Nombre total de pages vues

mardi 1 février 2011

Le blog sans images partie 9

Samedi 21 août

A ST AMBROIX, UN PANNEAU VIDE 

Un oubli d'hier : un jeune retraité du Nord à l'accent prononcé, Joël, quasiment à résidence ici -c'est un sportif passionné de fossiles-, il a une location à l'année dans un gîte... vient me voir le soir, apparemment il me connaît et connaît l'affaire. Son proprio l'a-t-il briefé ? Peut-être. Discret : je ne l'avais jamais vu auparavant. Il faut dire que sa famille vient de partir et qu'il est seul à présent jusqu'en septembre, la meilleure période : vélo, randonnée, spéléo, nature, fossiles, animaux. Ce coup-ci, il me fait donc la liste de ce qui dysfonctionne dans le village -de son point de vue, intéressant car sur certains points, on ne réalise pas-.
Il n'y a pas de club de randonnée déplore-t-il -en effet et c'est choquant- et même pas d'indications à l'office de tourisme sur les sites à voir... Les bords de la Cèze sont inaccessibles ou dégradés etc.. [Je lui parle du chemin de la Roque mais il connaît et c'est sans doute la raison essentielle de sa venue.] Il ajoute que les indications données -par la Mairie ? Sans doute qui d'autre?- ne sont pas fiables... 
... et comme pour lui donner raison, pendant que nous parlerons, trois groupes de gens viendront chercher ''le vide-grenier'', dix personnes en tout... annoncé fautivement... Certains font contre mauvaise fortune bon cœur et s'en vont résignés au toro piscine pour faire plaisir aux gosses, mais deux femmes de Bagnols avec des enfants en bas-âge venues exprès, sont fort mécontentes. Pour écraser le coup, je leur parle du Dugas. Question communication, ''on'' se pose là : tous les panneaux municipaux sont HS ; les spots électroniques, blancs, et l'affichage normal pourtant aisé à remplir, vide. Une page blanche : à Saint-Ambroix, RAS. C'est au point qu'un touriste nous parle d' ''Amboise'', il faut rectifier: ''non nous ne sommes pas à Amboise et il n'y a pas de châteaux sur la Cèze.'' Les deux femmes déçues veulent tout de même aller au restaurant : niet là aussi, Samir, épuisé de charges est fermé pour la restauration le soir et rien ne dit que les bistrots de la rue de la République seront ouverts, il n'y a que Manu -mais il ne fait que des salades-... ou le camion pizza, qui a installé une ''terrasse'' en plastique hélas juste au bord de la route. Quant au "Rocher qui penche" qui comme l'indique son nom, est en contrebas profond, avec deux bébés à porter, c'est hors de question, elles repartent furax et je gage qu'on ne les reverra pas de sitôt même si quelque événement affriolant est annoncé. A moins que le Dugas...

DOLÉANCES DE CEUX QUI ONT CHOISI ST AMBROIX

Joël en veut également à l'équipe actuelle à cause de la déviation... dont il n'est plus question, alors qu'on en parlait depuis si longtemps ... et qu' ''ils'' l'appelaient de tous leurs vœux du temps où ils étaient dans l' ''opposition''. ''Ils'' ne font pas mieux et même sur ce coup, plutôt moins bien dit-il, ulcéré. St-Ambroix est le seul village encore traversé pour une nationale. Je rétorque qu' ''ils'' ont un lourd passif -et me voilà encore en train de ''justifier'' ceux qui me font subir ces avanies, raison de tous ces blogs au départ- le village dit-il se meurt du bruit, des camions qui circulent, de la pollution... dont nous ne nous rendons même plus compte. Je pense à Bertrand, à Régis en effet qui avaient quasiment refusé de manger aux terrasses, ne comprenant même pas qu'on le puisse -habitude faisant nature, ça ne me dérange pas cependant.-
Il déplore également la délinquance, ça, c'est plus banal : il a été cambriolé, a dû revenir en catastrophe de chez lui pour le constat, 1000 kilomètres et lorsqu'il est rentré, une lettre l'attendait déjà, laconique: ''sans suite''. Il l'a mal digéré, 2000 kilomètres... pour rien.

Mais surtout il signale ce à quoi on pense peu et qui cependant explique aussi la déshérence du village, ou DES villages en général. Ecolo, résolument anti-voiture comme beaucoup de citadins qui parfois n'en possèdent même pas, le métro et les jambes pour les déplacements en ville, le TGV ou l'avion pour les vacances suffisent, il vient donc en train... Or leurs horaires coïncident exactement... avec ceux des cars. Si bien qu'après 6 heures de voyage, il doit parfois attendre 3 heures à Alès. Bilan : 6 heures Lille-Alès... et presque 4 pour Alès-St-Ambroix. Chance, son gîte n'est qu'à un kilomètre de la gare et ils sont organisés, vélos etc... Mission accomplie, j'ai tout noté, j'espère ne rien avoir oublié. 

Chaleur torride, il faut retourner au Ranquet rentrer les chiens qui sont dehors, certes à l'ombre, avec deux belles niches parfaitement isolées -si Sylvie voyait ça, c'est quasiment des yourtes- et ils ont un plein seau pour boire mais tout de même. Leur laisse coulissant sur deux câbles tendus entre deux arbres de 25 mètres pour l'un et 13 pour l'autre, sur leurs 80 m² d'espace, ils ont tendance à creuser partout... de véritables trous d'obus afin de se rafraîchir, cherchant désespérément l'eau dirait-on. La jolie plateforme devant la maison est devenue un champs de mines. Ils seront mieux dedans, dans la cave-écurie qui me/nous sert de querencia en attendant que la rue D. soit vivable -je n'ai pas d'eau, quoiqu'il y ait un progrès, un filet coule, irrégulier, à la fois éjaculateur précoce et peine à jouir-. C'est presque fini, hélas presque... Fichu pour la bibliothèque -le voisin s'y est opposé- quoique j'aie l'intention de faire comme dans beaucoup de grandes villes un système d'échange de livres ''sauvage''. On laisse un bouquin sur un banc, quelqu'un en laisse un autre etc... Étant donné l'abondance, c'est tout St-Ambroix qui sera inondé si je m'y mets... Ou bien en vendre ? Pour me faire un peu d'argent afin d'aménager la galerie ? Je n'aime pas cette idée -vendre des livres- mais on n'échappe pas à l'argent, ô Bertrand, ô Gérald qui voulez être ''dehors''... ou bien si ''on'' y échappe, c'est parce que quelqu'un d'autre assure à votre place et tant qu'à faire, je préfère que ce soit moi. 

SOUVENIRS FUNESTES 

Finalement je reste, une dame d'un certain âge -68 ans d'après ce que je comprends- vient d'avoir un malaise juste à côté, blême, presque ''partie'' à un moment... ses enfants me disent qu'ils viennent d'Aubenas... avec une voiture non climatisée, il est à présent 16 heures, parce que son mari a des problèmes d'allergie ! Elle a déjà fait deux infarctus. Impensable égoïsme du mari et légèreté des enfants. Il leur faudrait deux voitures, une climatisée pour elle, et l'étuve pour lui. Ils habitent juste devant l'hôpital mais ici... il n'y a rien avant Alès et encore... Cela les bloque pour faire des ballades, même avec leurs enfants. Téléphone assez longuet du fils aux pompiers... et on leur envoie ceux d'ici qui, après un examen dans le camion, décident de la conduire à l'hôpital. On est en août et ils doivent être en service restreint, je crains le pire... Souvenirs d'un autre mois d'août où Lydie est morte lorsqu'elle aurait pu être sauvée. Du coup, pas le courage de revenir au Ranquet. Après tout, les chiens sont à l'ombre et ont de l'eau. Tout à l'heure peut-être.

Énervement des gens, la chaleur, les gosses crient, les mères aussi, les chiens tirent la langue... des ''vacances'' pénibles qui cependant leur laisseront peut-être un bon souvenir après coup, comme la guerre. Mon affiche est à l'ombre, elle est beaucoup lue... mais je n'ai pas toujours le courage de me lever pour leur donner mon papier. Quant à la pétition... J'attends qu'ils viennent. Lydie... il me faut penser à autre chose. Je RESTE. Une dame passe, me sourit, je la connais mais d'où ? Peut-être une copine d'enfance. Impossible de me souvenir. Parfois c'est le lendemain que ça revient.

La fin août est le mois des chiens, il faut croire, la plupart des gens, y compris les touristes en ont au moins un en laisse... Parmi eux, depuis que je suis arrivée, deux ''rott'' impressionnants sans muselière, au bout de la laisse du premier, un maître idoine, un mètre quatre-vingt, cent kilos, cheveux raz, ça s'harmonise... mais pour le second, il s'agit d'une minuscule jeune fille modèle Maï-Linh et là... Pourrait-elle le retenir s'il se fâchait, car c'est tout de même un...? Un labrador coupe-t-elle avec un aplomb de femme politique. Je ris. Euh... un labrador qui a une curieuse bobine tout de même, on s'y tromperait, quoi. Un classique, le labrador n'est pas ''classé'', le rott si et certains vétos ne sont pas trop regardants. ''C'est sans doute un croisé''... nuance-t-elle ''et parfois ça donne des chiens comme ça''. Soit, je n'ai pas envie de désobliger le ''labrador'' qui pendant tout ce temps me renifle consciencieusement les jambes puis le derrière, et là, rott ou pas, je proteste vigoureusement, je n'insiste pas... et le ''couple'' repart, très fier l'un de l'autre, la petite juchée sur des échasses et le monstre dandinant côte à côte -75 kilos m'a-t-elle précisé avec un orgueil de mère.- Touchant... Une gitane, m'a-t-il semblé à son accent, qui peut-être vit au ''Daudet'' et doit sans doute se prémunir, avec "Minou", car l'hippopotame répond au doux nom de Minou, rien risque. On la comprend mais..
Chaleur... je vais aller à la piscine peut-être puisque la Cèze est polluée... pas envie d'un autre staphyllo. Du reste il a plu avant hier, raison de plus... Non, finalement, les gens arrivent à présent en nombre, ce serait dommage. 

LES FEMMES 

Tutut est devant moi, nullement agressif aujourd'hui, il a même dû oublier son clash d'hier, c'est ce qui est bien avec les gens comme lui, il est avec d'autres gamins, une petite bande torse nu en tongs et short multicolore qui revient de la piscine, il a l'air d'avoir dix-sept ans -et n'en est peut-être pas très loin- il picole parfois voire plus si affinités, fait à ces occasions du ramdam -léger- le soir dans des troquets et a déjà trois enfants.. A le voir, on croirait un gosse. Qu'il est. 

Comme en Afrique -et peut-être partout-, ici, chez les pauvres, ce sont les femmes qui assument tout. Les hommes, peu présents, sont de fait infantilisés. Ils sont là en cas de bagarres ou de stress grave, comme on l'a vu avec l'argument "cric de manivelle" pour l'eau mais enfin ce n'est pas tous les jours. Un groupe de jeunes, des gitans peut-être, passe, les mecs baraqués suivant les femmes, dont l'une, sur talons aiguilles, en tête, très frêle, conduit une énorme poussette archaïque où s'agite un beau bébé noir rieur. Elle lui fait escalader le trottoir péniblement et c'est alors que quelque chose dans l'engin craque, plus moyen d'avancer, elle se baisse, regarde, une pièce de fer solidement rivée harponne à présent le bitume. Elle tente aussitôt de la tordre ou de l'arracher mais le sol étant en pente, il faut coincer la roue... et le frein ne marche pas, elle essaie alors de la bloquer avec son pied pendant qu'elle tire sur la ferraille mais dans cette positon, n'a plus de portée... Penchée, elle ahane, l'autre femme a toutefois réussi à bloquer la roue avec sa propre poussette-, en vain... En sueur, elle cherche alors à enlever l'écrou avec, en fait de tournevis, une clef de voiture et ses ongles, et au bout de quelques efforts épuisants, y parvient enfin. La voilà qui brandit en riant le tube tordu... 
Pendant tout ce temps, aucun des deux hommes qui attendaient derrière n'a même eu l'idée de l'aider, pas plus qu'elle de le leur demander.

LE DESSOUS DES CARTES

Un ennui dont je me doutais cependant, la désinformation ; le collègue de Guy passe et s'étonne : ''mais ce n'est pas fini? Je croyais. On me l'avait dit.'' Zut, qui ce ''on'' ? Il a un geste vers le troquet puis se ravise. ''Je ne sais pas en fait, j'en parle avec plein de gens, c'est juste un bruit...'' Raison de plus pour ne pas quitter la place. Mais il faut que j'aille voir le copain d'hier. Je n'aimerais pas qu'il parte. Comment ici nos édiles peuvent ainsi recevoir un cadeau en répondant par une telle rebuffade ? C'est comme pour nous en somme, le chemin défriché ensuite "interdit". La méconnaissance des choses et des gens peut faire commettre d'énormes impairs. C'est aussi une question psychologique. Redite, à moins que ce ne soit voulu. Les gens trop libres dérangent-ils? Mais il ne faut pas m'emballer et amalgamer des griefs peut-être contradictoires, il y a peut-être un non-dit que j'ignore; se droguerait-il? dans le milieu art ou même littérature, ce n'est pas rare, surtout chez les musicos, les autres, les sculpteurs par exemple font plutôt dans la picole. En revanche, que certains veulent profiter de nous, là, c'est sûr, du reste, ils ne le cachent même pas et mon statut ambigu de galeriste a fait que j'ai eu droit autrefois à des réflexions de "collègues" tout à fait claires genre "ça, ça paie bien, c'est pour ça que je le fais sinon,tu penses bien que je ne m'emmerderais pas.. ça, ça ne paie pas" etc... Entre "soi", pas de chichis, faire revivre un village, non mais tu y crois? Manque de psychologie là aussi, il faut savoir à qui l'on parle avant de s'étaler et dans mon cas, ce n'était pourtant pas difficile. 

LA PEUR, NON DE MA VIE, MAIS UNE BELLE

Je rentre épuisée, il est 8-9 heures, il fait encore très jour. Un événement imprévu, un gus en voiture qui zigzague sur le Portalet m'a carrément foncé dessus, une trouille comme jamais, le choc frontal semblait inévitable et au tout dernier moment, il a braqué, passant sans doute à un centimètre de mon pare-choc avant dans un crissement de dérapage contrôlé, un as à sa manière. Une image d'horreur, sa voiture -noire- déjà enfoncée m'a-t-il semblé, fonçant et se déviant volontairement vers moi qui rasais le trottoir... puis le hurlement des freins et la voilà en face où par chance il n'y avait personne. Ahurie d'être indemne. Le choc l'eût sans doute bien esquinté, la Peugeot a autrefois "encaissé" un gros sanglier qui boulait à fond de la montagne sur la route d'Anduze sans -trop- broncher, mais il semblait ne pas s'en soucier. C'était comme un film.  Devant chez Manu, une petite foule de jeunes estomaqués, ils ont dû voir et entendre. Sous le choc, je m'arrête et tourne rue Désiré, essayant de me calmer, j'appelle les  gendarmes, ce fou, il faut l'arrêter avant la cata... Du coup, je vais par défi prendre une pizza et ensuite chez Manu aux nouvelles -et surtout prévenir les gens-. Il vient de fermer, à cette heure, un samedi, c'est exceptionnel. Tant pis, c'est chez l'autre que je vais envoyer mes messages. La patronne à laquelle j'ai donné un petit livre ne l'a pas lu, encore une erreur de ma part, il ne faut jamais donner ou prêter un livre même si on vous le demande sauf exception de chalands particulièrement impécunieux. Les gens -surtout non cultivés- parfois se méprennent, croyant qu'on leur demande une faveur  lorsque c'est l'inverse... telle Mirtylle qui à Anduze, des épreuves de "Noces kurdes" déjà envoyées au tirage qu'elle m'avait demandées, en fait de merci, m'avait dit : "je te corrigerai les fautes." (!)

La dame est un autre cas. Trente pages, elle n'a pas même ouvert, un truc à avaler pendant que le café passe le matin... Je réalise qu'il y a décidément des gens qui lisent mal, à chaque fois c'est une re découverte. Celle-ci m'avait fait illusion cependant, elle voulait faire revivre le village, la ville c'était trop dur, trop bruyant etc... Tant pis. Un livre pour rien -car elle va surement le perdre, c'est évident, si ce n'est déjà fait-. Pas un gros.
Puis je file reprendre mes affiches avant de rentrer. Je suis calmée. Reste la question, pourquoi ce gus m'a-t-il foncé dessus? Un hasard? Volontairement? A-t-il un contentieux à régler avec moi? A-t-il voulu me faire peur? Ou plus simplement, avait-il fumé autre chose que des Malboros ? Ou tout cela à la fois?

  Il arrive que, sans y voir malice, des gens m'invoquent comme celle qui va régler leur compte à quelques petits -ou moins petits- filous. En fait, je me borne en général à leur donner le numéro de téléphone de Marie ou quelques conseils pratiques si je peux, par exemple pour l'aide juridictionnelle. Mais c'est régulier, qui me demande un tuyau contre un mari violent ou un compagnon incapable de s'occuper des enfants lors des week ends où il en a la garde... tel celui qui les a laissés dans la rue devant le domicile de la maman tout une après-midi, parti avec des copains pour une virée  imprévue, il y a aussi une affaire de patron véreux, une grosse entreprise saccageuse, des chemin accaparés.. Bureau des doléances multifonction, me suis-je ainsi fait des ennemis? Malaise, léger... Sans doute est-ce un hasard c'est allé trop vite et je n'ai pas pu distinguer le conducteur.

Note : ces affaires qui ne concernent pas directement celles de ce blog n'y sont évidemment pas mentionnées. Certaines sont sur ce lien. 
 

LA SOCIÉTÉ NOUS A B., ON LA B.

Et là, devant la Mairie, je rencontre un couple de jeunes qui lisent ;  sympas. Lui toutefois, aigri par son renvoi in extremis d'un stage où il avait donné toute satisfaction, juste avant le CDI obligé, un classique, ce qui du coup lui a fait perdre ses droits, le "cas Dominique" en somme si j'ai bien compris n'a quasiment rien perçu pendant six mois pendant lesquels il a dû vivre de l'aide de son amie, jusqu'au procès qui va durer des mois ou des années dit-il... qu'il gagnera peut-être, ou dont il tirera quelques miettes, mais il en a assez, des papiers, des papiers... 
De plus, le temps lui manque, il travaille au noir -durement- et le revendique, que faire d'autre à part mendier? il est bon ouvrier, tout baigne et de toutes manières n'a pas le choix. La société l'a b., comme il dit, à présent, c'est lui dit-il qui la b.. Il n'a pas saisi que c'est justement en l'obligeant à la "flouer" que la société l'a b. comme il dit.
Il escompte bien continuer. Il me regarde comme une privilégiée et sa position est claire, désabusée, à chacun ses emmerdes, les siennes sont pires, je lui réponds sec que je ne lui demande rien et que son combat contre une injustice quasi "légale" n'est pas contradictoire avec le mien contre une injustice bouffonne sans doute illégale et que c'est parce que les victimes sont isolées, désolidarisées, qu'on peut les dégommer unes à unes. Je lui parle de Domi, qui était dans le même cas que lui, de mon article, de la fin "heureuse" de son histoire. Je me propose d'en faire un sur son affaire -je ne comprends pas tout, qu'il m'explique-.
Mais ni Domi ni ses confrères en exploitation ne l'intéressent, pas plus qu'un article. Il répète qu'on l'a "b". et qu'à présent il fait de même et ne pense qu'à ses affaires, le reste il s'en fout et un papier n'y changerait rien, illustration parfaite de l'attitude de ceux qui, croyant se révolter, se comportent comme le veut le système, isolés, non solidaires, rigides, quasi obsessionnels et surtout malgré les apparences, mal à l'aise. A la fois honteux et ulcérés qu'on ait refusé de les intégrer, qu'on les ait "b"., ils se soumettent et se trompent de cible. Ainsi celui-ci conclut-il en déplorant les charges des patrons qui causent des licenciements en chaîne!

 
Note: il est possible aussi qu'ayant un peu dérivé, il ne tienne pas à voir son histoire mise en lumière, ce sont les plus désespérés dont on ne parle pas car ils ne le souhaitent pas. Considérant -à tort- que pour mériter que l'on s'intéresse à eux et à l'injustice qu'ils ont subie, il leur faut être nickels, ils redoutent qu'on ne les accable encore plus, par exemple qu'on invoque leur dérive comme cause de leur exclusion quand c'est au contraire l'exclusion qui les a conduit à ces consolations toxiques. Pascal et Domi, ayant, eux, résisté, ne craignaient rien d'une médiatisation, au contraire. 
Il faudrait l'aider. Mais il répète avec une insistance suspecte qu'il est très bien comme ça etc... Pardi, et surtout il ne lui faut pas s'engager, sinon les prestations, couic, il y aura toujours un papier qui manquera, c'est sûr.

On lui a "volé" son âme ou plus exactement la misère à laquelle on l'a conduit l'a contrait à la brader.
Sa compagne semble différente, plus réactive. Mais visiblement, ils n'ont qu'une envie, se retrouver seuls et peut-être boire un petit coup en privé. Ceux qui vivent des situations de pseudo exclusion -ou qu'ils croient telles- ne sont bien qu'entre eux, une caste bien plus fermée que le Lyon's car ils ont honte devant ceux qu'ils jugent plus chanceux, même moi, dont ils redoutent la mésestime. Ils se voient peu, ne se connaissent pas, ne cherchent pas à s'ouvrir à leurs autres confrères en exclusion.
 Aucun des deux par exemple n'avait entendu parler de Dédé ou de Pierrot dans une situation assez semblable pourtant, qui vivent à un jet de pierre. Les ouvriers sont -relativement- solidaires dans leur usine, les profs, dans leurs lycées, pas les chômeurs isolés contraints à la débrouille, à la semi illégalité, indifférents aux drames de leurs collègues et qui parfois même au contraire se tirent dans les roues. Se croyant marginaux, ils sont en fait indispensables, épurant aussi les besoins de la société -surtout des femmes- qui ne trouvent jamais une entreprise pour réparer UN robinet, UN pan de fenêtre, UNE vitre... Dix, oui. Pas un. Toujours la même formule agaçante : "Vous n'avez pas de mari?" Et allez. Une fois j'ai répondu, exaspérée, "si, mais purement décoratif." 

Dimanche 22 août

Relâche ! Le choses de la vie quotidienne, laissées en suspens, sans intérêt ici... et même en général. Il le faut.
Lundi 23 août

DADOU

Un événement imprévu, étonnant. Unique, du moins à ce que j'ai vu -mais je n'ai peut-être pas tout vu-. Un ''copain'' -pour faire simple car le terme n'est pas tout à fait adéquat- passe devant mon affiche. Dadou. De santé précaire malgré les apparences, lourdement chargé, il s'arrête pour souffler... Et je me lève pour m'enquérir de sa rate qui le préoccupe toujours, il est un peu hypocondriaque. On bavarde comme d'hab et je sens un léger malaise. Que se passe-t-il ? Ses analyses ne sont-elles pas bonnes, car il passe son temps dans des laboratoires et les cabinets médicaux et c'est son principal sujet de conversation. Si si... Ça va... Rien au sujet de sa rate, mais il finit par m'avouer qu'il a peur. De quoi ? Mais de quoi ? Il se justifie laborieusement : ''Je n'ai pas que des amis et... ils sont en poste et très vindicatifs, je risque pas mal d'ennuis" bref, il ne tient pas à en faire les frais lui aussi, évidemment lorsqu' ils n'y seront plus, ça changera tout mais pour l'instant. On se quitte donc vite fait ; chose exceptionnelle, il n'a même pas pensé à me parler de lui, c'est la première fois. Stupéfiant. Dire que je ne me pensais qu'à sa rate en voyant son visage fermé. Finalement, le totalitarisme, c'est cela, un visage non pas hideux, la gueule de cinéma à l'hubris inquiétante mais tout simplement un pauvre homme auto terrorisé sans aucun objet qui cependant se montre plutôt dynamique et généreux d'habitude, volontiers contestant et bien plus ''hard'' que moi, lucide, sans illusions. Il est le seul cas à ma connaissance, du moins direct. Fragile ? non, malheureux, si, mais ça n'a rien à voir. Il est français, célibataire, travaille, tout baigne pour lui à part sa rate, il n'y a donc aucune raison, du moins que je ne sache, à cette pusillanimité. C'est une intimidation qui ne dit même pas son nom et qui n'a pas de cause qui se suffit du silence et de la discrétion. A vide, le must, en somme. Encore est-il honnête, il aurait pu feindre de détester le bleu de ma fresque par exemple... Le cas est unique, mais peut-être ne sais-je pas tout. A contrario, il m'arrive aussi d'interpréter et j'apprends parfois après coup qu'un tel qui ne m'appelle plus du tout -sans doute est-il gêné, ne veut-il pas prendre parti- est en fait hospitalisé depuis tout ce temps pour une affaire autrement plus grave.

Malaise. Il est vrai qu'il n'est pas tout à fait d'ici dit-il pour se justifier [d'un bled à 8 kilomètres, ce n'est pas pareil] alors forcément, il lui faut s'intégrer, montrer patte blanche. Ça devrait me faire rire, ce n'est pas le cas. Sans doute le décalage entre son allure, ses précédents propos et son attitude. Il a l'air si pitoyable, je le sens limite de l'agressivité si je le pousse. A moins que je ne sache pas tout sur lui, malgré moi je réfléchis et soudain, c'est le déclic, en effet, le malheureux a un problème, rien d'illégal bien au contraire, il est nickel sur le coup; mais il a sans doute besoin de tous et notamment des administratifs, un ''papier'', cela change tout.  

Que les ''victimes'', ce qu'il est incontestablement, mais pas du système en le cas, sont fragiles. Pour obtenir gain de cause, paradoxalement, on leur en demande des tonnes. Ils sont coupables d'être victimes, ils emmerdent par leur seule présence, et parfois revendiquent, c'est logique. La société leur ''doit'' -en le cas, pas de l'argent- et elle n'a pas forcément envie de s'acquitter ou avec réticences. Les lenteurs administratives en quelque sorte. Une relation ''douteuse'' et c'est est fait croit-il de ce qui va le tirer du pétrin, si peu de chose. Triste. Ce sont les plus démunis au sens large du terme -ici, le cas est un peu particulier mais ça revient au même- qui se doivent d'être les plus ''cleans'' donc parfois les plus lâches. Lui n'y est pour rien, pas de marginalité ici, de ''black'', de factures en instances, d'appartement foireux, non, juste une terrible malchance qui lui est tombée dessus et le poursuit contre laquelle il se bat jusqu'à présent en vain.

Des belges, écœurés de l'affaire, je ne pense même pas à leur donner la pétition, encore estomaquée par la réaction de Dadou. Mine de rien, en ''fantasmant'' à mon sujet sur des ennemis nombreux et dangereux qu'il agite comme un fanion, inexact, ça j'en suis sûre, il finit par créer le malaise. Je lui ai répondu assez sec que le rapport des forces n'était peut-être pas tout à fait ce qu'il croyait, il lui en faut une couche de plus, il n'a pas le net et en ces cas la délicatesse, l'understatement ne paient pas.. S'exprimer sur le mode ''je sais beaucoup de choses mais ne peux pas tout te dire...'' est malsain, ou il dit, ou il ne dit pas parce qu'il n'a rien à dire, mais l'allusif est délétère. Il y a gros à parier qu'il veut simplement se justifier, plus mon adverse sera forte, plus son attitude semblera naturelle. C'est ainsi que l'on crée ou suscite ce que l'on prétend éviter. En toute bonne foi, parfois. 
  Par exemple, ceux qui ne cessent d'avertir ad pejorem les dissidents -dans des pays où le risque est bien plus important qu'ici- font ainsi le jeu de la répression, le pouvoir n'a même plus à bouger le doigt pour être obéi, ''ça'' marche tout seul par des messieurs bons-offices interposés. Parfois sincères.
Et malgré moi, je me demande à présent, qui? Personne, évidemment mais je regarde les gens autrement. Ça va passer dans cinq minutes... C'est ça la problème, on est tout de même affecté.

PRIVATISATION ET EDF 

Et évidemment, après, le ressac bienvenu, des gens des Pyrénées qui ont des problèmes du même ordre et me disent que je leur donne une idée, planter devant la mairie de leur bled et faire appel aux médias. Leur cas est burlesque, la mairie, délaissant les services classiques d'EDF, a fait installer par des potes privés à sa solde des poteaux et des lignes qui dysfonctionnent tout le temps, faisant claquer ordi sur ordi et quelques appareils électriques, pannes successives assez longuettes, ils en ont assez de la bougie. Et on les rembarre comme je le fus... Depuis un an, ils en sont au même point. Ils me donnent du courage et d'eux mêmes signent la pétition. Ça va mieux à présent. J'ai mis Dadou-Cassandre aux oubliettes.
Et puis un gus pittoresque, un parisien installé depuis peu à F., un endroit privilégié, exceptionnel, proche, vient carrément s'asseoir à ma table... depuis que ''ça'' dure -apparemment il a tout suivi bien que je ne le connaisse pas- il a une idée, pas mauvaise du reste et même excellente. A voir en effet. On va se revoir dans quelques jours.

 LA GUERRE DES BOUTONS

Quelqu'un a piqué mon affiche pendant que je parlais à des gens, triple zut, elle doit être à la Mairie, ce n'est pas possible autrement, personne n'est passé sauf le maire m'a-t-il semblé... Je vais y aller. Si ça continue, je ''crève'' l'abcès une bonne fois.
Note après coup. Évidemment je ne le ferai pas. Le can't, toujours. Je devrais titrer ce texte "soyez nature, gueulez!"
Robin était à Londres et va revenir, c'est à la fois bien et mal. Ne parvenant à se mettre au diapason, son quant-à-soi le défausse, se mettre en évidence, lui qui l'a toujours été familialement et en même temps protégé, il ne le supporte plus, du moins de cette manière-là. La guerre des boutons version Kafka, par moment c'est aussi ça, ce n'est pas son truc. Son truc, c'est la Palestine. Du coup, il veut faire comme si tout était normal, la routine, des vacances (!) et dénie que ça ne le soit pas. Ce n'est pas qu'il m'en veuille mais enfin un peu. Je ne suis plus moi, mais l'ai-je jamais été, accaparée, quasi obsédée, avec des hauts et des bas... et ce n'est pas un des moindres aléas qui m'a, qui nous a été infligé depuis que je suis revenue, une maison démolie, un chemin ''interdit'', une facture indue prélevée sur un compte, celui-ci bloqué par moments, un procès fresque burlesque et pour finir cette occupation à la fois passionnante et éreintante, il ne reste plus rien de moi, de ma vie normale. Rien. Je l'ai choisi me reproche-t-il, qu'ai-je eu à revenir dans un bled dont j'étais partie depuis si longtemps et qu'au fond je n'avais jamais vraiment habité ? La vie est plus simple ailleurs etc... soit. Au Liban? Euh..
Il est vrai, ce village à présent m'a absorbée corps et biens depuis deux ans comme un gouffre dont on ne sait sortir, plus on s'agite et plus on s'enfonce même si ça marche, c'est le phénomène du ghetto. Au fond, ceci est dérisoire, combien de livres aurais-je pu écrire? de tableaux? Combien de gens intéressants, rencontrer? Ce n'est pas la forme aujourd'hui, malgré ou à cause de la venue des copains, je me sens intellectuellement vide, trop absorbée, avalée par ce village et c'est bien aussi, certains comptent sur moi -et d'autres, en tout petit nombre, me vouent sans doute aux gémonies-. Est-ce le gus d'avant hier et la manière dont il a foncé sur moi qui m'a troublée? Non, en principe je résiste bien aux stress violents. C'est normal qu'il y ait des hauts et des bas. Sans doute n'osai-je pas passer à la vitesse supérieure. Me mettre ainsi en avant pour ce qui au départ semble perso par moments me pèse aussi. J'ai plutôt l'habitude de conférences, de jury de thèses, un autre monde, la ''vraie'' vie, mais au fait, où est la ''vraie'' vie? N'est-elle pas ici ? Aussi… Redite, aucune cause n'est trop petite pour un humaniste, même pas la mienne actuellement.

Une affaire marrante -et pas si marrante au fond-
HISTOIRES DE POUBELLES

C'est la rencontre avec Jacques, de M. -un village environnant très touristique-, de mon âge à peu près, qui me la fait connaître. Il lit, me cherche des yeux, je me lève et lui donne l'adresse des blogs, mais il veut savoir tout de suite. Je lui explique donc en deux mots. Il s'intéresse beaucoup à l'histoire car il a en ce moment un problème assez proche avec la Mairie de son bled... Comique, enfin en un sens. Voici. 

Son voisin a installé depuis quinze ans ou davantage, à la limite de ses terres c'est à dire tout près de chez lui, une décharge sauvage de ferrailles et autres objets d'art qui ô stupeur, a reçu plusieurs fois, il y a longtemps des chargements de déchets d'hôpitaux venus d'Allemagne vite enfouis dans des fosses hâtivement creusées sans protection. [Je ris : s'agirait-il de ceux que nous avions ''arrêtés'' autrefois, avec des ''piquets'' de grève, du temps de la ''décharge'' de St B.? En tout cas, les dates coïncident.] 

Ça s'aggrave encore, le tas grossit démesurément, il proteste, la Mairie ne veut rien entendre car le patron, un classique, est un bon copain du maire avec lequel il a autrefois fait quelques affaires sur lesquelles je ne m'étendrais pas, rien de très-très grave, mais enfin, plus illégal, ça ne se peut pas, on se marre, ça fait très Clochemerle version maffia car tout cela est connu et accepté par les ''mcéois'' comme quasi normal voire valorisant, forcément ça rapporte bien et le gus est généreux. Lui aussi fait venir du monde en quelque sorte. Ses deux professions étant très lucratives, il est vite devenu un membre éminent et incontournable de l'establishment mcéois. Du coup, le maire, malgré les stocks de déchets qui s'amoncèlent ne moufte pas et tente même de diviser les mécontents, allant jusqu'à les briefer chez eux contre Jacques, ''Monsieur Dupré, il est pas d'ici, c'est un intello, il comprend pas les choses et il est un peu...'' Lorsqu'on lui a rapporté sans malice ces propos ambigus, Jacques s'est enquis, ''un peu quoi ? Un peu juif ?'' Non non, pas de racisme à M., ''un peu écolo seulement.'' Ah bon. Une tare? Pour les ''mcéois'', on le croirait. 

Seulement voilà, à présent, le déchargeur, sûr de l'impunité, exagère, Jacques, pugnace, perd patience et au fond le maire aimerait bien se débarrasser de ce ''dépôt'' pas très attractif pour le tourisme mais n'osant affronter son compère, il se défausse sur le lampiste ''un peu écolo''. Montjoie, Saint-Denis, sonnez trompettes, l'autre a aussitôt rassemblé sa meute et du coup, Jacques a reçu des menaces de mort, de la part de gitans dont à M. certains jouent volontiers les seconds couteaux. Au fond, malgré son sourire et la manière légère dont il en parle, il ne manque pas de cran et l'affaire finalement n'est pas aussi drôle qu'elle paraissait. Mourir pour préserver un site d'un margoulin-pollueur-comparse-d'un-petit-maire-ex-hors-la-loi ? Je ne sais pas, ''Clochemerle'', ''Caltaniseta'' et ''Les Visiteurs'' à la fois. A suivre.

Aline vient aux nouvelles, elle craint que son mari ne m'ait froissée lorsque je lui ai envoyé mon blog sur les gitans et qu'il m'a répondu que la France était le seul pays qui ne filtrait pas les entrées des gens sur son territoire. Je ne suis pas froissée, goddamned, j'ai entendu bien pire à Vitry, je me suis bornée à lui répondre que, pour les peuples racisés et surtout les africains, nous sommes le pays des Droits de l'homme et qu'il fallait nous en montrer dignes, noblesse oblige en quelque sorte. L'expulsion des roms, sur ce coup, dont même le New-York Times a parlé, c'est la honte, quoi. Elle est assez d'accord, dans certains couples, on a parfois deux bords opposés et au fond c'est bon signe même si ça chauffe.
Mardi 24 août
LE KING

Un peu de temps perdu pour aller acheter la cuve de récupération d'eau. Ça m'en économisera pas mal, pas forcément pour boire, à moins de faire l'acquisition d'un système de filtration comme Sylvie, dont il semble qu'il ne soit pas tout à fait fiable... bien que l'eau soit délicieuse, rien à voir avec celle que l'on boit dont le goût de javel auquel on a fini par s'habituer petit à petit est infect. Un hic, il est hideux. Vert caca, il faudra le peindre. Ça prend tournure. 

Je vois le maçon toujours égal à lui-même, qui n'a toujours pas effectué les réparations de l'escalier, il me dit qu'il viendra samedi prochain, le 5 septembre. Mais je dois l'appeler avant, il fait le complexe du Prince à sa cour, on doit le ''mériter'' en somme, le prier, je lui fais remarquer que lorsque je vais faire cours, je ne demande pas à mes élèves de m'appeler avant... Et il rétorque alors, toujours à sa manière coq à l'âne pour déstabiliser l'adverse, par une question ''n'y a-t-il pas chez moi des types qui squattent?'' il a vu du linge sécher etc... Je lui réponds aussi sec que ça doit être mes amants qui sont nombreux et j'ajoute que je ne m'occupe pas de ses femmes, qu'il ne se soucie donc pas de mes mecs. 

Relations bizarres, sympathie et exaspération des deux côtés mais moi je ne le cache pas. Un jeu assez étrange de deux adversaires de force égale qui en un sens s'estiment malgré tout, bien que le rapport de forces soit presque toujours à la clef. Redoutable manipulateur sous ses dehors bonasses, il adore naviguer dans les récifs qu'il évite relativement car il en fut un qu'il n'évita pas et surtout faire se télescoper des navires parfois de plus fort tonnage... 

Son talon d'Achille, il tend à sous estimer l'adverse, surtout s'il s'agit d'une femme. Je fais l'inverse, comme toutes, ce qui me rend parfois plus avisée mais aussi me bloque. Pas toujours. Un personnage intéressant pour un auteur, un acteur qui a bien fignolé son personnage, le ''king'', ainsi aime-t-il être appelé, payant volontiers la tournée dans les bars, tutoyant tout le monde, donnant des conseils, rendant service et recrutant parfois. Amateur de bonne chère, de vins fins et de femmes, il pose toujours, lorsque quelqu'un l'interpelle, il n'entend pas, obligeant l'autre à s'approcher ou à crier, parfois, il ne sort même pas de sa voiture, j'ai dû un jour l'exiger. Et lorsque tout va trop bien avec un ouvrier -ce qui parfois ne lui convient pas- il s'arrange pour rétablir la situation, envoyant par exemple le quidam chercher quelqu'outil dont il affecte avoir besoin ''et vite car j'ai à faire'' ou le changeant même de chantier. A la base, il est toujours en retard aux RV, c'est un principe. Ou il a ''oublié''. Et lorsqu'il consent à une date, c'est toujours sur le mode allusif des altesses, ''je serai au Rex dimanche.'' A quelle heure? ''Dans la journée, j'y passe toujours...'' (!!) Comme Yann, lorsqu'il est avec quelqu'un, il aime beaucoup en saluer un -ou plusieurs- autre ou mieux, faire en sorte qu'un client -au sens romain du terme- suscité par geste vienne vers lui et alors il bavarde longuement avec le quidam de tout autre chose en laissant le premier en plan. Le téléphone également lui permet de se positionner en Napoléon et il arrive fréquemment que, pendant une conversation qui soudain l'embarrasse, il s'en saisisse pour appeler quelqu'un ou consulter sa messagerie, ''mais je vous écoute''... Cela vaut sans doute pour les deux clients, le second n'ignorant rien des vastes sollicitations de celui qui lui a fait l'honneur de l'appeler tout de même, une pierre deux coups. Autre principe, il ne répond jamais directement aux questions, il faut insister, sans s'énerver mais ferme et même alors on n'obtient en général qu'une onomatopée amphibologique, "mmm".. "peut-être".. "c'est à voir".. ou, soudain devenu modeste, se défausse sur quelqu'un "faut voir avec P., moi je suis que le maçon". Il ne parle pas, il mmmte. Il se sert aussi d'amis, de clients les uns contre les autres.
 Mais lorsqu'il sent que ça risque de faire un clash, et il décrypte assez bien les signes et ajuste vite son comportement au chaland en face de lui, alors, il a un truc imparable, c'est l'hôpital qu'il va appeler, il est malade, ses analyses. Le voir agir est une délectation.
De fait, il a réussi -sans forcer- à recruter une de ses ''victimes'' -indirectes certes- contre qui la défendait, le must. En a-t-il tiré bénéfice ? Ce n'est pas sûr, peut-être tout de même car il se peut aussi qu'il ait agi pour la beauté du geste, contrairement à ce qu'on dit, il ne tient pas tellement à l'argent. Au fond il est un romancier en actes, un auteur qui, n'écrivant pas, agit, observe, crée in vivo on propre roman dont il est le héros qu'il cisèle avec soin. Sans doute jubilait-il de voir et de participer par dessous au combat de la chèvre contre Dom Juan... et fut-il charmé qu'il nécessitât sa participation active. L'infléchit-il discrètement à sa manière pour qu'il fût plus équilibré? Ce n'est pas improbable, mais je le surestime peut-être. Si c'est le cas, le fit-il par souci de justice, par jeu ou par intérêt perso, car son entrée en lice le posa assez haut ? Cela peut être les trois. Je verrais plutôt le jeu car malgré son travail éreintant, au fond, il s'ennuie et adore se plonger dans les histoires des gens; savoir tout, même de l'anodin, c'est ensuite pouvoir agir à meilleur escient.Tout est bon.  

Il n'empêche qu'il est venu lui-même s'assurer de la solidité d'un échafaudage sur lequel je travaillais à 5 m du sol et dans un escalier, qui avait été posé par deux de "ses" hommes... Descendez que je voie ça ! et l'ayant trouvé mal assujetti, il l'avait refait proprement, là, ça va, rien risque.. et qu'il fut un des rares -voire même le seul- à se soucier des chatons abandonnés que j'avais recueillis et à leur apporter des boîtes de pâtée. J'ai tenté, sans grand succès de témoigner en sa faveur pour une affaire qui n'a rien à voir ici, soulignant le courage et le savoir-faire de celui qui avait su redresser un énorme mur en pierres penchant horriblement vers le vide et en sauver un pan. Pour ce faire, il a néanmoins risqué non seulement sa vie mais aussi celles de "ses" hommes, jeunes, eux. Il a pourtant une cote d'enfer parmi eux car devant les bourdes parfois faramineuses des apprentis, il est tolérant et se montre toujours prêt à les aider sur tous les plans. Il est le père, c'est ainsi qu'il se veut. Étrange personnage, séducteur, intéressant qui eût été un auteur remarquable et à défaut joue sa vie comme un roman.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire