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jeudi 3 février 2011

Le blog sans images partie 7

Différences de cultures

La fête... les gens attendent les chars. Certains prudents se sont garés... à 1 km ! Un gus en voiture avance péniblement, il y a au moins vingt centimètres de chaque côté mais il hésite...
Je me gare dans le village, une jeune garde municipale me demande gentiment ''si je compte rester'' je lui dis non, juste décharger, elle consent. Je trouve une place vers la gare, pas trop loin... Je m'installe sur le perron avec mon affiche, relativement discrète. Des femmes arrivent excitées avec des gamins qui boudent, ils préfèreraient les manèges, cris, disputes... J'ai mis mon chevalet un peu en évidence et je leur propose de le pousser car il gêne la vue, c'est elles qui ''s'excusent'' de me déranger et qui grondent le gamin assis derrière moi sur les marches qui balance les jambes... ''Tu déranges la dame, si tu continues, je vais aller te coucher''. Injuste, je n'ai pas plus de raison d'être là qu'elles.
Différence de culture, les gens ici sont tolérants, presque trop, c'est bien ce qui fait illusion. A Paris, je me serais faite disputer. Mais ils auraient lu l'affiche et l'auraient commentée... voire plus. Là, non.
Je me détache des obsessions quotidiennes; les désagréments ne semblent ne plus me toucher comme avant. Je ne retrouvais plus mon téléphone ni mon porte-monnaie -il y a ma carte bleue dedans- cela ne m'a nullement inquiétée, j'ai dû le laisser au Ranquet, c'est tout. On s'habitue au stress qui remet les choses à leur place. Ainsi après les inondations, mes locataires galeristes ultra maniaques ne se sont-ils plus souciés des consciencieux pipi de mon caniche aux quatre coins de leur beau cagibi, source d'innombrables remontrances : ils n'avaient plus de cagibi mais un tas gluant infect de boues et gravats sur lequel, plus que jamais fidèle au ''poste'', le petit poilu affairé, nez frémissant, levait à toute vitesse une patte puis l'autre. Ils ont même ri, ce qui était fort rare chez eux.
Passe l'inévitable, LE mimitant, je laisse le lapsus, c'est ''militant'' bien sûr, qui lit et m'annonce qu'il fait partie d'un comité anti chômage que je dois contacter d'urgence si je ne l'ai déjà fait... Il a occupé la bourse du travail en 2003 et me raconte, brièvement parce qu'il veut voir les chars tout de même... OK je vais les appeler tout de suite et là il précise qu'ils n' ''ouvrent'' pas avant septembre. Je me marre. Il me recommande alors chaudement le député Bidile-qui-fait-tout-pour-tous, une véritable multiprise, que j'avais déjà contacté et qui n'avait même pas daigné prendre l'appel... Pas grave, mais Géraldine, pour le foyer de jeunes travailleurs qu'elle dirigeait, menacé de fermeture, l'avait littéralement harcelé, elle le connaît fort bien car il a été son employé, en vain, il n'a jamais levé le doigt pour sauver les 70 immigrés. Ca s'était terminé assez ''hard'', j'y étais, "fils de pute" très exactement, la copine a du vocabulaire, et les types ont effectivement été jetés dehors. C'est ce que je tente de dire au ''mimitant'', encore faut-il l'empêcher de me couper sans arrêt, qui me répond doctement que ''sur ce point, il ne peut me fournir aucune information'' comme si j'en requérais. ''Mais je ne vous en demande pas, je vous en donne !'' "D'accord mais ça dépend, Bidile peut être excellent pour les coupures d'eau et d'électricité.'' Brave Bidile. ''Oui, mais les immigrés peu vendeurs, sont passés aux pertes.'' Je croyais l'avoir ulcéré, mais non, il a bon caractère et il signe la pétition en expert.
Pourquoi ont-ils tous ce ton scandé, gentil mais docte, répétitif, coupant tout le temps la parole, cette allure négligée, rouge et cette impudente innocence ? Celui-ci me cite pour finir une phrase -qui ne veut strictement rien dire- attribuée au ''Che'', son héros, un ''très grand philosophe'', la répète avec délices car j'ai dû avouer que ''je ne la comprenais pas'' et menace de me l'expliquer. J'ai été sauvée in extremis par le gong, les chars qui arrivaient. Bruit infernal. 
Les gens passent, peu m'abordent, ils sont occupés par la fête. Je m'en fous, je voulais juste être là. Je préfèrerais être à la maison.
Et puis finalement une bonne surprise, le panneau que je croyais volé -c'est une assez belle planche- a tout simplement été déplacé plus loin, visiblement par des gens qui voulaient qu'il soit plus en évidence ! C'est Dédé qui me l'annonce à sa manière un peu brute... 
Drôle de gars, intéressant, brillant, presqu'un ami, mais sous des dehors bravaches, un égocentrique obsessionnel comme jamais. Un être comme je n'avais jamais vu avant et qui ne se conçoit pas ailleurs. Un village fermé convient tout à fait à ce genre de rescapé de la vie. Il a sans doute dû faire de la prison, les gars, enfin certains, en sortent brisés, solitaires, effrayé par leur ombre et aussi imprévisiblement agressifs, parfois sans aucune morale pratique : c'est chacun pour soi, même si lui met tout de même les choses parfaitement à leur place, en théorie du moins. Il ne faut pas lui demander autre chose, son agressivité surgit alors immédiatement, incontrôlable. Je connais à présent le mode d'emploi. Au fond je l'aime bien parce qu'il ne se paie pas de mots.

''Ils devaient être bourrés, évidemment...'' dit-il de ceux qui ont déplacé le panneau sans observer qu'ils l'ont justement apposé là où il était bien plus visible. Pour tout ce qui ne le concerne pas, il ne daigne jamais exercer son intelligence pourtant redoutable, si bien qu'il se fourvoie sur tous sauf sur lui-même, sa propre introspection étant particulièrement fouillée, digne d'un psy pointu ou d'un philosophe. Les autres au fond ne l'intéressent pas ou plus, ce qui ne l'empêche pas d'être très sympa à condition qu'on ne lui fasse pas "violence" et pour lui la violence, c'est de lui demander de mettre ses actes en accord avec ses propos, si peu que ce soit. Témoin de quelque chose d'important -pour moi-, il m'a dit d'emblée, fort agressif -contre moi!- "je vous préviens, je n'ai rien vu, ne comptez pas sur moi!" -nous étions "amis" à l'époque et en un sens on l'est toujours- et à ma réponse hard "en ce cas, virez illico", il a changé de cap à 180°, sans se fâcher, j'avais des arguments, il fallait en tenir compte, profit et pertes, il devait juger que la perte ici excédait le profit. Que dire? Qu'est-ce dans sa vie qui l'a à ce point abîmé? Je sais, je devine. La prison mais autre chose sans doute. Cela ne l'empêche nullement de me parler de lui longuement, c'est intéressant, ce qui n'est pas le cas de tous, et vice versa du reste.. et d'éprouver pour moi une sincère amitié et vice versa aussi. Mais en 40, juive, je ne serais pas allée toquer à sa porte. Il faut seulement le savoir. Il a peur, c'est tout. Le cache parfois et puis finalement l'avoue car il est assez intello et n'éprouve pas la honte habituelle des mecs dans ces situations, ça doit être pour cela que je l'apprécie, en un sens, bizarre mais c'est ainsi. Comme on apprécie un beau chien dangereux et trouillard dont on se garde pourtant les soirs de pleine lune.
Génial, je récupère le panneau. J'ai donc ici des ''amis'' inconnus, discrets et efficaces car ce n'est pas la première fois que cela arrive. Ça me donne du courage.
La technique: de plus en plus, des gens sortent leur appareil photo pour prendre l'affiche et le blog avec. Plus de stylo, juste le numérique. Certains surfent directement. Plus de paroles non plus. En un sens, c'est bien. Ça repose.
Un peu triste aussi : la jeune et belle serveuse qui s'était souciée de moi -"où elle est la dame qui fait une grève de la faim?" avait-elle demandé un jour que je m'étais installée dans la petite salle où personne ne va- a quelques ennuis. Etre saisonnier n'est pas le pied. C'est la plus sympa, la plus ouverte et la plus intéressante de tous. C'est peut-être pour ça. 
Et une rencontre pour finir, le plus importante peut-être, le maire d'un village. Extraordinairement féconde à tous points de vue, tous les élus ne se ressemblent pas, je retire ce que j'avais écrit hâtivement. Sans doute décisive. Le moral soudain... Et la fatigue aussi.

Lundi 16 août

J'arrive tard, les blogs à corriger... vérif des visites, messages etc... Une rencontre avec deux femmes d'Arles qui signent la pétition. Que c'est facile avec ceux qui ont ''le net'' et combien les autres se sentent-ils et sont-ils exclus ! Deux ''castes'' se forment, ceux qui peuvent être informés au jour le jour, et ceux avec lesquels il faut passer par le direct, les discussions devant l'affiche, les explications parfois longuettes. Et encore ! Jeannot qui pourtant a le ''net'' -mais il le manipule mal- et me soutient depuis le début vient juste de ''découvrir'' l'affaire (!) en venant à la maison et en observant que le mur était REFAIT. Malgré nos discussions, il n'avait pas saisi, il faut à certains le réel, la vision directe de la chose pour que l'intellection se mette en marche et cependant c'est son village et c'est à un jet de pierre de chez lui. On est tous un peu ainsi, mais là tout de même. Cela explique qu'il ne s'intéresse pas à la Tchétchénie, ce n'est pas parce que ''c'est loin'' mais c'est parce qu'il ne la ''voit'' pas. La rue Désiré lui semble aussi éloignée de la place de la Mairie que Grozny et pas beaucoup moins distante que la Russie. La distance est dans la représentation réelle de la chose à partir de ce qui en est dit. Pour certains, la parole ne ''signifie'' pas [elle est insignifiante] ou plutôt ne ''représente'' pas [c'est une image vide]. Dire ''ma maison se démolit'' n'est rien ; la voir démolie est tout. C'est pour ceux-là qu'il faut une vidéo. Certes on est tous un peu ainsi mais là c'est extrême.

C'est peut-être la raison pour laquelle ''on'' répète beaucoup [une chose dite une seule fois ne compte pas] ou que les gens parlent parfois un ton trop haut [un événement exposé à plat n'est pas réel et ne saurait être dramatique] ou gesticulent, le geste est parfois déclencheur de la représentation donc de l'idée. Il faut donc y aller à coup de marteau. Cause ou conséquence ? ce sont les gens les plus démunis à qui il ''en'' faut le plus. Et justement Jeannot est dans une situation très difficile. En fait, il m'a soutenue par simple et directe amitié, de confiance; ceux pour qui la parole ne dit rien remplacent la réflexion par la foi. Ils ne ''pensent'' pas, ils s'alignent. Ça peut tomber bien ou mal. Une simple question de hasard ? Non, pas pour lui, il juge par les actes, signe d'une certaine sagesse. Je n'ai jamais forfait, je n'ai pas de casseroles = je suis ''bien'', dans un combat, il sera ''avec'' moi et fera ''siens'' mes ''ennemis''. Malaise tout de même. Certains peuvent aussi ''juger'' par la famille ce qui est profondément injuste. Ma famille est ''bien'' donc je suis ''bien''.

Qu'il est confortable de voir quelqu'un surfer directement et venir déjà informé signer. Du coup, on privilégie forcément ceux-là et on blesse injustement les autres. Les deux jeunes femmes me disent que j'ai du courage, sympa -mais inexact-. L'une d'entre elles a vécu [mais au travail] une situation qui hélas me parle et me touche : ayant aidé une collègue à attaquer le patron aux prudhommes [elle a gagné] elle a ensuite été harcelée par celui-ci avec l'aide de la femme pour qui elle avait ferraillé, liguée avec le boss qui tentait de la faire virer pour ''faute''. Ca me rappelle quelque chose (lien)

TRANSMISSION DE PENSÉE

Un couple toulonnais, ils lisent, lui surtout, fort attentivement, j'ai cru qu'il était prof, mais non... La conversation est si longue que je leur propose la pétition, mais ils veulent surfer avant. Puis, lui me dit avoir une sciatique, je lui indique le truc de la planche et leur parle des blogs et du succès de certains, en précisant qu'il faut ''enlever'' les visites -en masse- du Kurdistan... 
Et là, un événement stupéfiant, la conversation dérive sur ma visite et la manière émouvante dont j'ai été reçue, mon épuisement après l'avion de devoir répondre aux questions de tous accourus pour me voir, et en anglais etc... et la réflexion comique de Sathar qui demande à sa femme [la douce Sohar observe que je suis claquée et leur demande de me laisser enfin aller dormir] de ''me faire un café bien fort'' [mes yeux se ferment par moment] il avait tant à me dire encore sur ses combats etc (!) ... ET EXACTEMENT AU MEME MOMENT, LE TELEPHONE SONNE : C'EST LUI qui, à 1000 km, a l'air de vouloir s'introduire dans la conversation !!! Ca arrive parfois, surtout avec lui. Un signe sans doute, de quoi ? Je suis sa "sœur" officielle et chez les kurdes, ce n'est pas de la blague [il n'eût pas été convenable de voyager avec lui sinon]. J'avais souri de cette "proposition" [en fait, cet "ordre"] mais il faut croire  que ça a l'air de marcher. Transmission de pensée ? Les blogs? Quel est ce lien mystérieux qui le fonde à m'appeler juste à ce moment ?  
Toujours les mêmes histoires aux troquets, des saisonniers exploités, tout le temps renouvelés, des heures sup non payées etc... mauvaise ambiance, on le sent. Déçue de la part de certains, quoique j'ai eu quelques info significatives à ce sujet, mais issues de gens assez peu fiables. Sauf que là, l'info est en train de se croiser. 
Le monsieur au "respect" [voir au début] passe, sourit, et me dit: "respect", justement ! Je râle un peu : "qu'est ce que ça veut dire ? Dire je vous respecte c'est dire une évidence* etc..." Mais visiblement il a lu mon post-réponse (?) et il rectifie : "ça veut juste dire que vous vous débrouillez bien avec l'ordi." Donc "félicitations" OK. Décidément, je ne "parle" pas pour rien parfois -ni lui- et ça c'est bien. Rare aussi !
* Il m'avait reproché un passage du blog, depuis enlevé, en me disant "je vous respecte, moi... -sous-entendu je devais en faire autant-" et j'avais observé que préciser une chose aussi évidente était hautement suspect : c'était supposer qu'il pourrait ne pas le faire ou en tout cas se placer dans une position telle qu'il m'accordait OU NON le "respect"... C'était comme dire "je vous laisse la vie" etc...     
Il n'y a pas grand monde au fond si je compare avec mes souvenirs d'enfant -je ne vais jamais à la fête depuis la mort de Marguerite qui ne l'aurait ratée pour rien au monde...- à moins qu'à présent, j'évalue différemment le nombre de gens? 

Saint Thomas

Un cas: un St-Thomas, la cinquantaine sonnée, arrogant -ingénieur des mines me dira-t-il lorsque je le lui demande-... qui ''ne croit pas'' mon histoire, ''c'est trop énorme, voyons''. Le fait est. Je lui montre la facture, par chance, je l'ai. Il le ''croit'' puisqu'il le ''voit'' mais ''voyons, c'est une erreur''... Ca oui ! ''Et que dit le Maire?"  Je ne réponds pas, tanquée. "Parce que tout de même, le Maire est une personne morale, pas un quidam comme vous etc"... Il suffit de... en somme... Car vraiment, "il ne comprend pas et ne peut croire... etc... une erreur, vite réparée.. voyons noyons..." -je laisse la coquille-... Je me suis énervée. C'était sans doute son but, abruti à ce point, ça ne se peut pas. Il part en riant bizarrement. Un "asperger" borderline obsessionnel de l'ordre et de la hiérarchie ? Ca peut se trouver parfois chez les matheux, les juristes ou les policiers. Ou un homo refoulé viré misogyne intégriste ? Plus rare, et rien à voir avec les matheux, mais... Ou les deux? Mystère. Rare, unique tout de même. Malaise. Il est parti ne pouvant pas croire -ou le feignant-... en précisant "400 Euros, mmm..." J'ai rectifié "non, 4000" [discalculique? ça se trouve même chez des matheux] et il m'a répondu dans une veine très kantienne que "ça  ne changeait rien" en quoi il n'a pas tort.
Et puis à nouveau, une autre face de la vie : un copain retrouvé que je n'avais pas vu depuis 30 ans. Il ne vit pas ici et ne vient que très peu, deux jours par an, le 15 août. Il n'a pas changé, il est exactement le même, sympa, agréable, positif et snob. Je ressens devant lui exactement le même malaise -léger mais durable, disons après-coup- qu'autrefois. Le temps s'est arrêté. 

Pas une très bonne journée en somme malgré les deux arlésiennes. Ça arrive. Je pars vers 1 heure après le feu d'artifice -qui coûte combien?- et arrivée chez moi, trouve ma serrure bloquée. Quelqu'un a-t-il essayé de la forcer en vain ? culotté, avec les chiens derrière. Je tente de la débloquer, impossible. Je passe par l'autre porte mais le couloir est fermé et la clef est engagée. Impossible de la faire tomber. Démontage, un jeu d'enfant mais repousser cette foutue clef, niet... sauf que le bout apparaît au fond, très visible et après une dizaine d'essai avec une petite pince coupante pointue, miracle, un clac et la porte s'ouvre. Tout va bien. J'y ai mis 2 heures, et avec les phares pour la partie extérieure du boulot. J'avais appelé José et Frank mais ils étaient à la fête sans doute. Pas mécontente finalement d'y être arrivée seule. 
Cris me dit ce matin que "j'aurais dû l'appeler", je le rembarre, les discours "taraf" [mot iranien qui signifie "formels" ou "qui proposent quelque chose que l'on sait impossible"] raz le bol, il encaisse, le pauvre, je suis dure car ce n'est pas sa faute.
 

Mardi 17 août
LES LIAISONS GANGEREUSES

C'est mardi. Dans la boîte, une lettre retransmise par l'avocat de mon voisin, celui qui m'a assignée pour une affaire bouffonne juste au moment où je m'attaque à la mairie. C'est une amie d'ami, Micheline, que j'avais un peu aidée autrefois et qui, briefée, me tacle, un téloignage, je laisse la coquille, totalement hors-sujet, il fait avec ce qu'il a. Ce poulet n'a aucune importance pratique mais psychologique, une immense. Elle a donc cru ceux qui l'ont briefée et le dit naïvement [on voit ainsi comment ça s'est passé et ça la dédouane un peu.] En gros, tout ce qu'elle écrit est vrai, il y a juste une inversion des répliques dans la conversation qui lui a été rapportée. Un transfert impec, il est "moi" et me fait "lui". Le processus est banal, à quelqu'un de fragile, on relate des soi-disant propos d'une tiers à son sujet afin de le persuader d'écrire un poulet contre lui pour un procès qu'on lui a intenté... qui du reste n'a rien à voir avec les griefs suscités.
Vais-je devenir comme Frédérique qui tient à bonne distance ''ces gens-là'' tout en maintenant avec eux des relations polies, dosées a minima, petit sourire rapide lorsqu'elle les rencontre au supermarché et salut car Frédérique, malgré tout, mange et l'inconvénient de devoir faire ses courses est d'avoir parfois à côtoyer la gentuzza [encore qu'en général elle ne se serve pas aux mêmes endroits.] 

Après-coup, je comprends ce qui s'est passé pour Micheline et ne lui en veux même pas. On lui a retiré la garde de ses gosses, à mon sens injustement car elle n'est pas une mauvaise mère, juste une mère "addict" qui n'a pu s'empêcher d'avoir sept ou huit gosses et malgré un courage au travail énorme, n'a pu assumer perfect, personne ne l'aurait pu, ce qui n'empêche que ses enfants, elle les aimait. Mais voilà un ex sincèrement inquiet ou opportuniste, des assistants sociaux qui s'en mêlent -on savait bien qu'elle et ses gamins vivaient bohème, qui l'ignorait? mais tous avaient l'air heureux- et qui pointent les lessives en retard, du linge mouillé un peu moisi oublié dans la buanderie, des souris parait-il, les petits parfois pieds nus, pizza et au lit les soirs de fatigue ou devant la télé à minuit, la dernière-née légèrement malade etc, et soudain se dessine le portrait d'une mère infantile et incompétente. Lui présentait de meilleures garanties, forcément, il avait de la réserve. Du coup, elle cherchait des attestations -je lui en avais d'ailleurs fait une, comme à lui-. Une mère à qui on a retiré la garde de ses enfants est une proie facile.  

Au fond, l'éducation nationale protège. Ou est-ce ma famille? Les intellos, du moins les profs, formeraient-il un monde à part fait de gens dont la dignité morale qui me semblait naturelle [puisque je n'avais jamais rien vu d'autre autour de moi] serait en fait hors norme? Deux ''cas'' me sont tombés dessus il y a peu, le voisin que l'on sort du merdier et qui vous tire dessus juste après avec l'aide, -une lettre- de ceux qui l'y ont plongé [un marché de dupes car supposer que celui pour lequel on forfait n'agira pas de même contre soi lorsque vous aurez le vent contraire est d'une émouvante candeur.] Ça n'existait donc pas seulement dans des séries TV ou chez Shakespeare, ces figures. Ici, on a deux cas impressionnants, le voisin et ensuite, plus intéressant encore, la minime séide recrutée par lui contre moi, à qui j'ai aussi rendu un service -mais ici, un petit, juste un peu d'argent pour acheter une auto-. Ce qui est passionnant est que les propos méprisants que la recrutée me prête sur elle ont bien été tenus en effet... mais par celui pour lequel elle roule, qui l'a persuadée qu'ils étaient "miens" quand je me suis au contraire violemment insurgée lorsqu'il les a proférés devant moi à son sujet [une "caraque" etc..] On est bien dans le transfert. Autrement dit, le racisé inconscient épaule le raciste pour éreinter celui qui l'a défendu, tout comme le dolé soutient le doleur contre celui qui l'a tiré du pétrin. Deux fois de suite en somme, par ricochets successifs. Syndrome de Stockholm. Et en peu de temps. 

Qu'est-ce à dire? Le concept d'honneur ou simplement de justice se trouvant défaillant chez certains, il est alors remplacé par l'intérêt ou parfois la courtisanerie. Dans ma famille comme chez beaucoup de cocos, de vrais cathos ou d'intellos de gauche, la morale -qui ne disait même pas son nom tant elle allait de soi- sous tendant tous nos actes, on en était si pétris que je la croyais naturelle, commune. Les exceptions rarissimes que l'on ne pouvait éviter, les faits-divers, n'existaient pas vraiment, on ne s'y intéressait pas, "ça" se passait ailleurs, leurs sujets étaient eux aussi ailleurs, en prison sans doute ou en n'importe quel lieu où on n'avait pas accès et qui au fond lui non plus n'existait pas vraiment. A 62 ans, aussi invraisemblable que cela paraisse, j'ignorais qu'il existât couramment de tels personnages sauf dans la littérature -les liaisons dangereuses, par exemple mais il s'agissait de passion amoureuse, seule entorse envisageable dans certains cas rarissimes à l'honneur, et d'aristo dégénérés-. Erdal le kurde, amusé, "tu es une petite fille" (!) me l'avait appris. Le voisin et à présent Micheline aussi, mais là, en acte. Intéressant. 

Nulle méchanceté réelle ici, juste la souffrance et la peur de l'autre, surtout s'il possède un petit pouvoir, ainsi sans doute que le désir passionné de se hisser à une caste toujours inassouvi d'où frustration et haine. Cela part d'une fascination et au fond c'est poignant. Ainsi ai-je parfois haï mon père après l'avoir tant aimé en vain.
Volontairement, je ne veux pas aller devant la mairie ce matin. Il y aura sans doute P., que j'aime bien pourtant et je veux me débrouiller seule, comme pour la serrure. Orgueil mal placé ? peut-être. Mais où le placer au fait ? Ainsi n'aurais-je pas à remercier un politique. Je commence à m'endurcir. Est-ce un bien ? Peut-être. 

J'ai vu Mme Barrier qui m'a saluée comme d'hab. Au point où ça en est avec les ''mimitants'', je m'attendais presque à ce qu'elle m'ignore. Peut-être ne s'agit-il que du déchirement de quelqu'un qui a espéré une mairie de ''gauche'' depuis 64 ans. Il est difficile de consentir à perdre ses illusions à 78 ans. Ou elle a peur, elle semble sous l'influence d'une fille compliquée qui a eu quelques ennuis avec son ex, je ne sais pas tout et qui la briefe contre tout engagement non prévu, non conforme. Et cependant, mon histoire ne dit rien de précis sur la ''gauche'', seulement que certains qui se disent tels ne le sont pas, et ceux qui se disent de ''droite'', non plus parfois. Mais on préfère toujours avoir des amis que des ennemis évidemment, surtout s'ils sont maires. Je deviens de plus en plus dure c'est à dire lucide tout simplement, mais sans -trop- d'amertume.

CE QUI IMPORTE DANS LE DISCOURS, 
C'EST CE QU'IL NE DIT PAS

Une rencontre aussi, intéressante, un Monsieur qui me dit que mon attitude lui semble démesurée. Une grève de la faim pour ça ? Il ne comprend pas. Sans doute n'est-ce pas compréhensible ; il me cite Bobby Sands et là, j'embraye : Bobby a fait la grève de la faim parce qu'on les obligeait à vivre dans leurs cellules comme des bêtes et notamment qu'on les empêchait de se laver. On peut aussi dire -peut-être- que c'était démesuré, après tout, on peut vivre sale... Je crois que là aussi c'était -en bien plus grave bien sûr- une question de dignité. De justice aussi, comme pour moi. Pour quoi est-il légitime de faire une grève de la faim? Difficile à apprécier de l'extérieur. En gros, c'est lorsque l'on juge avoir été gravement bafoué dans son être quelle que soit la manière dont on l'a été et qu'on n'a aucun autre moyen autre de se défendre, du moins dans l'immédiat. En effet, j'ai jugé que mon affaire le méritait, à tort peut-être. Il me dit que lui effectivement a la chance de ne pas avoir de problèmes, il vit dans une maison isolée, n'a pas de voisins, une retraite et avec la mairie -les Mages- tout baigne. OK. Sans doute les didascalies pourraient-elles être inversées, je pourrais être lui et lui, moi. Le hasard, un ''bob'' -je laisse la coquille- hasard.

Ici, tout ne baigne pas et on est dans la zone. Il repasse et me dit qu'il n'a pas le temps aujourd'hui, la conversation l'a intéressé lui aussi et il reviendra demain. Je lui donne les blogs. Une observation : ce qu'il me dit et que j'admets tout à fait, m'a déjà été dit mais d'une autre manière mais inacceptable. Réflexion de qui cherche réellement à comprendre d'un côté et de l'autre, malveillance et tentative de culpabilisation et de déstabilisation, ça fait toute la différence. Mais peut-être est-ce simplement relié au fait qu'il est intello -donc a les mots et le ton- tandis que l'autre, qui m'avait accablée ne l'était pas... N'est-il pas injuste que j'aie accepté d'un ''pair'' ce que j'ai violemment rejeté d'une autre? Ce qui est important dans le discours, c'est ce qu'il ne dit pas : d'un côté j'ai "entendu" une certaine estime troublée et interrogative ne demandant qu'à être éclairée, de l'autre, la rage et presque la haine. Je ne sais pas, peut-être me suis-je trompée. Je m'en veux a posteriori vis à vis de certains.

DU COTE DE CHEZ MARCO

Marco légèrement handicapé, me dit qu'il est fou amoureux; bien ! C'est une femme qu'il a rencontrée dans un magasin, celle qu'il cherchait depuis toujours. Quelques secondes à peine. "Ça m'a fait comme un choc électrique -dit-il- comme si dans ma tête tout éclatait, comme si je me régénérais".. Il est si heureux, son visage s'éclaire. "Alors, tu la vois à présent?" ..."Non, je ne l'ai vue qu'une fois mais ça a changé toute ma vie"... "Mais tu ne l'as jamais revue?" ... "Non, jamais depuis"... "Et ça fait longtemps?"... "Oh, six ans"...  Je songe qu'elle ne doit même pas savoir ce qu'elle a déclenché, qu'elle ne l'a sans doute même pas "vu", lui... Quelques secondes... 

Manu ferme, je termine. Journée moyenne en somme... Les manèges sont partis d'un coup : comment trouvent-ils l'énergie de tout déménager constamment ? Plus personne soudain. Quand j'étais gosse, devant la tristesse et le vide qui suivaient leur départ, je rêvais de les suivre -je voulais être trapéziste et m'entraînais pour cela-. Au fond, à Paris, j'ai trouvé un ''15 août'' permanent, ça doit être ça... 

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