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mercredi 1 septembre 2010

Extrait. Résumé d'une saga. Journal presqu'intime d'une femme presque seule dans un pays presque civilisé





Un journal presqu'intime qui avec d'autres témoignages fera un bouquin et dont je livre ici la primeure du canevas, ainsi qu'à Midi libre-blog. La violence faite aux femmes, ce n'est pas seulement les maris/compagnons cogneurs, c'est aussi ceci. Lisez.

  


 



Tout va bien

2001. Je débarque de Paris à Attuargues après une séparation. Premier ennui, mineur, la toiture de la maison que nous avons achetée autrefois mon ex et moi, refaite depuis quatre ans à peine a laissé "fuir" un tel ruisseau qu'il y a un trou béant dans le plafond, par chance de la petite salle d'eau ! cela aurait aussi bien pu être au dessus du lit. Le maçon, depuis à la retraite ne comprend pas; un autre (car il y en eut deux) non plus. Mais celui-ci veut me faire payer la visite, je refuse, engueulade macho sur le mode cépamoicélotre, ziconéssérienmapovdam.. etc

C'est un ami [plus âgé de 20 ans, cela a son importance] qui trouve, ça vient d'un cheneau bouché par la toiture haute qui s'est "lavée" et se déverse en force sur la plus basse en apparence intacte ; je débouche, il répare etc... Et refuse même toute rémunération [je l'ai aidé autrefois pour des lettres, des démarches -évidentes et même marrantes- dont l'une lui a rapporté pas mal d'argent dit-il, magnifiant un boulot facile tout comme assure-t-il je magnifie le sien -il fut maçon-..] Il m'aidera beaucoup ensuite -sans que je ne demande rien au contraire- devenant du coup de plus en plus envahissant, un "père" omniprésent .. puis hélas tentera d'obtenir de moi une prestation complémentaire, me sautant dessus sans crier gare. Balancé contre le mur, il s'étonnera (!) quel mauvais caractère (!) il est amoureux.. et ajoutera qu'il y en a qui ne demanderaient que ça -c'est un petit notable parti de rien, bosseur, friqué, serviable et bien conservé-. Nos relations finiront là. Mais pour l'instant, tout va bien.


... Jusqu'à ce que des drogués/dealers me menacent, je les dérange, ils ont l'habitude de squatter le parking et même mon jardin, le soir, c’est désert et idéal pour les transactions; et les gendarmes passant à heures fixes, il leur suffit de s'absenter entre minuit et minuit un quart. L'un, délinquant confirmé déjà condamné à deux ans de prison ferme pour agression envers une femme mais qui se ballade toujours ouvertement dans le village (!) me menace hard, tente en vain de briser ma porte avec deux autres et affirme qu'il va mettre le feu à la maison... Je porte plainte, les gendarmes de l'époque (ça a changé à présent) se moquent de moi... et le plus souvent ne se déplacent même pas* ou après-coup, puis m'engueulent. Au même moment, le gus paye toutes sortes d’achats, notamment de matériel de serrurerie (!) avec une grosse liasse de billets de 100 F ce à quoi personne ne trouve à redire… Des projets de "serrurerie", un lascar condamné qui a tenté de pénétrer chez moi, n'a pas de travail, vit du RMI et exhibe des liasses de billets, tout va bien. Mais j'ai de bons copains d'enfance et il finit par fuir, non sans m'avoir menacée de mort comme d'hab. Peu après, il se fera presque tuer au cours d'une bagarre, beaucoup lui en veulent (un indic?) et se calmera, cerveau désormais en stand by...


Tout va bien si ce n'est un locataire d'un genre spécial, très BCBG, lui, et totalement insoupçonnable, qui est parti sans payer, que j'ai retrouvé, il vivait à côté sans se cacher (!) et qui m'a envoyée bouler d'un coup dans les seins au milieu de la rue, une chance, il n'y avait pas de voitures. A bout de nerfs et ayant compris comment cela fonctionne, je finirai par me venger ou plus exactement obtenir justice moi-même à la grande admiration de certains. D'autres locataires tout aussi BCBG ont, je m'en rendrai compte longtemps après leur départ, branché sur mon compteur une prise avec laquelle ils éclairaient leur jardin a giorno pour des soirées chics.. si bien qu'en la bricolant j'ai failli m'électrocuter. Idem pour l’électricien ayant refait toute l’installation qui a mis sous baguette des fils de terre vert et blancs en fait passe le courant. Réponse d’icelui "j’en avais pas d’autres, ma povdam, un chantier pareil avec des délais à respecter, si vous croyez que c'est facile.." On ne s'est pas grillés, tout va bien. 


Puis mon père, âgé, meurt... non sans avoir été plus ou moins circonvenu par sa gouvernante laquelle avait l'intention de me virer de chez lui c'est à dire de chez moi, ma maison familiale ; après lors nos relations s'étaient distanciées. Définitivement. Ce soir-là, je suis à Attuargues, attablée à la minuscule "terrasse" -en fait un simple trottoir- d'un troquet lisant, accablée, le livret des condoléances lorsqu'un gus, une baraque de deux mètres fort connue et surtout des services de police, qui va en prison de temps en temps pour les mêmes faits, agressions, toujours sur des femmes, ça ne coûte apparemment pas cher, alcoolo aussi.. me prend à parti, il voulait louer un appart, j'avais refusé et il m'en veut. Je l'envoie balader, il s'avance, renverse ma table, les rares clients attablés s'enfuient fissa, je file me plaindre au patron.. qui avec sa femme se retournent violemment contre moi et me lancent "si t'es pas contente takarestéchétoi et plus emmerder cekibosse". Le gars vient de leur acheter un pack de bière et contrairement à moi, c'est un méchant et d'un bon rapport. Un état d'amok soudain. Je file à ma voiture et [...] Tout s'arrange, la "terrasse" n'était pas trop légale voire même pas légale du tout, vendre de la bière, encore moins, et à un type de cet acabit déjà ivre, n'en parlons pas... Je suis calmée [..] Le lendemain, on me regarde soudain avec respect.

Tout va bien à présent, j'organise des séances vidéos notamment sur le Puits de Célas, ça tourne.. jusqu'au jour où je vois dehors un homme que je connais un peu, un ouvrier turc sans papiers, frêle, l'allure d'un enfant déjà âgé, voûté, perdu.. et lui propose d'entrer. Il parle à peine français mais le voir assis, morose, sur les bancs, à un jet de pierre de nous.. Et à la fin de la séance, pendant que je range la pièce, il me saute dessus. Il avait mal compris. Simple erreur. OK. Tout va bien.  

Vite fait, il y a aussi l'affaire Totophe, un SFF que j'ai trouvé un soir d'hiver glacé, bourré et en T shirt, devant ma porte puis hébergé.. ce qui, après un article de Midi-Libre et de la Marseillaise à ce sujet, m'a valu une gifle de la part d'un notable caritatif, médecin de son état, qui s'était senti incriminé, le papier reportant la réalité à savoir que j'avais essayé en vain de le/les joindre toute la soirée. Sans importance bien qu'une de mes incisives soit ébranlée, la vie de Totophe valait bien ça et j'étais, comme lui, devenue, à bon marché pour moi, l'héroïne du jour, le caritatif, ça paie. "Vous êtes formidable" me disait-on (!) "Pas du tout il était en travers de ma porte, pour ne pas le voir tout de même.." "Et en plus vous êtes modeste" on n'en sort pas. Tout va donc plus que bien.  


Mais il reste Sainte Gudule, mon village d'origine où ma maison se démolit par les soins d'un petit notable promoteur qui a voulu créer un ensemble immobilier mais s'est vu interdire de reconstruire, la zone est inondable, une histoire politique assure-t-il, c'est la droite qui lui en veut. Soit mais enfin ce monument épais en pierres de dix mètres de haut (!) se décroche sur une voie publique. Je lui demande, le prie, le supplie, d'au moins mettre des "jambes de sécurité".. ce qu'il me dit fermement être totalement inutile car il va reconstruire sous peu. En souriant: vouzenfétepamadamecérien. Un mois, deux, six mois.. Vouzenfétepacérien. Finalement ce sont les élections et c'est son fils (la gauche dit-il) qui passe... A nouveau, exhortations, rien ne bouge; le danger à présent est majeur -du reste mes trois sols vont s'effondrer peu après- et enfin, c'est le procès. Rapide. Il est condamné à reconstruire à ses frais. Ouf, j'ai frôlé la cata, n'ayant les moyens ni de reconstruire ni de démolir. 

Tout va bien enfin.. sauf que le maçon pote au promoteur dit le "king" fait ce qu'il veut sans et contre mon avis, après tout ce n'est pas moi qui paye donc je n'ai qu'à la boucler et remercier. Point. J'arrête alors le chantier hard, il menace de pénétrer en force, renonce en voyant mon chien.. et tout s'arrange enfin après une négociation judiciaire au cours de laquelle le jeune avocat que j'avais diligenté -et que je paierai tout de même- ne dit pas un mot. J'obtiens même des dommages intérêts ainsi que le voisin. Tout va plus que bien.


... sauf que le gars que j'avais défendu m'attaque illico en référé pour.. entre autre, un local mien qu'il assure mitoyen.. et se voit renvoyé pour ce chef, ouf, là aussi j'ai frôlé la cata. Ce revirement me perturbe un peu, un ami tout de même... Mais le résultat est qu'à présent l'histoire est tellement burlesque qu'elle en devient comique: de plus en plus de gens suivent les péripéties du feuilleton et, droite et gauche confondues, me soutiennent.


Tout va bien.. jusqu'à ce que mon compte soit saisi sur ordre de la Mairie pour une facture d'eau de 4000 E pour deux mois (!).. issue de cette maison précisément que je n'ai jamais habitée, forcément. Je fais une grève de la faim de six jours pour médiatiser l'affaire.. au cours de laquelle un forain -pas d'ici- rigolard, me croyant totalement démunie [pensait-il que je mendiais? peut-être] me propose carrément.. la prestation que vous imaginez, bien tarifée dois-je dire, il a l'habitude et je lui plais (?!) Une blague? Peut-être, peut-être pas. Question médiatisation, ça fonctionne relativement mais c'était couru, "ils" ne bronchent pas. J'attaque en justice sur les conseils de mon ex, "ils" font traîner, reports sur reports, puis on obtient une négociation qui me donne raison, "ils" refusent, retour à la case départ, reports encore et enfin un procès qui me donne raison également, "ils" font appel, reports, etc..  On en est là.


Conclusion: être femme dans un village ici (ailleurs peut-être aussi) et "seule" c'est à dire sans mec ni fratrie est une situation, je pèse mes mots, effroyable et mortifère. Même lorsque l'on est costaud et débrouille. A venir donc un livre de plusieurs témoignages, le cas n'étant ni unique ni le pire.

Observons tout de même que des solidarités de tout bords, tout milieux sociaux et toutes portées ont pesé en ma faveur, des amis, des gens courageux, des inconnus le plus souvent, mon ex, parfois même des politiques et non des moindres -parfois, qui sait? pour des raisons peu avouables-.. sans lesquels je ne m'en serais jamais sortie. Ruinée et jetée aux orties en cinq sec. Simple. A moins de se maquer costaud comme le fit une jolie gérante de maison d'hôte d'Attuargues qui du reste n'y gagna rien car le protecteur finit par la tabasser elle. Trois ans après, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.

D'autres m'ont au contraire tourné le dos, des amis parfois aussi autrefois et même des militants ; opportunistes, seulement idiots ou les trois à la fois. Mieux vaut être du côté où penche la balance, ou encore mieux, d'aucun côté, mais lorsqu'il s'avéra qu'elle ne penchait pas du côté qu'ils avaient cru, certains sans gêne aucune virèrent de bord, j'avais eu raison, j'étais une femme courageuse, exceptionnelle, douée d'un talent littéraire remarquable (!) Cela filtre et finalement j'y ai plus gagné que perdu..

.. et en tout cas beaucoup appris, en tout premier lieu que l'égalité hommes-femmes voire même l'idée seule que l'on croit acquise, évidente, toute proclamation semblant ressassement maniaque, cette idée est absolument théorique en certains lieux, pas en Somalie mais ici et maintenant, dans des lieux en apparence civilisés et ensoleillés dont la pratique est.. ce que l'on vient de voir**. Cela se résume en une phrase qui me fut rapportée -pour être honnête venant d'une femme- "elle est seule, sans mec, frère ni soeur, personne ne la défendra, on s'en fout, son histoire, ça fait bien rigoler tout le monde!" Candide cruauté d'un "complexe social majeur" selon la formule d'une ex amie médecin?

Contre exemple: un pote, pas un tendre lui, dans des circonstances analogues, employa après m'en avoir entretenu brièvement ["tu vas voir ça va se régler entre homme et fissa"] l'argument que j'appellerais "cric de manivelle" et en effet tout fut résolu illico. Contre 10 ans d'infinies tracasseries pour moi parce que femme. Ce temps perdu qui par moment m'a conduite à vouloir laisser tomber et fuir, je le dois donc à ma seule féminitude, encore est-elle tempérée par la culture, des amis fiables, une insertion familiale impec dans un village féodal où l'on est davantage "la fille/nièce de" qu'Hélène, une relative aisance à la démerde et paradoxalement une baraka d'enfer***. On se demande pourquoi les femmes, réussissant mieux dans les études sont pourtantà diplôme égal ou supérieur moins performantes socialement que les hommes !? Elles ne le sont pas, elles y sont contraintes. Pour cela. 

Un avantage pourtant : lorqu'on est a priori considérées comme idiotes, "ils" ne cherchent pas trop à peaufiner leurs arguments pour nous charger et parfois ça leur claque à la figure. C'est l'atout de l'intelligence contre la bêtise et celui-là, il est nôtre, du moins ici il le fut. Sans forcer. Sachez-le. Usez-en. La fin etc...

Hélène Larrivé 

* Dans exactement les mêmes circonstances, Bernadette Dartus (lien) qui eut moins de chance que moi, fut brûlée vive, les gendarmes n'ayant pas pris au sérieux les menaces dont elle était l'objet de la part de drogués qui squattaient un terrain jouxtant sa petite maison de week-end isolée dans la garrigue de Nîmes où elle aimait venir seule se ressourcer. Une femme qui ne pourra témoigner ici et à qui ce texte est dédié. C'aurait pu être moi, le simple hasard, une porte de couloir à l'arc boutant digne du Moyen âge qui résista à l'assaut de trois drogués en état d'amok, une bâtisse plus costaude, moins isolée, plus haute.. l'hiver ?


** Ainsi, écoutant une femme chaudement approuvée par deux autres -de 40 à 65 ans- dire à propos de son divorce "je n'ai rien à me reprocher, moi, pas comme certaines".. je compris après-coup que cela signifiait qu'elle s'était mariée vierge (!) et n'avait jamais trompé son mari (!) qui lui ne s'en privait pas, ce qu'elle acceptait avec philosophie. "Les hommes sont tous plus ou moins 'coureurs', c'est normal, surtout dans sa position (!).." Des femmes dépendantes un peu limitées? Pas du tout, des commerçantes -libraire pour l'une- bosseuses et hyper performantes, menant ou ayant mené enfants, famille et boulot sans faiblir un instant. Une autre, clamant dans la même veine que son mari, lui, n'était pas macho pour deux ronds en donna pour preuve indiscutable qu'elle avait même le chéquier dont elle faisait absolument ce qu'elle voulait.. une merveille d'homme. Un détail, dans le couple, elle était seule à travailler. Un autre monde qu'il ne faut pas oublier car il pèse terriblement lourd, aussi lourd que les femens (lien avec  le journal d'un salaud, un polar social.)

*** On aurait parfois cru qu'un bon génie veillait: ainsi la voisine et plus ou moins gardienne d'une résidence, amie de celle que je recherche -elle détient des documents fondamentaux pour le procès qui m'oppose à la Mairie- s'avère-t-elle une cousine que je recherchais également.. et elle la briefera pour qu'elle me les fournisse enfin.. la lectrice aimable ("Secret de famille" a changé ma vie me dit-elle d'emblée, ouahh!) rencontrée lors d'une minable signature (à Cora!), juriste de son état.. s'avèrera-t-elle l'épouse d'un avocat connu qui me tirera d'affaire devenu/s depuis ami/es etc.. (!)

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