image top. Je me suis donc fourvoyée sur lui et il est bon qu'à présent cela se révèle -je me disais sottement qu'après "ça", il se posait là, le snob, même pas me saluer, zut-. A présent, il en fait presque trop comme s'il en avait conscience de rectifier le tir. Il est bon que je sois dans la merde, ça remet les choses à leur place et en certains cas, ça les inverse : Nicole me blackboule, Pat me bichonne.
Il me semble que Lydie me fait un clin d’œil depuis la mort. Elle m'aura aidée décidément autant morte que vivante en me donnant, en fait, en m'indiquant la place où elles étaient cachées, in extremis ces lettres de Gustave Nouvel. Elle avait les défauts de ses qualités en somme, on ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre et le cul de la fermière. Sans doute n'aurais-je pas aimé quoique j'en aie dit, une mère popote, comme celle de Frédérique, que j'admirais mais bon...
Être impuissant ou le croire est sans doute la pire des choses. On ne se sent plus humain. Lorsqu'on aide trop ou trop souvent quelqu'un, il se sent nul et parfois vous en veut... Ca me rappelle cette phrase (Proust? Peut-être) "il l'aimait tellement qu'il ne cessait de la précipiter dans le gouffre pour avoir le plaisir de l'en tirer", de mémoire. Sacré Proust !
Jeudi 24 juin 2010
Une femme au troquet, visiblement intello, lit le tract, avec attention me dit-elle mais elle a besoin de temps, elle semble anglophone. Le correspondant de Libé, j'ai appelé celui de Toulouse par erreur me remballe, genre je fais des choses plus importantes... d'autant plus qu'il n'est pas concerné géographiquement! Observation réitérée : ce sont les gens les moins importants -que j'écris mal à présent, tant pis- qui se la pètent le plus. Forcément, pour compenser. C'est comme les mecs, l'espèce ici est très répandue, qui se vantent de leurs exploits sexuels sans que jamais personne ne se soit décidé à en bénéficier. Henry au contraire est sympa, beaucoup plus simple d'abord. Par chance, c'est lui qui doit gérer le truc. Le hasard là aussi. Je serais à Toulouse je pourrais aller me rhabiller. Je leur ai proposé de devenir correspondante bénévole. Ici on est excentrés, le trou du cul du monde et il faudrait un œil.
Note après-coup. Je n'ai souvent pas été jusqu'au bout de mes projets, les meilleurs comme les pires. Pleutrerie? Épuisement? Découragement de Robin ? Quant-à-soi? Manque de détermination -une mairie de gauche-? Un peu tout ça sans doute. Ainsi ai-je raté de belles occasions. Tant pis.
Je suis allée me doucher chez moi. Difficile de parler aux gens si on est sale. Sans doute à un moment le faudra-t-il pourtant. Je n'aurai plus la force de conduire -c'est dangereux, je vois trouble par moment.-
UN MILITANT
J'ai fait la pétition. Mais il faut que je me repose un peu. Je tremble mais ça, ça m'arrive tout le temps quand je suis énervée, comme tous les Larrivé, ce n'est pas lié à la grève. Mme Barrier m'a saluée mais n'est pas venue. A-t-elle peur ? Je mets certains gauchos mal à l'aise, c'est une mairie de "gauche". L'ex équipe a bien autrefois essayé, timidement dois-je dire, de me recruter, comme tous. Sans succès. Du coup, je suis hors politique, enfin hors politique classique. Je n'intéresse personne... et tout le monde en même temps, d'autant plus. Car les politiques ont mauvaise presse à juste titre. Observation : certains militants sur ce coup n'ont pas été nickels, je m'y attendais... mais pas à ce point. Un contentieux dont j'ignore tout ? Ca se peut dans un village. Gilles est passé me voir, à ma demande, je voulais vérifier une info dont il m'avait déjà entretenue -promis serait excessif mais disons presque-, mais apparemment comme il était emmerdé d'être vu avec moi... je lui ai donné rendez-vous derrière le kiosque. J'ai eu l'info ou plus exactement l'absence d'info... Mais cela m'a obligée à faire quelques pas sous le soleil, une performance qui m'a donné le vertige pour un moment. A analyser. Peur? Désir électoral ? Il n'est pas bon pour lui de se positionner ainsi ? Ça me semble l'inverse, mais... Refus d'être derrière un écran? Il n'est pas mesquin, genre "j'ai un permis de construire en instance" donc ça doit être autre chose. Peut-être la simple vanité, les militants n'aiment pas être débordés. Ça m'a tout de même valu des vertiges tout l'après midi. Voulait-il que devant les ouvriers, je parusse demandeuse? Je l'étais certes, mais d'une info dont il m'avait déjà parlé.
Voir l'analyse au Jeudi 29 juillet, sensiblement différente...("Lettre aux militants")
Analphabétisme
La jeune femme infirme qui promène son chien passe et repasse. Je l'avais amenée au super marché quelques fois, à sa demande, elle semble très isolée. C'est loin et pas facile avec les voitures sur la route. Rien n'est fait pour les piétons. Je réalise qu'elle doit être quasi analphabète et n'ose pas le dire. Le tract est trop long, trop intello. J'avais pris son hésitation hier à le saisir pour de l'agressivité, et lui avais dit que si elle ne le voulait pas, qu'elle ne le prenne pas, un peu sec sans doute, je n'ai plus de patience. Elle ne cesse à présent de me sourire. Elle a dû comprendre que je m'étais méprise et ne sait exprimer sa solidarité qu'en passant et souriant. Elle a raison. Quand on est dans cette situation, tout compte. Même un sourire. Étrange comme les émotions sont exacerbées à ces moments.
Notre après-coup. Durant toute cette grève, beaucoup de gens avoueront à mi mot -ou je m'en rendrai compte- leur quasi analphabétisme. Un problème grave car on se fourvoie sur leur indifférence et rares sont ceux qui osent en faire mention. Malentendus. Après qu'ils aient eu le tract, les voir me demander de quoi il s'agissait m'a parfois exaspérée, à tort.
J'ai craqué tout à l'heure. Cris m'a engueulée car il a peur pour moi, je n'avais pas trop la force de répondre, je me suis sentie partir loin et finalement j'ai pleuré, rarissime. Il s'est excusé, il ne se rendait pas compte, je ne résiste plus. Mon Dieu, protégez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge. Ça va mieux quand même. Mais l'énergie dépensée l'est. (Message pas à sa place.)
Vendredi 25 juin 2010
PASSE-DROIT
Maïa est passée avec plein de noms sur la pétition. Des femmes qui me connaissent me dit-elle, je ne me souviens pas toujours. Une femme super malgré ses ennuis. Ça ne l'empêche pas d'aider les autres tant et plus, c'est d'autant plus remarquable qu'elle en aurait grand besoin elle-même... ce qui prouve que même des gens dans l'embarras peuvent transcender leur situation. Elle a beaucoup d'idées et veut se consacrer à l'humanitaire mais manque de moyens pour les réaliser. Restons concret: avec 4000 euros, on peut faire des choses. Un gars qui a signé spontanément me dit qu'ici les employés municipaux ne paient pas l'eau ce qui est illégal. Je l'ignorais. Les coupures, ce n'est pas drôle à effectuer ; s'ils y consentent, est-ce relié à cet avantage ou à d'autres ? Accorder un passe droit, c'est toujours asservir qui le reçoit.
Note après coup : il semble qu'on se soit servi de moi ensuite pour leur ôter cette gratuité ; or, je n'ai jamais rien demandé de tel, leurs minimes privilèges venant sans doute compenser un salaire très faible et parfois un boulot peu plaisant. Mais ceci peut expliquer leur désengagement et celui de Gilles par ricochet envers moi; ils auraient été briefés contre celle qui aurait milité pour leur faire enlever une prérogative. Gilles m'a rapporté des discussions entre eux que les profs aussi bénéficiaient d'avantages. Lesquels ? Il n'a rien trouvé que la Camif, un groupement d'achat -auquel je n'ai jamais eu recours-.. Il reste en effet la gratuité des musées -mais c'est dans le cadre du boulot, ce qu'on engrange, on le redonne ensuite- cela n'a rien à voir avec l'eau.. à moins d'imaginer que ceux qui bénéficient de sa gratuité n'aillent ensuite laver les autres avec des bidons et tous les jours! Il se peut aussi que simplement le fait de mettre en évidence un dysfonctionnement aussi magistral du service (les 4000 E) les ait inquiété quant à leurs propres affaires même si ce n'était pas le sujet de base ni assurément le but. Lorsqu'on ouvre une porte, on trouve parfois des choses inattendues et curieuses en effet, sans l'avoir cherché. Oui, un passe-droit enchaîne.
CHASSE OU
VERTE
VERTE
Annie me dit qu'elle a fait signer la pétition dans son immeuble. Une conseillère municipale, celle-là même qui m'avait dit -très fortement comme à son habitude- que "cette facture serait payée un point c'est tout", l'a lui a joué cool : cette grève de la faim, c'était plutôt folklo, rien de grave, j'étais seule.. sous-entendu que tout ce que je pouvais subir ne portait pas à conséquence. Au moins, pas d'hypocrisie, les "natures" sont des gens précieux. Mais Annie a joué la même partition... et lui a répondu que contrairement à ce qu'elle croyait, "j'avais quelqu'un et pas n'importe qui" (!) ... Blessant pour moi certes mais bon... il faut faire avec ça aussi.
Une femme seule est toujours, ici comme ailleurs chasse ouverte. Comme elles ont toujours assumé et porté le maximum des charges de la société et de la famille qui tiennent debout par elles, lorsqu'elles décrochent, tout fout le camp : les mecs cherchent alors à les intimider, soit à leur "compte" -les maris-, soit pour le compte de la société -les minimes notables- et là c'est plus hard car ne s'y mêle pas le seul paramètre qui parfois tempère l'exploitation des femmes, le désir sexuel des hommes envers elles... -encore que les deux peuvent aussi coexister, chez les macs professionnels par exemple qui en jouent-. Si une femme seule s'en sort bien voire mieux qu'avec un bonhomme, où va-t-on ? Mauvais exemple pour bobonne qui dès fois pourrait faire pareil. Haro sur la dissidente. Et puis c'est plus simple car elles sont moins habituées aux pinaillages, plus intelligentes certes -sans forcer- mais aussi plus naïves... (4000 Euros, quoi, vous z allez pas en faire un flan ma bonne..)
C'est sans doute pareil ailleurs en effet mais comme ailleurs je ne suis pas seule, je ne le vois pas. Et il faut reconnaître aussi que dans une ville importante, ces aléas sont moindres car les mouvements de femmes, notamment de lesbiennes, sont vigilants. Ici, pas grand chose ou plus exactement, ces "mouvements", c'est moi (!) Bref, la copine a fait état de mon mari... Bien ? Pas bien ? Les deux. Et puis bof... je m'en fous. Oui j'ai un mari, certes à temps très partiel mais bon.. mais oui je peux aussi agir seule et après tout -pétons-nous la !- moi aussi je ne suis pas "rien". Merde.
Je suis tellement humiliée qu'à présent plus rien ne me touche : j'ai sans doute atteint le fond de ce qu'on peut atteindre dans ma situation sociale, je ne suis ni noire ni sur-exploitée dans un travail pénible involontaire, ni juive en 40 par exemple. Normalement, j'aurais dû être à l'abri de ces scories. Tant mieux que ce n'ait pas été le cas, finalement, je comprends mieux ainsi ceux pour qui cette situation est quotidienne, et ma -pauvre- victoire sera la leur. Triste cependant -mais inéluctable- que parfois ce soient des exploité/es qui se montrent en certains cas les plus virulent/es contre moi, comme s'ils avaient des comptes à régler avec les "favorisé/es" -ou les moins défavorisé/es- dont je suis. Frédérique parlait avec une componction professionnelle exaspérante du "complexe social majeur" (dixit) de certaines infirmières qui, disait-elle, l'exprimaient vis à vis des médecins-femmes les plus sympas et jamais ou rarement envers le patron odieux dont elles avaient peur. En avait-elle souffert? Sans doute, mais motus. Sur ça comme sur tout ce qui est politique.
LORELEIS ET SORCIÈRES
Une expérience en effet, et tout à l'heure, troublante -elle sera unique- vient corroborer cette réflexion. Une femme est venue m'insulter, tant de haine, c'est presque flatteur, d'autant que je ne la connais pas. En ces termes "elle a plein de maisons, elle a qu'à les vendre, ou vendre sa voiture".. elle n'a apparemment pas le sens de la valeur des choses, quand on voit ma voiture.. "elle en a trois (?) et trois maisons... Allez y"... à croire que les gendarmes devaient agir sur ses ordres... La malheureuse devait être instrumentalisée, elle venait juste de la Mairie. Les gendarmes, à deux comme d'habitude, un jeunot la jouant dominant, limite menaçant, j'ai même cru qu'il me disait de ne plus être sur la place, là ça a flambé, mon bled tout de même, si pourri soit-il, j'y tiens ! il paraît que j'ai mal compris, soit -je crains le ressac tout à l'heure, si ça se trouve je vais m'évanouir-... et puis un autre plus réfléchi, gentil, un jeu peut-être, peut-être pas. Comme ce sont souvent des comédiens hors pair, on le leur apprend (?) on ne peut pas savoir.
Intéressant, de plus en plus. Certains prolos éprouvent une haine contre les bourgeois, légitime, mais associée par nécessité à une servilité proportionnelle vis à vis du pouvoir, qui les fonde à tirer sur l'ambulance et non sur le chauffard. Je n'ai pas de pouvoir mais je suis "bourgeoise" suppose-t-elle ou lui laisse-t-on supposer, et c'est le cas si on veut donc toute l'humiliation qu'elle a dû ressentir lorsqu'elle est venue quémander une aide pour payer sa facture d'eau, elle l'exprime contre moi qui suis, croit-elle, identiquement bourgeoise mais sans pouvoir... comme le loup attaque le plus faible d'une troupe de buffles puissants et inexpugnables qui l'ont blessé et le déchire à plaisir pour se venger... des autres, à leur demande. Une erreur, mais bon...
Les gens se battent pour leur esclavage comme s'il s'agissait de leur liberté. Il est intéressant d'être à la fois riche et pauvre -très pauvre- : on voit les choses de deux côtés et on comprend tout. Du coup, je suis à l'ombre (note, j'ai dû déplacer ma voiture) et ça c'est très bien. J'ai mis les panneaux devant la mairie, et les gens lisent bien mieux que sur la voiture. Plusieurs ont signé du reste depuis le happening (les gendrames et le clash, je laisse la coquille) y compris le vieil intello bien mis un peu arrogant qui avait lu et eu un geste de la main presque méprisant. Revirement à 180°, il m'a proposé un thé, j'ai refusé. Depuis il passe devant moi et me sourit à chaque fois, ça devient excessif dans l'autre sens, il n'a pas de mesure, je souris aussi bon... j'ai même l'impression qu'il est ébloui. Antigone je suis devenue, ça fait style il faut croire. Les gens sont bizarres au moins autant que moi, ça me rassure au fond, méchamment.
Bon il faut que je retrouve cette dame, urgent, Mme Barrier saura qui elle est, elle aussi est femme de mineur et elle aussi a peu pour vivre. Quoiqu'au fond elle sait certainement que je ne me bats pas pour l'argent, c'est juste une pose au bout de son angoisse.
Il lui faut impérativement quelqu'un à haïr, elle ne peut se permettre de haïr ceux qui l'ont réduite à cette misère parce qu'il l'aident aussi à en sortir. C'est classique, on exploite et on fait la charité. Ça permet de pouvoir continuer à exploiter. Cette femme me dit qu'elle va mourir. Elle est usée. Bon, soit. On est tous responsables. Je ne vais tout de même pas me vanter des grèves auxquelles Guy a participé voire menées... quoique... ou que mon intello de père ait tout de même fait 8 ans de mine !!! -ô les lettres de sa sœur ! des morceaux de gentillesse bourgeoise éberluée, "un Larrivé ça ne le fait pas, retourne à Dijon je t'en supplie Jean, ce travail de galérien n'est pas pour toi, ta femme s'y fera à la longue, et Bernadette te trouveras une place au "Comtois"" etc...- Après l'Est Républicain, ça a dû lui faire un choc en effet, quoiqu'il qu'il n'ait pas été seul dans le cas. Il y est retourné par la suite, à l'Est, drôle de cursus, avant de finir par gagner de l'argent, tardivement.. avec une auto école. Clé, (un village où ma mère enseignait), le ciné-club de la mine, le "Sel de la terre"... "Les raisins de la colère" dans la salle des mineurs... Enfance... Il lisait toujours les "Lettres française" cependant, la mine ne l'avait pas "eu". Au fond, c'était un personnage lui aussi, moins visible que Guy, moins charismatique (sauf pour les dames). Responsable donc je suis, comme tous.
Je suis plus jeune, en meilleure santé, sans doute mieux conservée physiquement, et j'ai plus de fric -enfin si on veut...- comment ne me haïrait-elle pas ? A sa place peut-être... mais justement, j'ai choisi et eu la chance de ne pas y être. J'ai du bol mais tout de même, mes études je les ai faites, nuits sans sommeil, angoisses devant les résultats des exams, des postes près de chez moi mais avec des loubards à cran d'arrêt, d'accord j'aimais ça, je me sentais utile... mais la séparation d'avec Robin, reliée ensuite à ces trajets d'une heure et demi et au boulot, ma vie affective foutue. Je l'ai payé assez cher aussi, pas autant qu'elle c'est sûr. On peut aussi dire que j'ai eu de la chance d'être relativement capable intellectuellement, mon seul atout... je ne sais pas. Inextricable. Porter toutes les misères ne se peut; j'ai presqu'envie de me suicider par moment, et ça ne me paraît même pas triste, juste la fin normale d'une existence mouvementée qui à présent est arrivée au bout... et me fatigue. Au fond, cette grève n'est-elle pas une ordalie ? Comme si je provoquais mon corps pour voir jusqu'où il peut aller. Idiot. Penser à Fred, il ne se remettrait pas de ma mort, malgré sa copine à présent. Marianne, si, elle m'a oubliée depuis longtemps avec Spinoza. Arrêtons ces conneries. ARRÊTE !!! Il me faudrait un café. Bien sucré. Et ça repartirait. Oui, on est un assemblage de molécules et pas grand chose d'autre en sus.
La fraîcheur est tombée enfin. Ça va mieux. Je vais aller dormir. Qu'au moins je dorme. Finalement, cette femme m'a aidée sans le vouloir ou en voulant l'inverse. Ça arrive. Seigneur, protège moi de mes amis, et laisse mes ennemis fondre sur moi car ils me portent. Le vieil intello repasse encore, il s'y croit ou quoi ? Rigolo. C'est peut-être un type bien finalement, on ne peut pas ainsi me regarder avec tant d'admiration sans être un type bien, non mais... "Belle dame" m'a-t-il dit, ça fait très chanson de geste et ma foi j'apprécie. Le moral est revenu. En dent de scie. Dormir. Rêver, de croissants exclusivement, pardon aux amis/amoureux/enfants, je n'ai que ça en tête. Pour parodier Marie Tudor dite bloody -et ci-devant reine d'Angleterre d'assez mauvaise réput ma foi- "si on m'ouvrait le corps, on trouverait gravée sur mon cœur l'image" non pas de Calais mais pour moi, tout bêtement, d'un croissant bien gras. Il est vrai que je ne suis pas reine d'Angleterre ni timbrée à ce point, celle-là était gratinée mais, fille de Henry VIII, elle avait des excuses.
LA PRÉSENTATION DE MARIE
Sans doute les inégalités sociales sont-elles plus visibles dans un village et génèrent-elles plus de rancunes ? Je comprends aussi à présent pourquoi Frédérique ne sort jamais au point que l'élagueur saint ambroisien lui a demandé "d'où elle était", elle qui a toujours vécu ici attachée à son rocher comme une moule. Sans doute sa fortune l'éloigne-t-elle des gens ou plus exactement s'éloigne-t-elle d'eux pour éviter d'être prise pour cible ? Mon problème est que je ne m'éloigne pas, que je ne me la "joue" pas. Facile de me tacler. Paradoxalement on ne lui reproche jamais d'être friquée et snob -ou du moins l'ignorais-je mais comme nous fûmes amies ou plutôt quasiment sœurs ce qui n'est pas la même chose, peut-être ne l'ai-je jamais su- mais cette femme de mineur me le reproche.. à moi, une inversion encore une fois des rôles. Pour vivre heureux, vivons caché en somme. Peut-être aussi le fait d'être catho, "Présentation de Marie" -la boîte qui se veut choc, je laisse la coquille, du bled- et tout et tout? Cela inspire confiance, plus que les hussards noirs de la République dont je suis et que je fus aussi? Toujours un peu emmerdants, donneurs de leçons, ces parfaits? Mystère. Sans doute y a-t-il aussi le fait qu'elle "sait se tenir" en public, du moins selon les critères d'ici -très étonnants- et moi pas, déracinée que je suis, ou plus exactement enracinée en deux endroits extrêmes. Adoptant le comportement normal de l'un, adapté -mal- à l'autre et vice versa, je dérange et déroge. Lorsque l'on voit mes tantes Larrivé et qu'on les compare à Marguerite, Josée ou à sa famille, on se dit en effet que le résultat d'un improbable croisement entre ces deux lignées doit forcément donner un être au sein duquel les gênes se combattent... ou s'atténuent. Mal ? Bien ? Les croisements en principe sont plutôt génétiquement favorables. Admettons. Mais les "croisés" le paient cher. Parfois. Ici, je l'ai payé d'une/plusieurs amitiés. Profit et pertes. Cela peut-être aussi est bien finalement, voilà que je deviens stoïcienne.
Et cependant, elle et sa mère ont été bien avec mon père lorsque Lydie est morte : elles l'invitaient à déjeuner régulièrement et ces repas où il se sapait mylord (deux dames! pour ce vieux Don Juan encore bien fait c'était la vie qui renaissait) furent sans doute ses dernières joies. Les gens sont différents, pour le meilleur, là.
Bon, ici, il faut être caché si on est riche pour ne pas susciter l'envie.. et si on est pauvre pour ne pas susciter la commisération, seules les classes moyennes peuvent sortir ou les marginaux qui s'en foutent... mais même celles-ci peuvent abusivement être catégorisées, tout est relatif, comme trop riches ou trop pauvres, à l'exemple de Jeanne Dibruc -Présentation de Marie et deux échecs au bac- qui me mettait à l'écart parce que je ne faisais pas suffisamment "classe" pour elle -dont le père était charcutier cependant-.. au point que, lassée des avanies qu'elle me faisait subir pour le peu de temps que je passais ici, j'avais dû pour la seule fois imposer un ultimatum à Frédérique : "c'est elle ou moi", à peu près sûre de mon coup...
Et ici, dire que cette femme parlait de ma voiture comme d'une fortune. Émouvant. Et au fond c'en est une car j'y tiens, c'est le souvenir de ma mère. Mais elle ne doit pas valoir 200 euros (?)
Triste ce soir, je ne vois pas de solution, et.....
Je mesure la torture qu'est la faim pour les gens qui en souffrent sans l'avoir choisi, eux. Une mort assez horrible, l'obsession de manger, manger, manger, on ne pense littéralement qu'à ça, on devient animal, et on parle aux gens en se disant, eux ils vont manger après, moi pas, on leur en voudrait presque d'aller au restaurant comme nous avant. On se sent dans une telle solitude surtout et par moment, littéralement mourir. Ça peut rendre cruel. Abîmer, je n'ai pas fait exception : on verra au fil de ce blog mes facultés intellectuelles se dégrader de plus en plus, agressivité, méchanceté, cruauté etc.. Quand il ne faudrait qu'un croissant pour résister et redevenir "moi". Si peu. Héroïque.
On craint de plus en plus que si les pluies attendues dans la Corne de l'Afrique n'arrivent pas rapidement, la situation pourrait s'avérer encore plus catastrophique que la famine de 1984/85. Une alerte spéciale diffusée par le Système mondial d'information et d'alerte rapide de la FAO (SMIAR) avertit que 16 millions de personnes sont menacées de famine pour cause de sécheresses à répétition, non seulement en Ethiopie, mais aussi à Djibouti, en Erythrée, au Kenya, en Ouganda, en Somalie, au Soudan et en Tanzanie."La crise humanitaire dans la Corne de l'Afrique a atteint de graves proportions et nécessite une intervention rapide et adéquate de la part de la communauté internationale", a souligné M. Jacques Diouf, le Directeur général de la FAO, qui a récemment été nommé par le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, à la présidence de l'Equipe spéciale pour la sécurité alimentaire et le développement agricole à long terme dans la Corne de l'Afrique. Les pénuries alimentaires se font particulièrement sentir dans l'est et le sud de l'Ethiopie, où l'on signale de plus en plus de décès dús à la famine. Là, et dans certaines parties de l'Erythrée, de l'Ouganda, de la Somalie et du Soudan, l'insécurité et les troubles civils ne font qu'aggraver l'urgence alimentaire. L'effet de la sécheresse sur la production céréalière a porté à une augmentation record des besoins d'importations céréalières, désormais estimés à plus de 6 millions de tonnes. Dans le même temps, les pays touchés gagnent moins de devises étrangères pour payer les importations, étant donné les bas niveaux des cours mondiaux des denrées d'exportation comme le café. En conséquence, les besoins d'aide alimentaire, qui ont déjà atteint un record sans précédent en 15 ans, devraient continuer à augmenter. .....
LA MINE, ENFANCE
Bon, il y en a qui vivent avec 500 Euros par mois et dont le mari a fait 30 ans de mine, c'est une réalité. Je ne comprends pas : à Molières les mineurs gagnaient relativement bien leur vie, des seigneurs disait-on parfois. La plupart de leurs enfants ont fait des études et d'excellentes, Mathilde est devenue médecin, Myriam, dirige l'EN sup de Pointe à Pitre etc... Sans doute des différences mais de quoi ? A l'arrachage et au travers-banc, ils étaient payés au rendement, sans doute les plus robustes gagnaient-ils davantage, encore des différences entre eux sûrement et des jalousies. Un monde à l'état de nature -ô Rousseau- où les mâles les plus forts font mieux vivre leurs familles et les fragiles, réduits à la misère. En fait, Mme Barrier me dit que c'est une question de silicose : certains sont "reconnus", d'où pension, et d'autres, les engagés, les lutteurs, non, d'où pas de pension. Simple, mon cher, et les toubibs sont complices. Salopards.
J'ai en effet eu de la chance d'avoir de la culture à domicile, et qu'on m'ait inculqué des valeurs qui n'étaient pas celle de la réussite et de l'argent, même si on en avait -très peu- ! Ni de la jalousie. Guy aimait tout le monde, mais c'était un être d'exception qui avait réussi à traverser la vie, après les grèves des mineurs, la prison, le chômage ensuite, sans en être aigri, en conservant son sens de l'humour, sa bonté et sa beauté physique aussi. Le top, il avait même réussi socialement.. grâce à son rejet de la mine! Car cette épouvantable sanction qui l'avait conduit au bord du suicide l'avait ensuite imprévisiblement "forcé" à réussir. Mais même devenu bourgeois, il était resté prolétaire, amical, aimé, toujours prêt à aider qui en avait besoin, porte monnaie largement ouvert, et comme ça venait de lui, ce n'était pas humiliant. Jamais je n'avais vu tant de monde à un enterrement, la version saint ambroisienne de celui de Sartre à Montparnasse.
Je me demande si je n'ai pas été trop dure avec les gendarmes. Quoique... je vais peut être aller leur offrir les Chants -il y en a un qui est philosophe- avec un petit mot. Non, finalement, s'ils le veulent, ils peuvent l'acheter, j'ai tiré les prix au max. Finalement, si.
Samedi 26 juin
L'article est paru. Bien sauf que sur la photo, j'ai l'air d'un cadavre, les seins complètement, non pas en code mais en veilleuse, sous la ligne de flottaison, un indice fiable comme les oreilles d'un berger allemand. Normal. Les anciens combattants sont venus. Ni Jacques ni Pierre n'ont eu le cran de venir me voir, ce n'était pas l'ordre du jour. Ça confirme : les gens sont à deux ou trois niveaux. Excellents syndicalistes, militants dévoués, à l'écoute des autres, et aussi à la recherche d'un pouvoir, minime mais bon, militer est tellement ingrat qu'il faut bien une compensation... ce qui les conduit à ne pas se mouiller parfois -même si c'est idiot car ce n'est pas ça qui l'aurait gêné dans son ascension, au contraire-. Décevant ? Même pas, après l'euphorie de l'annonce, je m'y attendais. Il n'a pas la carrure de Joël qui serait venu tout de même, éthique ou intelligence, sans doute les deux. Les gens simples, sans idées politiques préformées sont infiniment plus réactifs car ils n'ont pas l'esprit embrumé de scories ... et les vrais politiques à l'assise intellectuelle solide, eux, agissent à bon escient. Au milieu, on a ceux qui, devant presque n'importe quelle histoire, avant de s'engager, se demandent toujours "qu'est-ce que ça va nous apporter? ou qu'en pensera le Parti ? ou le chef?" Chez les gens de gauche, l'éthique prévaut certes mais ce sont presque toujours les exploités directs -ou même l'individu en le cas- qui spontanément réagissent : eux, les pro, réfléchissent. Lorsqu'ils ont pris leur décision, l'histoire est souvent terminée, ce n'est pas forcément de l'opportunisme mais relié à leur statut : comme les riches qui copinent avec des pauvres, ils redoutent toujours -et cela doit arriver parfois- d'être utilisés. Distance, réflexion..
En fait, j'apprendrai plus tard qu'ils ne m'ont même pas vue ! Je n'étais pas en évidence, ne voulant pas profiter de... mon pseudo statut d'auteur sur ce thème précisément (les Lettres). Mais s'ils m'avaient cherchée, je n'étais pas loin. Il faut dire que ces cérémonies impressionnent toujours et qu'on essaie de voir X ou Y ou de se cacher de Z bref, on perd l'essentiel.
Personne décidément ne sait qui est la dame qui m'a agressée hier, impensable, étant donné son gabarit, son allure, sa posture, que dans un village, elle ne soit pas connue. Une actrice réaliste, il en faut ? Diligentée pour une prestation originale ? Incroyable mais ça ne peut être que cela puisque je ne la connaissais pas -mais je ne connais pas tout le monde- mais Mme Barrier non plus, ni Cris, ni personne. En ce cas, quel talent, quelle hubris ! J'y ai cru à 100%. Ça explique aussi sa réaction étrange à un moment où ses yeux disaient littéralement autre chose que ses paroles, j'ai cru l'avoir touchée, peut-être était-ce l'actrice qui faiblissait devant une réplique inattendue ?
Les prolos au chômage ou bossant durement à présent : la mère de Jacky a eu une réaction de rejet lorsque je l'ai abordée pour lui donner le livre -dont son fils est le héros- enfin sorti. Juste un sourire lorsqu'elle a compris que je ne lui réclamais rien. Elle a élevé seule ses enfants et a l'air d'une gamine frêle et encore belle. Certains sont ultra fragiles et pas tous tirés au cordeau. Bonne mère, harcelée de soucis, jugeant que rien d'autre n'importe, soit. Père discutable, peut-être égoïste et tout de même intéressé par autre chose que son pré carré, aussi ! C'est le pire: parfois la vie dégrade. Et on ne peut même pas en vouloir à ceux qui, le nez dans le guidon, vous blackboulent. Sais-je ce qui se passe en Iran ? Oui par les courriels, je lis à peine, je réponds vite fait et c'est marre.
ADRIEN
Côté commerçants ou entrepreneurs à présent, la "haute" ! Adrien, sapé ministre, sortant de la cérémonie, a affecté de ne pas me voir. Il a peur pour son entreprise et souffre de timidité paradoxale. Étonnant chez ce colosse plein d'humour, fort en gueule, bourreau de travail, d'humeur égale, généreux et d'une intelligence cynique hors pair qui affecte une obédience anarchiste pure et dure. Un constat: aucun de mes amis d'enfance ou même la plupart de mes amis "anciens" tout court ne m'a aidée, soutenue certes je le suppose dans les propos, mais personne n'a osé venir me voir ni signer. Ça doit vouloir dire quelque chose. Ceux qui l'ont fait ne sont pas des amis d'origine. Choisis-je si mal mes amis? Sans doute. Dans un village, on ne choisit pas toujours : l'ami, c'est le voisin, celui qui prend le car tous les jours avec soi, qui a le même banc à l'église, un arbre mitoyen, ou un caveau proche au cimetière.. Un peu ridicule: j'aime bien X. parce que son caveau jouxte le mien, nos ancêtres pourrissent côte à côte, ça crée des liens (!) Petit à petit, on force l'amitié, c'est pratique, surtout à l'époque où il n'y avait ni téléphone ni autos. Mais ce sont des relations à la fois proches et malgré tout superficielles, qui éclatent -enfin, provisoirement- au moindre choc inattendu. Ma grève portera plus loin que ces quatre jours d'horreur. Il y aura les shadoks et les gibies. Ça fera -en minuscule- comme au temps où certains se sont engagés, si peu que ce soit, pour les maquis, et d'autres, collaboré ou fait semblant de ne pas voir : des années après, les enfants portent encore la gloire... ou la honte. Madame Tardieu ne m'avait-elle pas dit, scandalisée, après avoir lu la tract : "faire ça à une famille comme la tienne, c'est odieux"? Une femme brillante pourtant.
Et puis, à force de se fréquenter par nécessité, la haine survient aussi. Dans une plus grande ville, on change de quartier et on oublie. Rideau.
UN SOUFFLE D'AIR
QUI VIENT DE LOIN
12 h
Comme si un bon génie voulait me faire passer la -petite- gifle que j'ai reçue, une rencontre qui le vaut bien -il y en a eu quatre, décisives, lors de cette grève- Marje. Elle est hollandaise, a vécu en Angleterre et sa thèse de sociologie portait sur les femmes en prison et les centres de rétention pour les sans-papiers. Elle a aussi vécu aux States et s'est installée, sommairement dit-elle, à St julien, un village apparemment qui draine des intellos de tous pays très pointus... et très engagés. Elle est artiste aussi et se sent parfois, malgré son réseau, assez seule. Comme moi. Elle m'a tout de suite dit que les officiels étaient très "limités", elle venait de la cérémonie et avait été apparemment surprise par l'inanité de certains discours... que répondre ? Mais ils ne le sont pas tous tout de même, elle a dû tomber sur les mauvais, peut-être le maire qui sait.. Elle a pris ses distances avec une famille bourgeoise à la fois humaniste et plutôt à droite, qui pendant la guerre a tout de même connu des privations... et pointe le décalage entre l'engagement social efficace de certains hiérarques dont elle est issue et le réel qu'ils n'aperçoivent pas... bien qu'ils s'en occupent parfois magistralement !
Pèche melba
Ça m'a rappelé en soft ce directeur de magazine très bien vendu et diffusé y compris parmi un public de gauche ou même coco... qui voulait un article sur la question kurde, sincèrement effaré par ce que je lui avais relaté... mais qui, dans la conversation, avait parlé des "pêche melbas" (?!)... Pêche melba ? C'était "Peshmerga" qu'il voulait dire ! -en kurdmanji, "ceux qui regardent la mort en face"- j'ai cru à de l'humour, ça n'en était pas. N'empêche, ses articles étaient bien lus et c'est grâce à lui que j'ai rencontré Monsieur Sarazin, un des rarissimes résistants vivants ayant assisté à la remontée des corps au puits de Célas, par qui j'ai enfin connu la fille d'Aimé Crégut. Pêche melba ! Un bon vivant, grand amateur de glaces, de vins fins, et de femmes, nobody is perfect. Pêche melba, depuis, c'est ainsi qu'on l'appelle... Pardon Sahar.
5 h PM Samedi
Apparemment le maire veut négocier, je serais plus à l'aise si Robin était là, je suis mauvaise en négociation. Sauf pour les autres. Plus du genre activiste que politique. L'inverse de lui. Cris me dit qu'il faut me démerder seule, que ça sera un exemple que les femmes peuvent faire mieux que les hommes. Ça fait lourd.
Gary est passé, il a eu le courage de venir ouvertement me soutenir, apparemment il s'est mis dans les panneaux solaires et ça fonctionne. Pourquoi pas ? Je vais y penser. Pour le Ranquet, ça sera moins prenant que les locataires -jusqu'à six chiens à un moment, ça ne me gêne pas trop mais bon-. Bien si on a un grand terrain... Je vais peut-être louer cet été, c'est souvent sympa, disons quatre fois sur cinq. Étrange, Gary, que je ne connais que depuis un an, vient me donner des idées intéressantes, positives et Adrien, ami de toujours, affecte de ne pas me voir à la sortie de la mairie. C'est ainsi. Gary a même badiné sur le vieil intello parisien arrogant... Je ne l'ai vu qu'une fois aujourd'hui. Finalement il me manque. Gilles non plus n'est pas venu. Un signe mais de quoi ? Peut-être tout simplement a-t-il des ennuis avec sa petite amie. Peut-être ne veut-il pas se mouiller ? Il veut se présenter aux élections; mais il est trop psychorigide pour passer, bien que tout le monde l'aime car c'est un chic type. N'est-il pas un peu jaloux de mon hubris -toute relative-? Je ferais paradoxalement trop de volume bien que la moitié de lui dans tous les sens. Les mecs !
J'ai enfin vu la dame furieuse, elle existe ! Non, ce n'est pas une actrice, on a parlé... en effet, 500 euros par mois c'est dérisoire. Et 400 de loyer ! Plus l'eau... Comment faire ? Elle demande des délais. Bien sûr. Et du coup... j'ai essayé de lui dire que ma bagarre était surtout celle d'une femme -pour des femmes- et que si j'étais un homme, ça ne serait pas arrivé, ça a l'air d'avoir passé puisqu'en effet c'est en tant que femme qu'elle n'a droit qu'à cette réversion minime de la retraite de son mari. Une femme, c'est plus frugal, ça ne boit pas, ça ne sort pas au troquet et en principe ça ne fume pas. Comme si elles étaient des vieux chiens qui ont perdu leur maître, SPA, fourrière, on n'est pas loin de la piqûre. Je lui ai dit que presque tous mes livres étaient sur le net -pour preuve que je n'étais pas âpre au gain- ce qui était idiot car elle m'a répondu qu'elle n'avait bien sûr pas le net, je lui ai parlé de la wifi, elle m'a rétorqué -évidemment- qu'elle ne pouvait pas s'acheter un ordinateur. Soit. Il faudrait un service informatique ouvert à tous à la mairie et des cours sommaires. Celle-ci qui semble instruite se régalerait de dire du mal de moi, ce serait bien, après elle ne m'emmerderait plus.
On était -presque copines- à la fin. Je lui ai surtout expliqué que j'avais fait le procès parce que je redoutais que le mur ne tombe sur des gens, et de ça, elle a convenu -elle a été témoin de l'histoire de bout en bout et ne pouvait nier le danger, ouf, ce fut dur mais ça a été compris.-
MADAME VIGUIER
Madame Viguier est passée, j'ai réussi à l'attraper car elle n'est plus très rapide -je marche lentement pour économiser mes forces- elle m'a engueulée et du coup je l'ai tutoyée (!) elle m'a répondu qu'elle m'y autorisait, -quand on doit économiser son énergie ou face à un danger, on tutoie spontanément, ça va plus vite- elle m'a alors dit que c'était pour moi qu'elle avait peur et qu'elle me plaignait, ça m'a mis en fureur, "jamais ! je ne veux pas qu'on me plaigne... ni qu'on m'engueule", finalement ça s'est arrangé. Elle se sent un peu ma responsable devant Lydie, étant donné ses rapports avec elle autrefois -elle faisait le ménage et était devenue une amie, son amie la plus proche dans le village: à son départ, ma mère a fait une sorte de dépression-. Elle m'a dit qu'ils -toute sa famille- me soutenaient. Ouf. Son estime m'importe beaucoup, elle représente celle de Lydie. Sur le chemin saccagé, c'est aussi à elle que j'ai pensé lorsque je l'ai défriché la "zone rouge". Son gendre a eu le courage -voire l'héroïsme- autrefois de s'interposer entre des chiens hargneux, mordeurs plusieurs fois! et une petite fille... mais sont-ils allés se promener dans la "zone rouge" enfin mise à plat ? J'espère. Moi, j'aurais sûrement laissé dévorer la petite-fille... mais j'ai franchi sans un battement de cœur la fameuse "zone" tous les jours, sécateur en mains et walk man pour éviter d'entendre les piaillements des anti-défricheurs -en fait un seul -je haussais le son, puis très vite ça s'est calmé, ce fut juste le début qui fut duraille. Ils sont trop bien élevés en somme. Chacun a des "courages" différents. Le mien est minime. Et on en parle davantage cependant, les médias ne sont pas toujours équitables.
Un détail: si je suis allée mieux paradoxalement le troisième jour c'est que je buvais du Vitel, des litres, je viens de voir sur le net que ça contient pas mal de magnésium, de calcium etc... Je vais boire encore, me forcer. C'est une sorte de nourriture, avis à ceux qui voudraient se lancer.
Régis me dit que je regrette qu'il ne s'implique pas assez. Non! je le regrette de la part d'amis militants dévoués parce qu'alors je suppose qu'ils ont quelques motivations gênantes... ou un désaccord dont ils ne me font pas part, mais pour Régis, ça n'aurait pas de sens : on ne va pas demander à un canard de miauler. Un militaire grand bourgeois catholique intello, d'une bonté sans défaut associée à une sagacité pleine d'humour -il me rappelle Guy-... il faut prendre les gens comme ils sont et mes amis sont très divers, de Sahar le chef peshmerga angliciste (!) à Totophe avec au milieu pas mal de monde dont Régis. De droite et de gauche -la majorité- et ceux qui sont où on les pose -quelques uns- et les atypiques comme Frédérique qui milite ou se lâche... au Vietnam ou partout où on ne la connait pas... et ici file droit ou se cache par crainte de déroger.
Dimanche 27 juin 2010
Je me suis couchée trop tard, pour parler avec Cris. Du coup, je me suis réveillée à 10 heures malgré l'agitation sans doute autour de la voiture. Peut-être Régis est-il passé vers 8 heures -discret!- comme il me l'avait dit et n'a-t-il pas osé me réveiller? Dommage, quoiqu'il faut toute mon énergie, tant pis pour les copains.
Au téléphone, il me dit que lui ne ferait jamais ça parce qu'il se fout complètement de ce que les gens pensent de lui. Il me semble que c'est l'inverse. Pour faire une grève de la faim, se mettre en évidence, il faut passer outre l'humiliation de se présenter aux gens de manière un peu forcée et déplaisante. C'est "mal élevé" en somme, on les viole un peu. Il faut subir au départ la crainte d'être regardé, moqué, humilié même, de devoir parler, plus ou moins se justifier, sentir ce mélange de mépris et d'admiration qui vous pèse... le stress. Plus la douleur PHYSIQUE, cette sensation atroce de voir sa vie s'enfuir, de peiner à respirer alors qu'il en faudrait si peu pour qu'elle revienne, le bruit aussi de l'estomac qui se tord le soir et gêne le sommeil, et l'obsession de manger... Comment a fait Bobby Sands qui est allé jusqu'à la mort ? L'horreur pure. Je ne cesse de penser à lui et à Holgers Meins qui à la fin ne pesait que 40 kilos pour un mètre quatre vingt huit et à tant d'autres...? Oui, j'ai de la chance. Mon histoire est minime ? Justement, sa résolution aussi. Je m'entraîne pour d'autres.
Mais en forme ce matin. Le garde municipal sympa était à une table avec d'autres, en civil. Sur le coup, je dormais encore et n'ai pas percuté, je lui ai souri, en fait j'ai répondu à son demi-sourire discret puis je me suis reprise, mais trop tard. J'ai réalisé ensuite : attendaient-ils mon réveil ? Voulaient-ils vérifier que je dormais bien dans ma voiture ? Étaient-ils diligentés pour cela ? Ils sont partis peu après.
LE RACISME A FRONT DE TORO
Rencontré un jeune type arabe -juriste?- qui me dit comme tous d'attaquer en justice, pas trop mon truc question papiers et surtout bordélisme. Il est très "typé" comme on dit sottement et pour la suite cela a de l'importance.
Il me raconte qu'il a voulu être pris à la mairie pour diverses tâches, des postes étaient à pourvoir, urgent, il a des antennes mais lorsqu'il s'est présenté, malgré un CV impeccable, il s'exprime parfaitement, est sportif, instruit et de surcroît très vif d'esprit, c'était à chaque fois trop tard ; il a alors envoyé un copain blond.. qui a été engagé tout de suite. Ceci deux fois. Il me parle du racisme ici -je m'en étais bien aperçue mais je ne pensais pas qu'il était aussi commun, les gens semblent si sympa. Le fond de la question viendrait-il de là ? Non, je ne crois pas car Robin n'entre pas dans le schéma.
Dans un autre ordre d'idées, Ahmed me dit que beaucoup de gens ici ont acheté des maisons pour 1 Euro symbolique grâce à l'ancienne mairie, ils ont parfois obtenu des subventions pour certaines réparations lourdes, toitures etc, les ont retapées eux-mêmes ensuite vite fait puis louées à bon prix... Certains se seraient faits des fortunes. C'est plausible puisque autrefois en effet, lorsque le maire désirait que je loge son nouveau garde, le snob venu pour exécuter les basses œuvres dont les autres ne voulaient pas, qui exigeait quatre ou cinq pièces et un hectare plus piscine pour madame qui ne pouvait s'en passer, ça m'avait été proposé en effet et deux fois de suite. A condition sans doute que je garde le Monsieur?
J'ai l'impression d'un monde clos -où je n'ai pas su ni voulu pénétrer- peut-être est-ce inéluctable, d'une famille -parfois au sens strict du terme- propice à toute déclive... Ahmed ajoute un imprévu, le sexe. Je le subodorais, il faut dire que Frank insistait pas mal là dessus, à chaque fois je changeais de sujet sans y penser trop, Frank est branché-cul.. et ces "choses", on les shunte toujours chez "nous" et chez les cocos en général. Ça m'est venu après, en écoutant dans les rues, avec un peu de gêne, cas isolés pensais-je. Non, apparemment selon Ahmed. D'une dame, Frank disait autrefois plaisamment, à sa manière nature.. et obscène que "de bite en bite elle était montée au sommet", un petit sommet certes. Stupéfaction, plus respectable, ya pas comme disent les libanais, le genre à vous regarder comme si vous aviez une merde de chien sur la tête si vous n'étiez pas coiffée convenable.
Dans une certaine mesure, on peut presque comprendre. Tout est question de mesure et de manière, il n'y a pas de règle absolue. Mais cela semble tellement institutionnalisé tout de même que certains se plaignent ouvertement aux terrasses, devant tous de l'ingratitude d'"élus" qui n'auraient pas voulu les embaucher alors qu'ils sont reliés à bla bla... En somme, ils leur reprochent presque de ne pas avoir fait de passe-droit pour eux. Ou d'en avoir fait, mais pour d'autres, nature, quoi. Les loups ne se mangent pas entre eux ? Si. De petits loups, n'exagérons pas, rien à voir avec Bettancourt. C'est plutôt mignon, quoique la dame aux 500 Euros par mois ne serait sûrement pas d'accord. Tout est miniaturisé mais c'est pareil. Sauf que de nous, les médias se fichent un peu -pas toujours cependant.- Louis-Marie H. m'a dit qu'ils ne pouvaient venir partout, le voyage, le séjour etc.. Soit. Une telle histoire à Paris aurait depuis longtemps fait la "une" du Parisien, la "deux" de Libé, et la "trois" du Monde, et un article saignant dans le Canard. Ici, ils attendent que je sois plus mal en point sans doute ou plus originale, comme José qui m'a conseillé... du plus porteur et de moins cruel vis à vis de moi-même. Et zut, pourquoi pas...
La fin justifie-t-elle les moyens ? Pas n'importe quelle fin, ni n'importe quels moyens, mais celui-là, si. Même si ça doit me coûter une minime garde à vue, et encore, pas sûr, ça ne sera pas la première et j'espère pas la dernière. OK, "it's the price to pay" comme dirait l'autre affreuse (Madeleine Allbright). Oui, finalement.
Note après coup : je n'aurais pas le cran, un zeste de conformisme sans doute ou tout simplement de lâcheté.. un manque de pugnacité, Robin, et c'est une mairie de gauche en somme, tout ça. Je m'en veux.
Ahmed s'en va. Entre temps, Noellie est arrivée, on se croirait chez un psy, elle attend son tour à la table d'à côté... je lui parle à mi-mot sans donner de détails, elle comprend d'où je tiens mes propos et me dit qu'elle se méfie de ce type qui n'a pas l'air "très net". Ce regard légèrement voilé, soudain distant, l'éclat de ses yeux qui change, le déplacement imperceptible de la tête qui se relève, les épaules qui reculent et la bouche qui se pince à peine, ces micros attitudes qu'une caméra au ralenti peut pointer en détail, c'est le mouvement du mépris et du racisme. CQFD.
LE MAXIMALISTE
Un type genre petit intello -ou "pseudo"- passe, lit distraitement et me demande où il y a un restaurant et un distributeur du crédit agricole, il y tient car c'est moins cher. Bon, passons, je le lui indique, à son ton, il croit sans doute que je suis serveuse.. Je lui dis que je suis juste la gréviste de la faim et lui tends un tract, il le lit, me demande si c'est moi qui suis passée à la télé... et s'étend sur le tout va mal -on va dans le mur, c'est horrible- partout etc... Je lui réponds que oui, que je m'y intéresserai lorsque ça ira mieux ICI... Il repart pour un tour sans pudeur -ça m'épuise-, je le coupe -ce genre de gars veut éviter de s'engager et noie le poisson, ce sont eux qui vous pompent le plus d'énergie-. Je le coupe donc sans aucune politesse "oui Monsieur, tout va mal mais pour l'heure c'est ICI que ça va mal, vous me permettrez de m'intéresser au reste lorsque je serai plus à même de le faire." Et je le plante au milieu d'une phrase bouche ouverte. Avant je l'aurais écouté et j'aurais tenté de le convaincre d'agir, parfois au cas par cas etc... ça m'aurait éreintée, en vain puisque comme Frédérique, il ne cherchait qu'à se justifier sur le mode "c'est trop petit pour moi, il y a bien plus grave !"... dont il ne se soucie évidemment pas davantage. Les gens engagés mais non encartés, on le voit dans ce bloc-note au fil des jours sont aussi ceux qui spontanément ont réagi et signé et même m'ont donné quelques idées. Un vrai humaniste ne trouve jamais une cause trop petite pour "lui". Comme ceux qui reprochent à certains de s'occuper des animaux et non de la famine en Afrique -ou l'inverse-... et qui ne s'occupent ni de l'un ni de l'autre. Cette grève m'a mûrie. Il le fallait, à 62 ans.
Je préfère ceux qui disent carrément qu'ils s'en foutent. C'est pour éviter ceux-là que je ne distribue pas aux gens, j'attends qu'ils lisent -derrière la barrière vitrée de la terrasse, assise, je les vois : certains s'en vont tout de suite, d'autres restent, c'est à ceux-là que je donne le tract-. Là, le gus m'a prise de court en me demandant le distributeur... et un bon restaurant, il y a des questions qui tuent, quoique je le comprends, je ne suis sans doute pas encore si esquintée et me voyant debout lorsqu'il s'est avancé -après avoir lu- il a cru que j'étais la serveuse ou l'hôtesse et au fond c'est presque flatteur. La barmaid, une petite égyptienne qui ressemble à ma fille -Robin est à demi égyptien, Fred en pagne fait un bas relief de Fayoun assez plausible- s'est étonnée que j'aie 62 ans, elle voudrait bien m'a-t-elle dit que sa mère soit comme moi. Elle est un peu forte, les enfants trop nombreux sans doute. Trop gentil. Les moindres gentillesses... Moi je maigris.
En parlant avec Ahmed, j'ai oublié d'aller acheter des cigarettes et on est dimanche, il faudra attendre. Ça ouvre à 5 heures. Fumer me manque. Le fils de la serveuse apprend à faire des blogs, il en a fait un -en fait on l'a fait ensemble sur le Mali et la famine.- Je lui explique au fur et à mesure. Bien qu'il pige vite, ça me fatigue. Je manque de patience.
VOIR OU NE PAS VOIR. MARIE-RENÉE
Les gens passent, certains voient, d'autre non. Ce n'est pas qu'ils soient odieux, c'est juste qu'ils ne voient pas. C'est dans le regard que tout se joue. De même Marie-Renée alors qu'Erdal lui avait pourtant parlé comme à moi de ce que vivaient les kurdes en Turquie et en Irak -un quasi génocide dont Halabja fut le point le plus médiatisé- n'a-t-elle pas compris, vu. Lorsque j'en ai fait mention, elle m'a dit avec cet air légèrement condescendant de la bourgeoise élégante, cultivée et sympa qu'elle est : "tout de même, tu exagères!" Nous avions cependant entendu les mêmes histoires mais j'avais écouté, elle pas. De même en 40 certains n'ont-ils pas vu qu'on embarquait les juifs. Et même sur place, qu'on les gazait. Je crois qu'ils pouvaient être sincères comme Marie-Renée vis à vis des kurdes. Presque.
5 h et demi Dimanche
Je consulte mes mails, miracle le net est revenu. Stupeur, une copine m'invite à une soirée caritative du Lion's club et, pour m'allécher sans doute, me donne le menu. En fait on s'est connues par l'assoc pour le Fort Vauban. Il y a aussi des mails qui tuent. Elle a des excuses, elle ne lit pas la Mars et se montre très dévouée pour l'assos. Mais zut. J'ai pu acheter des clops. Ça plus le net, c'est bien.
Mr Dugas entrepreneur, est passé hier, je l'ai interpelé pour lui rendre le DVD sur le Puits de Célas, ça m'évitait de faire 300 mètres pour le lui apporter, dans mon état de faiblesse, ça compte. Il a eu un geste agacé. Ou me suis-je trompée ? Je deviens parano, peut-être avait-il tout simplement envie de faire pipi et était-il pressé? je lui avais fait une attestation, justice et non faveur, soit, mais semble-t-il, j'ai été la première et cependant tous le pouvaient, intéressant, cette pusillanimité. Les jeunes sont différents de ce que nous étions au même âge. Sans doute la vie est-elle plus dure pour eux.
Des messages de soutien d'une collègue de l'école des Mines, Lise. Enfin quelqu'un sans a priori, sans calcul plus ou moins conscient. Ça rafraîchit. Joie... En plus elle est marrante. Elle me dit que je suis courageuse. Non. Mais je n'ai peut-être pas les mêmes peurs que d'autres. Par exemple, dans notre immeuble à Paris, j'avais une trouille terrible de la concierge, femme parfaite qui, comme tous les parfaits, écrasait les autres sous le poids de sa perfection, levée à cinq heures, trois enfants nickels, ménage impec.. Un jour j'ai attendu Robin trois heures à un troquet parce que je n'ai pas osé lui avouer que j'avais perdu mes clefs et lui demander de m'ouvrir.
18h
La chaleur est tombée. On dirait même qu'il va pleuvoir, Dieu ou la nature soient bénis. Le petit Daniel a pris mon autre ordinateur, il se débrouille très bien. Il fait son blog avec acharnement. Sa mère ne semble pas totalement consciente de ses capacités. Dommage. Parfois, les parents ne stimulent pas leurs enfants qui stagnent lorsqu'ils ont tant à apprendre. Ce qui est perdu l'est. "Il a bien le temps". Non. Mais il est aussi désolant de voir d'autres les cravacher alors qu'ils n'en peuvent plus. Il faudrait qu'un enfant ait le même niveau que ses parents. Ceux qu'on appelle faute d'un autre terme "surdoués" vivent souvent un enfer, littéralement, moqués, racisés, ostracisés, humiliés, haïs, jalousés.
SATAR
Je pense à Satar, futur prix Nobel j'en suis sûre (!) mon ancien élève, à bout de souffrance dans ce lycée moyen où tous l'avaient mis à l'écart. Afghan, issu de la guerre, en deux ans il avait appris le français presque parfaitement et, balancé en terminale S, obtenait sans efforts 19 de moyenne partout. On ne m'avait rien dit lorsque j'étais arrivée, nouvelle, c'était un "test". Je le revois, si maigre, un fil, toute sa vie intense tendue dans des yeux noirs perçants, soudain me demander posément.
"Madame, vous posez la question de savoir si ma liberté est incompatible avec l'existence de Dieu. Mais tout à l'heure vous nous avez dit que selon... je ne sais plus qui, ma liberté est reliée à la liberté des autres et ne s'y oppose pas, au contraire comme on le croit parfois..." Un ange passait. "Oui... alors ?" Et il continua doucement, avec son petit accent afghan... "Et bien alors je me demande moi si ma liberté n'est pas de la même façon... reliée à celle de Dieu -s'il existe- et non pas incompatible... Or Dieu est forcément libre, voyons... A moins de supposer que Dieu n'est pas un être mais un.... comment avez-vous dit, un concept. En fait, ce n'est pas le problème de la liberté que vous posez mais celui de l'existence et de la nature de Dieu... Peut-il, s'il est, être vu comme un homme ou non?"
Soufflée. Il avait découvert en un clin d’œil Saint-Anselme, les pères de l'église, leurs contradicteurs, Rousseau, Kant et sans jamais les avoir lus, surfait sur leurs thèses à 17 ans avec une aisance de sorbonnard pour son premier cours de philo... Un cerveau-soucoupe volante, mécanique parfaite aux rouages prêts à partir au quart de tour à une infime pression et se propulsant alors à 1000 km d'un seul élan sans à-coups... Jamais vu. En sortant de la classe, les collègues attendaient avec impatience. J'ai toujours dit que la philo est une matière comme une autre, ils en avaient là la preuve.
Seulement voilà, quelques élèves en sortant, devant mon émotion, je crois même que j'avais les larmes aux yeux, se sont exclamés "tu vas voir, même en philo, il aura 20 !" sur un ton rien moins qu'amène. En fait, Satar vivait un enfer. Il refusait d'aller à Louis le Grand qui l'aurait accueilli avec tapis rouge. "Je suis de la banlieue, j'y reste, je suis comme tout le monde." Comme tout le monde, il le voulait désespérément mais ce n'était pas vraiment le cas. C'est moi qui lui ai conseillé de faire médecine -de la recherche- alors qu'il préférait la philo -"les maths, c'est bien mais c'est tout de même limité, il faut bien en sortir un jour, la philo, c'est autre chose" m'avait-il dit.- "De la philo, tu en feras de toutes manières tout seul, tu n'as besoin de personne, et là tu pourras mieux aider les tiens"... Il l'a fait, avec ce mélange de modestie et d'arrogance -en fait, de lucidité- qui le caractérisait : "la médecine, je crois Madame malgré tout que je vaux mieux que ça, mais bon, soit..." Satar! Au bord du suicide cependant dans sa banlieue grise où il était si seul.
MA FIABILITÉ
19 heures
Didier est passé avec un salut rapide, amical certes. Je l'ai interpellé tout de même.
-- Tu te souviens de l'article de La Mars que j'ai fait sur toi ? Tout était exact, n'est-ce pas ?
-- Oui, parfaitement.
-- Et celui sur Pascal ?
-- Tout à fait." Je lui ai alors tendu le tract un peu théâtralement, version longue, c'est un ancien élève de Lydie, brillant littéraire qui n'a pas pu faire d'études, a travaillé en usine et s'est retrouvé au chômage après la fermeture due à un patron véreux.
-- Et bien c'est la même chose pour celui-là."
-- Mais on le sait bien Hélène, on connait ta fiabilité !"
Ouf. Ça m'a fait un immense plaisir. Il a à présent un travail qui lui convient mieux ; un article, ça booste les gens, ils se sentent exister, ça vaut pour moi comme pour tous. Bon, il a tout de même eu le courage de m'embrasser devant la terrasse pleine du café d'en face c'est à dire devant la Mairie. Lydie regrettait toujours à 80 ans qu'il n'ait pas fait les études de lettres qu'il aurait brillamment réussies. Devant ses anciens élèves, j'ai l'impression de devoir prendre la suite d'une tache inachevée par la force des choses et non par la sienne. Complexe de Pygmalion.
Observation après-coup : les copinages sont parfois inextricables dans un village, ainsi Roger, ami proche et courageux signataire de la pétition -un cas à souligner- fut-il autrefois aussi un copain de l'un de ceux qu'elle vise... un bon pote dit-il qui l'avait aidé à l'école où il avait parfois du mal à suivre.. Cornélien. La justice ou l'amitié etc.. Redite: les gens ne sont pas tirés au cordeau, le hasard et la nécessité les changent et celui qui fait saisir mon compte s'est peut-être parfois montré serviable envers des amis défavorisés. Panta rei.
Téléphone de Bertrand Brémont, un ami de Sylvie Barbe qui vit en yourte, a été expulsée récemment... mais l'a reconstruite à cent mètres sur un terrain qu'elle a acheté, les "objecteurs de croissance" me soutiennent et sont prêts à venir devant la Mairie. Décidément, la balle est dans mon camp. Chaud au cœur. La vie est belle soudain. Ça va marcher.. je me demande si je ne vais pas manger un repas normal.
Note après coup : il ne se passera rien. Hasard? Opportunisme? Ou simplement le timing, une affaire plus grave en Ardèche, une famille de quatre personnes dont deux jeunes enfants expulsée de sa ferme etc.. Il aurait fallu que je résiste plus que ces 6 jours et alors il y aurait eu un créneau. Mais mon premier objectif était que ceci soit su dans le village et sur ce coup, c'est réussi.
Un peu de vague à l'âme ce soir. Juste au moment où il faudrait mettre le turbo, classique, le syndrome de la solitude du coureur de fond. J'ai pourtant rompu la grève en partie pour être claire demain car je dois négocier et ça sera sûrement dur.
Une rencontre extraordinaire de jeunes d'Avignon installés ici, ils ont lu et... se sont littéralement écroulés de rire ! Ils n'en pouvaient plus, effectivement l'affaire est marrante vue du ciel. Ca m'a bien détendue. Finalement, j'ai autant ri qu'eux. Ils n'en revenaient pas. C'est un roman? Des gags en série ? Une caméra cachée ? Non.
Lundi 28 matin, avant la concertation
Toute la nuit sans dormir, normal car re manger -deux croissants et du café au lait, trois cafés noirs sucrés et quelques câpres- m'a littéralement surexcitée. A moins que ce ne soit le fait de voir l'issue.
LE ROI EST NU
Élément imprévu, certains employés municipaux semblent avec moi. L'équipe ou plutôt celui ou celle ou celui qui les dirige, ce n'est pas clair, prudence, l'amalgame est risqué, semble autoritaire, arrogante, n'acceptant aucune discussion, contrôlant tout, méprisante envers le peuple etc... "ce ne sont pas des gens de gauche" est l'opinion qui prévaut. Beaucoup viennent et me disent bravo mais ne le dites pas.. sauf que tous font pareil. Signe d'une mauvaise ambiance que ces petits "secrets" -qui sont les mêmes- entre ceux qui se côtoient tous les jours, cela rappelle le conte d'Andersen, "Le roi est nu"... en fait, que le roi soit nu, tout le monde le voit mais personne n'ose l'avouer, croyant être seul -ses vêtements étant soi-disant uniquement visibles par les gens de bien.. jusqu'à ce qu'un enfant s'exclame "mais le roi est nu". Soulagement immédiat. Malsain.
Ça, ça change la donne et me met la pèche. Une femme d'un certain âge est passée et s'est écriée en me voyant arriver : "des gens comme ça, il en faudrait plus, c'était jamais arrivé encore et c'est une femme qui l'a fait, et on serait moins dans la merde." Le plus drôle est qu'elle avait l'air tellement agressive que sur le coup j'ai cru qu'elle m'insultait. Cette foutue grève aura eu l'immense avantage de mettre en lumière ce qui était latent, des on-dit auxquels au fond je ne prêtais pas foi, croyant malgré tout que j'étais la seule à qui c'était arrivé. C'est toujours ce qu'on vous martèle, l'illusion banale des victimes d'être seules, suscitée par ceux qui les exploitent afin qu'elles se sentent coupables ou marginales et ne bronchent pas. Ce n'est pas le cas, ce que j'ai subi, renvoi de l'un à l'autre avec chaque fois les mêmes questions, la même suspicion jouée ou sincère, usure, cris d'une adjointe et congédiement par un autre, puis la mauvaise foi de celui qui a "oublié" ce qu'il a entendu etc.. ils l'ont subi aussi parfois en pire, ça ne m'était donc pas réservé en tant que femme seulement. Faudrait-il tenir un peu plus ? En profiter pour faire éclater ça, une conférence de presse ? C'est dur tout de même mais apparemment ça vaut le coup. En tout cas, je ne vais pas négocier du tout. C'est à prendre ou à laisser.
Tout ceci explique leur indifférence devant mes requêtes insistantes, et même devant mon avertissement de grève dont je pensais qu'il suffirait à tout débloquer. Rien risque pensaient-ils sans doute puisque pour d'autres "ça" avait passé sans vagues. Je pensais à une certaine lenteur d'esprit car ici tout va lentement, moi aussi, je m'adapte au mouvement, c'était sans doute de l'arrogance qui est une autre forme de lenteur, un défaut d'ajustement à une situation cette fois différente. Jusqu'alors, j'étais la femme qui va expliquer re et re et re qu'elle n'était pas là... donner son contrat de location et re et re et re etc.. demander qu'on refasse le mur bla bla, presque suppliant, ce que je n'aurais pas fait avec l'équipe adverse. Foutaise, j'ai changé, sans la justice pour les faire céder, je pleurerais encore sur ma chaise devant ma maison effondrée aussi ruineuse à démolir qu'à reconstruire... Oui, Seigneur, gardez-moi de mes amis.
Lundi 28 juin
LES GOUTTES
Jour J. Réunion avec le maire et quelques membres du conseil. Des heures ! Craqué un peu. Heureusement il y avait Michel et Robin arrivé droit du train, direct Montparnasse-St-Ambroix, ça fait un décalage. J'ai pris les papiers, ces damnés papiers que je garde dans une chemise toujours sur moi. Sans jamais l'ouvrir. Ils avaient les doubles évidemment, mais ceux qui m'étaient favorables, les rats les avaient mangés, et moi je n'avais plus certains. Les rats font un tri sélectif il faut croire, c'est des rats écolo. Épuisée.
Re démontrer que je n'étais pas là -ce que tout le monde sait- que c'est bien Maguy qui... que les factures étaient bien en son nom, il y avait un truc, les numéros des factures, 224 c'était avec assainissement donc bon mais 222, c'était sans assainissement donc pas bon, par chance Robert a trouvé des 224, sauvée par le 224.
Note après-coup, ils prétendaient que les factures de Maguy concernaient un autre endroit non raccordé au tout à l'égout où elle avait habité -donc exempté de l'assainissement- et il semble que l'on se soit fait avoir car, on l'apprendra ensuite par hasard, les factures sont en deux volets, il y en a d'abord une avec assainissement et ensuite l'assainissement, si bien qu'en fait toutes étaient sans doute parfaitement valables.
Puis une date de départ de Maguy, je ne vois pas ce que ça change mais bon.. Ça c'est pour demain, la CAF. Démontrer donc ce que l'on sait -et que j'ai déjà démontré du reste-. Michel dit que c'est normal, l'administration doit rendre des comptes. Tout de même, tout ce temps perdu. Ne peuvent-ils tout simplement dire qu'ils ont fait une boulette si c'en est une? Les profs le font bien. Et la rectifier fissa?
Et il y avait le jeune diligenté pour moi ou pour cas difficiles en général ? que j'appelle ED -employé aux cas difficiles- de chercher tel document, de demander, de calculer le volume d'une goutte multiplié par le temps puis le coût multiplié par etc... et de donner des chiffres définitifs, une pastille doit laisser passer 1 litre... en fait c'est 30 mais bon... je croyais qu'il avait fait sciences po ou l'ENA parce que, comme disait Coluche, "un technocrate, c'est quelqu'un que, lorsqu'il vous a répondu, on comprend même plus la question qu'on a posée". La fatigue ? Peut-être aussi, dès qu'il parlait, je décrochais. Je lui ai demandé combien il gagnait il m'a dit 1600 Euros je crois, pas sûr, ça tourne autour de ça. Je lui ai reproché d'enculer les mouches, ce n'était pas aimable certes, mais l'absence de nourriture agit comme une drogue, les anorexiques en jouent et jouent, ça libère, on n'a plus la retenue sociale naturelle chevillée au corps, enfin, pas naturelle, la preuve, culturo-naturelle.
Cela aussi n'est pas mal car cette retenue est aussi ce qui permet la tolérance de l'injustice envers soi ou envers les autres. Les femmes l'ont davantage que les hommes mais sur ce coup je dois avoir un bout de chromosome Y qui traîne, Vinh me l'avait dit du reste lors de notre premier cours de Vôh, ayant été la plus réactive lorsqu'il nous avait ordonné de l'attaquer "efficace" et de toutes nos forces, personne n'osait, moi non plus, il n'arrêtait pas de gueuler "mais j'ai dit efficace et de toutes vos forces!" si bien que lorsque mon tour est arrivé, je lui ai lancé en un éclair un coup de pied visant les couilles qui l'avait été charmé -et évidemment il m'avait mise à terre au même moment tout en me retenant pour que je ne me brise pas le dos-.
Et l'employé releveur venu rue Désiré de répondre à la question de Robin "qui payait l'eau ?"... "Mr Ruche, évidemment, même qu'il rouspétait parce que ça faisait beaucoup." Mr Ruche, c'est à dire le compagnon de Maguy, ouf, ça se dénoue. Il y avait deux (?) adjoints présents plus le jeune technocrate aux gouttes-multipliées-par-le-temps-multiplié-par-l'argent-plus-l'assainissement-égale-un-paquet-de-fric. On a eu un document ensuite, une sorte de compte-rendu.
Kafka tout de même : tous reconnaissent que je n'y étais pas mais encore faut-il l'attester. Plus exactement le re et re attester. Un alibi de deux qu'il me faut, alors même que la maison et même le quartier étaient -à ma demande ou plutôt à celle de l'expert que j'avais diligenté- déclarées en péril par le conseil municipal, ce fut le dernier arrêté de l'ancien maire du reste. C'est pour cela qu'on peut haïr les administrations, le principe même de ces hydres qui dévorent et érodent les gens étant d'user la bête, de complexifier une affaire à plaisir et de lancer au milieu de donnes évidentes et connues -mon histoire étant une sorte de paradigme de la gestion "aléatoire" des anciens élus...- un jeune qui n'y connait rien ou fait comme si et, avec le sourire, vous fait tout reprendre à zéro pour la énième fois et vous annonce, suave qu' "on a un relevé fait en votre présence en 2005 donc..." (?!?) sous entendu vous y étiez, faux, -relevé de toutes manières issu d'un gus disons lui-même très "aléatoire" détail connu de tous mais pas de lui -ou il fait comme si- et de vous demander de prouver que vous n'y étiez pas, c'était déjà fait mais donc les rats avaient bouffé certains documents n'en laissant même plus une miette.. Etc.
J'avais redemandé le dossier à Ralph Blindauer -avocat et ami-... puis l'avais laissé dans son enveloppe, dans la voiture, il ne me quitte pas. J'étais allée le chercher et était revenue avec... en vain. Même le fait que la maison se cassât la gueule, là on était dans un cas de figure exceptionnel et relativement rare je l'espère n'étant pas suffisant pour prouver que je n'y étais pas.. et tout cela à quelques mètres du bureau de celui avec lequel nous avions devisé autrefois de l'histoire de ma facture en rigolant.. c'est à dire son chef.
Comment ne pas hurler ? Sans doute est-ce le but, conscient ou non. Si je gueule, je me disqualifie. Il fallait tenir.
Mercredi 30 juin
KAFKA
Ces papiers, je les garde soigneusement comme des objets précieux mais je n'ouvre même plus le dossier, je n'en peux plus de ces attestations, contrat de location, relevés d'estimation au nom de Maguy qui m'ont coûté plusieurs jours de recherche et de poirautage devant chez elle.. et enfin, la cerise au dessus du gâteau, car à toute chose malheur est bon... une jolie histoire pour distraire le lecteur, que voici toilettée...
ANNE DE RAURE
Une voisine sympa type assistante sociale bénévole qui me prend en pitié -je suis là tous les jours-, me fait enfin entrer chez elle et… s'avère être la fille d'Hélène, la cousine dont m'avait tant parlé Lydie... les riches de la famille, ces nobles et paysans à la fois qu'à la fin Marguerite aidait probablement car elle avait "réussi" avec son restaurant-épicerie et eux étaient ruinés après le drame. Avec une certaine classe, elle me fit visiter son modeste deux-pièces : "voyez ce qui reste de la dernière des de Raure" et enfin Maguy, sans doute briefée -c'est ma cousine-.. et voilà les papiers. J'aurais dû la revoir, je le ferai après que tout sera fini. Tout s'est passé par sous-entendus, timidité de part et d'autre et au fond je n'ai rien su de la suite, comment a-t-elle été élevée? Lui a-t-on parlé ? Aussi étrange que ce soit, une parente rencontrée à la galerie par hasard soit ignorait le drame, soit le niait et s'offusqua -"c'était un accident voyons"...-
Les paysans, les vrais, les miens directs, sans doute plus robustes, plus intelligents, plus natures et surtout dotés d'un patrimoine génétique plus diversifié s'en sont mieux sortis. Et cependant, au départ, les cartes semblaient tout autrement distribuées. Lydie admirait beaucoup cette cousine si élégante, si jolie et était navrée qu'elle ait laissé derrière elle une petite fille de quelques mois et des parents qui jamais ne se remirent du drame. Les villages, le sens de l'honneur, les miens en un sens même si cette branche -de droite hard, une exception, un cas, et de surcroît pas trop "culture"- était si éloignée idéologiquement de la nôtre que, une génération après, je ne savais même plus s'ils existaient encore et vice versa. Bon, ces papiers, je les ai sans doute obtenus grâce à elle... Merci.
Mercredi 30 juin, chez Manu, 10 h 30
Ça se corse. La CAF ne peut pas donner de relevés avant 2006, et c'est là la question. Seulement il y a un hic; Maguy serait partie en 2005 ! Notons que ça ne change rien à la question mais je suis perdue, ça doit être le but, je ne comprends pas. La facture extraordinaire de 4000 Euros -pour deux mois!- date bien de 2007 et c'était juste après son départ. Me semble-t-il. A moins que je ne me trompe. Ou que ce ne soit un duplicata d'une facture a posteriori que l'on m'aurait donnée alors que je protestais. Il faut dire que l'affaire, au départ m'était apparue tellement absurde que je ne m'y étais pas intéressée moi-même, juste une rouspétance de principe, ça ne se pouvait pas PUISQUE JE N'Y ÉTAIS PAS, CA ALLAIT DONC FORCEMENT S'ARRANGER. J'avais confiance en la justice de mon bled, en somme, arrogance naïve, ça ne pouvait pas m'arriver puisque ce n'était pas juste. Tu parles. Après coup, on m'aurait donné une facture -la même- mais postdatée ? Je ne sais plus.
Il reste un élément positif, le compteur ne marche pas. Ça devrait suffire. On me réclame 4000 Euros sur la base d'un compteur qui ne marche pas. Aberrant. Reste la question : il ne marche pas en plus ou en moins ? On saura plus tard grâce au rézocitoyen -un groupe écolo soft- qu'un compteur de plus de 15 ans -et celui-là a bien son demi siècle- n'est plus fiable, il peut s'arrêter, ou filer comme un zèbre, voire tourner à l'envers.. Il faudrait le faire expertiser, mais ça coûte 175 Euros. Or le compteur appartient au service des eaux. Pourquoi devrait-ce être à moi de payer ? De toutes manières, l'employé dit que ça n'aurait pas de valeur, il aurait fallu un huissier qui assiste au démontage..
Autrement dit, voilà une maison qui n'est pas occupée de 2005 à 2007 et qui affiche une consommation de 4000 E pendant une période finale de quelques mois, deux seulement d'après la facture. Je m'interroge : il faudrait un contrôleur des contrôleurs car ce sont les mêmes qui installent, relèvent les compteurs, et encaissent et le mélange des genres, ça ne le fait pas. Situation difficile sans doute pour les employés municipaux, roule-t-on contre son boss? Hypothèse romanesque, c'est un vrai scénar. A cette époque, un élu avait voulu acheter ma maison... inélégant peu après la mort de mon père, je l'avais envoyé sur les roses sec. Simple concomitance bien sûr. J'en ai marre. Je me dis que c'était sans doute le but, inconscient ou non. Peut-être exagérai-je.
On s'est même engueulés avec Robin... Signe de notre épuisement, on perd tout, il avait laissé son portable au Ranquet, puis ne retrouvait plus le chargeur, ensuite il avait mis les clefs dans sa poche et je les ai cherchées une heure, et pour finir, pour être sympa, il était allé chercher des croissants, j'attendais en double file sous les klaxons... et quand il est arrivé j'ai hurlé. Nous sommes à bout. Je crois qu'on s'est fait laissée piéger par leurs exigences de recherche de papiers, que ça nous a épuisés et comme les rats de labos, on se venge l'un sur l'autre. L’œuf du serpent.
J'aurais dû faire comme Scipion à qui on demandait des comptes pour la gestion du forum... qui les avait sortis... brandis... et brûlés immédiatement. Cette exigence était humiliante et surtout politique dit-il. Dans mon cas, elle est blessante car vaine car ce qu'on me demande d'attester, on le sait et du reste ce n'est pas nié car c'est indéniable. Ubuesque.
Savaient-ils que la CAF ne pourrait remonter aussi loin... et de toutes manières que Maguy -s'ils ne se trompent pas- était partie en 2006 ? Mais ça change quoi? Rien. Robin est un peu déprimé par moment. Je n'aurais pas dû accepter. Mais Michel, fidèle à son rôle de médiateur -suscité par le Maire- pense que tout ceci est un hasard, l'ordre de saisie serait passé tout seul sans qu'il ne le voie. Contradictoire avec ce qui m'avait été dit ailleurs -passons sur mes sources mais elles sont fiables- ai-je mal compris? Il avait presque fini par me convaincre. Ce qui du reste ne change rien -boulette ou rétorsion délibérée? c'est la seule différence- le fait basique demeurant intact. Et pourtant, l'adjoint et ses propos "tu paieras et c'est tout", l'adjointe -idem mais dix crans plus haut-... On oublie vite. Je vacille, un peu. Basta. Hasta siempre.
J'ai peut-être été dure : Robin est d'accord avec Michel, l'ordre de saisie provient de l'ancienne équipe. Bon, mais il a été donné par la nouvelle, car ça ne se passe pas si vite, il y a le "jugement" -si l'on peut dire puisque je n'ai pas été avertie- l'ordre de saisie, mais celui-ci reste sans être forcément exécuté car il faut un autre ordre pour qu'il le soit.. bref, il y a plusieurs étapes avant la guillotine. Se peut-il que le maire n'ait pas été au courant? Restons dans cette hypothèse, c'est tout de même une erreur. Ne faisons pas comme le petit peuple affamé qui naïvement demandait au Roi à Versailles... de le délivrer des fermiers généraux collecteurs d'impôts... diligentés par lui.. Je ne sais pas. Qui se moque de moi? Et puis je m'en fous, de toutes manières, je n'étais pas là, et basta.
Les discussions oiseuses même entre nous épuisent. Négligence? Qu'ils la réparent alors. Il me semble que j'aurais fait en sorte qu'une telle concomitance ne pût avoir lieu, pour l'honneur. Il est vrai qu'il y a d'autres héritages des anciens peut-être plus lourds encore question injustice.. et que mon affaire peut sembler secondaire. Ouais, sauf que la maison d'un administré démolie par les soins de son père, ça ne se voit pas tous les jours enfin j'espère. Les deux "incidents" mis ensemble sont fâcheux. Et puis je râle, cessez d'enculer les mouches, si c'est une erreur, on la rattrape fissa, ou alors ce n'est plus une erreur. Et le peu d'empressement à la corriger ne plaide pas pour la boulette. Question de logique. Si vous vous garez par mégarde sur les clous et qu'on vous le fait remarquer, ou vous vous enlevez illico ou alors etc..
Les gens se taisent aussi, comme s'ils avaient honte d'être humiliés. Oser le dire c'est s'exposer au rire croit-on -en fait, ce n'est pas vrai-. C'est comme les femmes violées ou battues. Et lorsqu'un parle, tous s'y mettent... C'est pour ça que je gêne sans doute.
Jeudi 1 juillet
Boulimie
Une vie presque normale, je mange comme quatre en prévision d'un de re départ. La solidarité de tous, différemment exprimée, Jacques qui vient m'apporter 400 Euros pour des livres avec ses excuses pour le retard et beaucoup d'encouragements! Enfin. Une grosse affaire pour un militant coco de 60 ans... qui en principe s'intéresse à du plus lourd, en effet, c'est un peu léger pour lui mais mis bout à bout, ça fait tout de même la vie de gens. J'ai perdu deux ans pour cette affaire deux ans mis à la suite, en partie l'amitié de Michel J. -mon meilleur ami- que je n'ai pas vu depuis un an, on s'est éloignés et le projet de livre commun a été remis aux calendes, peut-être ne verra-t-il jamais jour -plusieurs livres, mon travail dans une certaine mesure, pas totalement, et pas mal de confiance en moi et en d'autres, ainsi que plusieurs autres amis proches, l'amitié ça se cultive, mais j'en ai gagnés aussi. 50 ans d'illusions éclatées dans certains cas, il le fallait et ça c'est plutôt bien. Mais aux forceps. La caverne, je suis née au forceps.
La vie des pauvres gens et des poètes
La vie des gens, le chemin effondré... des gens qui se sentent exploités et laissés pour compte tels ceux qui depuis un an font des acrobaties pour aller chez eux avec tronçonneuses et brouettes, faisable mais pas facile... pourquoi? pour entretenir la vallée !!! pour tous, y compris pour le voisin d'en face, un gros propriétaire qui a aussi des chambres d'hôtes. Mais celui-là est du genre sympa, je me suis payée le culot d'aller chez lui, il m'a reçue fort aimablement -fort satisfait du nettoyage ?- car de chez lui on voit -de très loin- les "trois pins" devenus une véritable décharge-.. Du nettoyage de la montagne, un an de boulot, s'est chargé celui-là même qui passe en faisant des acrobaties à présent, un sportif et un costaud, qui n'a pas économisé son temps et n'a pas le vertige, un poète aussi pour avoir accompli cette performance tout en travaillant juste pour que ce soit beau, juste parce que cet endroit, il y tient autant que moi et quelques autres... et tous en fait. A présent, de la belle terrasse de ce gris proprio, on voit la montagne comme avant...
Voilà l'aberration de nos édiles: notre patrimoine jeté aux orties, tapis rouge pour ceux qui l'abîment par intérêt perso -et à courte vue- et haro sur ceux qui ont peiné à le restaurer. Au cours de la "négociation" Robin a mentionné le défrichage, je n'y aurais pas même pensé et un élu -que Jo sans aucune malice, n'arrive pas à appeler autrement que "guenille" malgré mes reprises à chaque fois- m'a accusée de n'avoir cherché qu'à "valoriser" mon terrain -1000 Euros?- Il faut dire que celui-là, venu de l'Est, n'a pas tout saisi de l'âpreté des cévenols à préserver et maintenir "leur" nature, en effet hors-norme et hors compréhension pour un pragmatique francomtois qui n'y a vu que... désir de profit. Tout le monde n'a pas les qualités de mon père, d'origine identique mais qui s'est intégré en un an. Ici -je l'écris sans trop de gêne car c'est le berceau de ma famille paternelle- on n'est pas dans l'Est acculturé, pragmatique et simpliste mais chez les romantiques cinglés de l'Epervier de Maheux, un roman terrible, d'une immense cruauté, à côté "Noces kurdes" est une historiette rose! mais à lire absolument pour tout out sider qui prétend gérer nos affaires, ça évitera bien des impairs, des clashs et de cruelles moqueries-. Trois mois de boulot défrichage, de combien ai-je revalorisé mon terrain? Combien aurais-je gagné en écrivant des piges durant ces trois mois ? Ces bons comtois sérieux, bosseurs, fiables, on leur demande un papier on l'a le lendemain, germaniques quoi comme Ralph, casque à pointe, mais question comprenette, un peu lourds, j'en suis à demi. "Mademoiselle Larrivé, vous pensez comme on laboure avec un cheval poussif, c'est long c'est long c'est pénible, mais finalement au bout il y a parfois quelque chose" disait de moi l'affreux Courès, dans sa bouche, c'était un compliment. J'ai essayé de lui expliquer -mais tout le monde parlait en même temps- que je/nous ne nous étions pas arrêtés au petit tronçon débouchant chez moi qui ne représente même pas 1/10° du travail, mais que nous avions poursuivi jusqu'à Saint-Victor, c'est à dire sur 4 km environ... et là, je n'allais nulle part qui m'appartienne. C'était en fait exactement l'inverse, nous tenions à acheter une terre en bout -l'ancien jardin de la maison de retraite, saccagée par l'eau car le lit de la rivière a bougé, aléa naturel sans doute aggravé par un propriétaire en amont qui avait drastiquement rasé les arbres en bord d'un cours d'eau, la ripisylve ou vigère- justement pour éviter que le chemin ne soit perdu.
Note après coup : on y est arrivés, mais au bout de deux ans, tout est long redite, le proprio -la maison de retraite dont le maire est membre du conseil d'administration- ayant perdu les papiers, ne les retrouvant pas, il fallait un conseil d'administration, puis un autre etc.. et entre temps les frais de notaire avaient doublés.
Et là, il avait fallu une tronçonneuse, il y avait des arbres morts abattus en travers, merci aux copains... car la fois où, dent serrées, après dix essais, j'avais réussi à démarrer celle qu'Erdal m'avait achetée, j'avais ressenti une curieuse douleur dont je n'ai pas tenu compte, toute à ma joie de l'avoir "eue", en fait c'est "elle" qui m'avait eue, je m'étais pété la clavicule et j'ai souffert une semaine.. Engin de mecs, les constructeurs devraient y penser, c'est juste le démarrage qui pèche pour qui n'est pas trop sportive... je ne suis pas Frédérique qui fait ça au chiqué sans éteindre son clop...
Visiblement l'élu estois n'est pas allé jusqu'à Saint-Victor, ni physiquement ni intellectuellement. Nous supposer des motivations perso affairistes, aucun autre ne l'aurait imaginé. Il a ensuite rectifié, c'est pour vous valoriser. Ça, peut-être car ça m'a mis la pèche même physiquement et dans toutes nos motivations, l'ego se mêle toujours, une intello qui défriche un pan certes minime de montagne, sûr, ça pose sa femme -mais une sciatique ensuite, beaucoup moins.-
Le gus des chambres d'hôtes, m'avait donc reçue gentiment... même lorsque je lui avais demandé d'aller sur sa terrasse pour "voir ce que l'on voyait"... Car Lydie avait fait une piscine, c'était à une époque où il n'y avait pas une telle pénurie d'eau et le puits la remplit aux trois quarts, où nous nous baignions Robin et moi, lorsque nous étions seuls, parfois sans maillot, la flemme de retourner à la maison sous le cagnard, un plongeon et barka... mais j'avais un doute sur cette terrasse chic, certes très loin de l'autre côté de la Cèze... Robin me disait "ils ne peuvent rien voir" et bien j'avais raison. A l'œil nu, rien de précis, une minuscule silhouette floue mais avec une jumelle, ses amateurs de vins/touristes à X ? Euros/jour déjeunant ou sirotant leur café sur la terrasse ont pu apercevoir nos culs. Tant pis, c'est fait. Et à présent, la piscine est devenue marre à grenouilles ou plus exactement réservoir d'eau récupérée de la toiture donc rien risque.
Avec quel inénarrable mépris, Cris, qui s'est échiné comme moi, ou Jojo dans une moindre mesure et d'autres sommes-nous traités: au moment où on l'a défriché, le chemin est interdit, une baffe dans la figure.. curieuse baffe en fait car c'est d'abord à eux que nos élus se l'envoient. D'autre part, c'est illégal. Et si j'ai honte, si nous avons honte, c'est ici de ceux qui sont censés nous représenter. Je mesure à la réaction -des copains- presqu'excessive -ils sont toujours là à me demander "alors le chemin?"- la profondeur de leur blessure comme de la mienne. Décidément, de cette histoire, il faut aussi faire un paradigme. Ça vaut encore trois jours de souffrances et même plus. A la relecture : ou simplement des panneaux en tee shirt, c'est moins cruel et plus porteur, comment parler, penser, arguer lorsqu'on voit trouble, avec des vertiges, épuisée, le souffle court... ?
LA SOLITUDE DU MAIRE DE FOND
Question légale à présent. Les maires il est vrai sont dans la merde. S'ils réparent, s'ils entretiennent le chemin, ils sont responsables en cas de chute d'avoir favorisé une promenade vers un lieu dangereux -jusque chez Cris, il n'y a aucun risque, mais après, la falaise en effet est quasi à pic.. et soyons honnête, mon aïeul s'y est tué -à cheval il est vrai et encore n'est-on pas sûr de l'endroit exact où il a chut.- Ils peuvent donc être attaqués pour négligence. Mais si ceux qui y vont tous les jours -moi par exemple ou surtout Cris- tombent avec leur brouette, tronçonneuse etc... à l'endroit où le mur s'est effondré, ils sont également responsables. Responsables dans les deux cas, être maire n'est pas une sinécure. La solution -foireuse- serait de mettre le panneau qui annonce glorieusement que "ce chemin est dangereux.. interdit"... bien plus loin, juste avant la falaise, jusque là, il y a moins de danger qu'en traversant le Portalet -combien d'écrasés jusqu'à présent ? et on en parle à peine.- Un modus vivendi équitable. Valable légalement ? Je l'ignore. Mais si le panneau tel qu'il est à présent l'est, placé ailleurs, il l'est aussi. Et s'il ne l'est pas, ce que je crois, il ne l'est pas davantage là où notre bon estois l'a installé. Observation, mis à part quelques cas burlesques -qui ne concernent pas la mairie ou indirectement- ici, les gens ne sont pas procéduriers, pour preuve le nombre d'accidentés sur le Portalet ou ailleurs sans aucune plainte -aux States ou à Paris, ça aurait chauffé pour le maire-.
Il faudrait aussi un écriteau pour signaler que la Cèze n'est pas baignable surtout après des pluies. Il existe ce panneau me dit-on, mais... devant le pont de St-Victor, à 3 km. -A la relecture, non, il n'existe pas ou si secret qu'on ne l'a pas vu.- On est à la Roque, l'eau est en apparence claire, profonde, il fait chaud, on veut se baigner... et on file interroger le panneau? Étonnant comme en certains cas, les maires sont tatillons et en d'autres, laxistes. Celui qui a laissé sans broncher des voitures garées sous le mur décroché un an ou plus -risque majeur attesté hélas, à un poil près j'y laissais ma peau- s'inquiète pour les promeneurs sur un chemin... qu'il renâcle à réparer pour qu'il soit condamné donc que personne ne tombe... au mépris d'administrés qui eux le prennent de toutes manières tout le temps parce qu'il n'ont pas le choix pour accéder chez eux. Comme un médecin tuerait un malade pour ne pas être accusé d'erreur médicale. Dégourdis, les cévenols ? Mais qu'importe, la commune a obligation d'entretien. Vont-ils réagir, ces riverains traités avec un tel mépris ? Oui, mais après, après, toujours après. Ici, peut-être au bout de deux jours d'une grève de la faim lorsque les caméras de TV seront là ou lorsque je serais en mauvais état. La chaleur pour moi complique les choses, ç'aurait été mieux l'hiver, le froid ne me gêne pas.
Note après coup. Le can't sans doute, chevillé au corps, je n'ai pas -trop- insisté, en d'autres termes, je me suis mal défendue, plus ou moins volontairement. Les réticences -parfois- de Robin y sont sans doute pour quelque chose.
Michel est sans doute en train de négocier. Ils prennent la météo là bas comme si j'étais un orage électrique de montagne. N'empêche, le copain, doux, calme mais tenace, a effectué un vrai travail de psychothérapeute envers moi. Ma foi... Il m'a même fait vaciller à un moment, le maire, n'aurait rien décidé... Bon sang mais quelle coïncidence, OK ça arrive, je la ferme. Mais alors qu'il le prouve. Des boulettes, tout le monde en fait; et plus on a de pouvoir, plus on en pond, c'est logique "il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent pas" comme dit la sagesse populaire. Mais alors il faut les réparer, vite: cette lenteur apporte plutôt de l'eau à mon moulin. Mais il est vrai que tout est lent ici. Je ne sais plus. J'ai quand même vaguement l'impression de me faire avoir.
Michel aurait pu être prof de fac, le regrette-t-il, je ne sais pas mais je pense moi qu'être journaliste est sans comparaison : sans eux, je pourrais crever dans ma voiture. Si ça bouge un peu, c'est uniquement grâce à eux et au soutien populaire, l'un entraînant l'autre, je ne me fais aucune illusion. Et pour ma maison effondrée, c'est grâce à la justice que je m'en suis sortie. Oui : Seigneur, protégez-moi de mes amis. Ça vaut pour eux du reste.
UN RÉSEAU DANS TOUS LES SENS DU TERME
Réunion ce soir du rézocitoyen. Des spécialistes pointus de l'eau, de la pollution, etc... Dommage que certains d'entre eux -en fait, deux seulement- soient peu ouverts et je suis sympa mais baste, on est sérieux ou on ne l'est pas, ceux-là sont jeunes, ils en font juste un petit peu trop, c'est eux les spécialistes etc. Pour pénétrer dans ce rézo, c'est plus compliqué que pour le Lions's -franchement très aimables, honte à moi mais c'est ainsi-, il faut... je ne sais quoi. Ils m'ont dit quelque chose comme "on vous écrira", j'ai cru que ma tête ou ma connotation ultra leur déplaisait, pas du tout, Adrien, commerçant anar -qu'il dit- prospère, généreux, marrant et aimable que tous adorent... même des gens de droite, Adrien pote du gratinissime, ne citons personne, disons d'un maire de droite député d'une grande ville proche, picoleur bon vivant et dynamique, bref, Adrien lui-même s'est fait blackbouler tel un malpropre tout comme moi. Ils se satisfont entre eux, il faut croire, comme une famille nombreuse aimable mais qui se méfie un peu de l'extérieur. Dommage. Mais ils sont au sens du terme irremplaçables. Avec eux, il suffit de se tenir à sa place, dans les rangs et de ne pas déborder du cadre, même en croyant bien faire. J'ai du mal mais j'y arrive. Je dois leur faire un peu peur, comme Adrien, mais d'une autre manière.
On va y aller et poser la question de fond ici : le contrôle des contrôleurs. Un truc : que tout le monde demande le contrôle de son compteur, tout le monde à la fois, oui, et régulièrement -le genre parano- et au fond il y a de quoi lorsqu'on voit un compteur QUI NE MARCHE PAS vous facturer 4000 Euros en un ou deux mois... au moment même où tous reconnaissent que vous n'étiez pas dans les lieux.. et scénar catastrophe où vous êtes mal etc...
Un femme seule, pensez, une petite retraite -ils se sont étonnés de sa modicité, et oui, cadre sup rigole.. il faut dire que j'ai encore loupé des papiers qui m'attribueraient ce qui m'est dû, Robin va s'en occuper, et que la militance et des années de dispo pour me livrer à des activités vitales et bénévoles, ça ne se pardonne pas, sauf si on est Régis Debray et condamné à mort, à propos, salut et fraternité à toi, bref, une femme seule mal dégourdie (OK) sans fratrie, (hélas), sonnez trompettes pour l'hallali.
L'histoire a peut-être un début comique j'y songe. Une dette de 50 Euros, et le gus "releveur de compteurs", huissier de son état qu'on dit de justice et tout et tout, n'imaginant même pas que c'était un oubli vu mes fringues ce jour-là, il faut dire qu'il ne s'était pas annoncé comme un gentleman se doit de le faire chez une dame, et hop, proposition -discrète- de vente "ça vous libèrera", ma réponse du genre "allez vous faire mettre" ou l'équivalent, je n'étais pas encore redevenue une vraie St Ambroisienne... et ces foutus 4000 Euros qui sortent d'un chapeau. Peut-être encore un hasard évidemment. A ce propos, cher couillon par qui tout peut-être est advenu, envoie-moi z'en un autre plus rock and roll la prochaine fois, tiens, celui venu pour les contraventions de Fred -le sagouin, je parle de mon fils-... beau, souriant, mince, un brun à lunettes comme je les aime, même Tess l'a fort bien accueilli, les frêles elle juge que ça ne vaut pas un coup de dent, un signe qui ne trompe pas. Celui-là, ma foi, si j'avais dix ans de moins, peut-être aurais-je tenté. Passons.
Mais peut-être deviens-je parano, hypothèse à envisager, que ce compteur déconnait réellement -à la hausse, car il aurait aussi pu déconner à la baisse... ne supportant pas la solitude après le départ de Maguy et de sa nichée, il se serait mis à "boire" et à facturer, sur facturer et sur sur facturer comme un petit fou, ça se peut, un compteur dépressif, ça s'est vu, un compteur qui se suicide- et que personne n'y était pour rien. Ça se peut.
UN OPTICIEN QUI FAIT OUKI OUKI
D'ailleurs Mr Loubet sérieux en diable, opticien, pignon sur rue et tout et tout, expliqua un jour à mon père estomaqué que "les objets avaient une âme et réagissaient parfois avec passion, se cachant par exemple lorsqu'il leur en prenait fantaisie (!) puis réapparaissant etc..." Il appelait ça faire "ouki ouki" -sérieux!- bon, il y a ici des gens encore plus curieux que moi et à celui-là, je ne confierais pas mes yeux, quoiqu'après tout, si, Jean en était satisfait, c'était un excellent opticien... Un compteur donc qui fait "ouki ouki", ça se peut. Ici, tout se peut.
J'attends le résultat du travail de Michel. Un chic type qui prend du temps pour cette farce. Il dit que ça le vaut. Réunion tout à l'heure avec lui. Je suis redevenue en forme. Robin est en train de peindre les murs abîmés par le chantier, ils ont fait au minimum. Il s'y est fait enfin et veut ou plutôt consent à rester... Ailleurs les gens en poste ne sont pas mieux certes mais comme il y en a plus, dans le tas, forcément... Ceux comme mon scorieur -une pique pour le toro déjà dans l'arène- on ne les voit pas. Mais ici, quand je me lève et sirote un café au troquet de Samir en regardant mes mails, ou lorsque nous parlons avec Claude de son livre en préparation, il arrive que ce soit la première personne qui passe devant moi... bien beau lorsqu'il ne m'aborde pas en copine -après m'avoir assignée entre autre pour un petit local dont il me contestait la propriété, raté pour ce coup-.
Je possède maintenant une entreprise à moi avec l'aide d'Elegantloanfirm avec un prêt de 900 000,00 $ USD. au taux de 2%, au début, j'ai enseigné avec était une blague jusqu'à ce que ma demande de prêt soit traitée sous cinq jours ouvrables et que les fonds demandés me soient transférés. Je suis maintenant le fier propriétaire d'une grande entreprise avec 15 employés travaillant sous mes ordres. Tout cela grâce à l'agent de crédit Russ Harry, c'est un Dieu envoyé, vous pouvez les contacter pour améliorer votre entreprise sur ... email-- Elegantloanfirm@hotmail.com. / Numéro Whatsapp +393511617486
RépondreSupprimer