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samedi 13 mars 2010

Extraits. Morosité. Des femmes battues, humiliées qui retournent une fois pansées chez le cogneur

Pas facile aujourd'hui. Dany, la copine de Monique, enceinte jusqu'aux yeux, toujours triste, résignée, celle qui a réussi à virer son mari, qui ne cesse de lui tourner autour, un tout jeune type qui a l'air gentil pourtant [sauf lorsqu'il me regarde en ce moment.] Non il ne la cogne pas précise-t-elle comme s'il s'agissait d'une rareté mais il l'exploite et ne fait que boire et jouer. Elle est épuisée, c'est son quatrième, elle a l'air plus âgée que lui mais ce n'est pas le cas. Elle a peur pour ses enfants, quand il est ivre et de surcroît en colère contre elle, on ne sait jamais, il l'a déjà menacée de s'en prendre à eux. Porter plainte, prendre un avocat, demander des témoignages, au moins celui de Monique, son quartier c'est Naples? Elle ne le fera pas c'est probable. Le gars est passé en voiture sur les chapeaux de roues et me fixe de loin avec une haine prégnante. Fatiguée moi aussi. Heureusement, elle part, elle doit préparer le repas... espérons que ce n'est pas pour lui.

Cette soumission transformant les victimes en complices de leurs agresseurs est le plus haïssable de ce qu'elles subissent; difficile de les défendre car c'est les exploiteurs que l'on défend avec, on ne sait plus où on en est

Cela s'ajoute à l'affaire Nina. Elle qui "tenait" le bon bout, attestations etc.. au dernier moment, n'a pas osé aller au tribunal, "elle ne pouvait pas, elle n'avait pas peur, pas du tout" (!) mais tout de même c'est son mari... elle n'arriverait pas à parler, on allait se moquer d'elle, elle ne fait pas le poids etc.. "les juges sont toujours du côté des riches." De quoi devenir fou, comment pourraient-ils la défendre si elle ne se présente pas? "Il est trop fort, il va se venger." Elle a fait de cet insignifiant une sorte de Prince Noir, mieux vaut être humiliée par un grand, ça atténue. Cela revient de manière récurrente, loufoque. "Il a le bras long si tu savais etc.." Et pourtant ses rodomontades, il est facile de les démonter sur le net; rien à faire, elle n'y croit pas ou un instant seulement et peu après dénie, résultat de 15 ans de bourrage de crâne intensif qui s'est exercé aussi sur son entourage qui ne la soutient pas vraiment. Idiote? Non, même sa sœur instit tempère et ne "me" concède qu'un peu d'exagération, pour elle aussi, il vaut mieux que son cogneur de beauf soit prestigieux. Une secte. Une toile d'araignée qui la détruit, les détruit. Avec leur consentement. 

Comme Dany, elle semble conditionnée à une sorte de paranoïa fataliste : la vie est dure, tout le monde est cruel envers eux, ils seront toujours en bas et les autres, en haut. Une part est juste mais ils en rajoutent des tonnes et s'enterrent vivants, inversant les cibles, vitupérant contre les "fonctionnaires", les juges "toujours en grève et du côté des puissants", les profs qui ne foutent rien, ils plient devant des bourreaux survalorisés. Peut-être pour Nina se cache-t-il là des questions financières (Dany elle n'a rien à attendre) ? Ce serait au moins un point si elle songeait à négocier sa discrétion contre une indemnité. Pas sûr. Et elle va se plaindre mais cette fois à sa voisine qui opine dans les lamentos, des heures, sans aucune idée concrète pour l'aider. On dirait qu'elles se se font une parure de leurs misères. Masochistes? Les hommes aussi. Pire peut-être car ils masquent leur détresse par des fanfaronnades, ce que les femmes ne font pas.

Luis me dit que je prends des risques. "Tu te fais trop voir c'est pas bon". Il ne faut donc pas "se faire voir", ça dérange, on doit être invisible. Le fait est: c'est toujours moi en effet qui suis en évidence et au dernier moment, certaines victimes qui lâchent.. ou pire, se retournent pour un crouton. Signe d'un système totalitaire que ces gens qui par peur n'imaginent d'autre révolte que des jérémiades à vide, qui n'ont pas même l'idée que la justice, les autres, subissant aussi ou non, peuvent les défendre.. et même se trahissent. Nina était exaspérée et moi aussi, un travail -pas énorme- mais pour rien. NON JE NE LE FERAI PAS a-t-elle martelé ajoutant cependant "du moins pas pour l'instant". Question d'habitude, se libérer est angoissant comme tout ce qui change. Tout compte fait, il faut parfois se battre pour des gens et contre eux, et en même temps (et contre eux, la lutte est bien plus épuisante) et éviter de devenir comme ceux qui disent "laisse tomber, en fait elles/ils sont très bien comme ça" y compris devant des cas extrêmes.. parce qu'ils n'ont pas envie de mouiller leur chemise. Indiscutablement c'est vers cette posture que je glisse. Déception. Peut-être suis-je inadaptable ici voire ailleurs, sauf dans un endroit où quoiqu'on fasse on passe inaperçu (comme dirait Luis, "ne pas se faire voir"). Trente ans d'absence pèsent.. et puis je n'ai jamais été ici qu'en transition, en vacances, sauf maintenant et ça ne me réussit pas vraiment; avant 3 ans on a peu de souvenirs.

 Cela aussi il faut l'accepter ou partir. Comme les immigrés, entre deux cultures, ici je regrette Paris et à Paris, les Cévennes. Des regrets limite de mauvaise foi, au bout de quelques jours, j'oublie ce qui est nible dans l'une ou l'autre région et ça oscille. Je ne suis finalement bien que sur l'autoroute. Mon cordon ombilical. Mais où est la lumière? Elle aussi varie. Cette grève m'aura appris, beaucoup. J'ai l'impression d'avoir perdu ma virginité. Non, il faut le voir à rebours: j'ai plutôt eu la chance de ne jamais avoir baigné là dedans. Quand on vient en vacances, tout est beau, on ne se rend pas compte.

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