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samedi 29 janvier 2011

Le blog sans images partie 10

LA MÉMOIRE DU VILLAGE 

Paul est passé et me réitère sa solidarité, il se dit détenteur de la mémoire du village, une ''jeune'' mémoire tout de même mais bon... Selon lui, les manouches tiennent le village -je n'en suis pas sûre- qui est extrêmement gitanisé et ils obtiennent ''tout'' en échange de leurs voix. Il semblerait qu'ils se soient implantés ici parce qu'un maire autrefois, craignant d'être en ballotage aux prochaines élections, lequel ? serait allé les recruter aux Saintes et leur aurait promis un terrain et quelques avantages appréciables. C'est ainsi dit-il qu'ils sont arrivés en masse et se sont pour la plupart sédentarisés. Je ne suis pas trop d'accord, ils sont traités avec un immense mépris pourtant, "caraque", à l'origine ce n'est pas péjoratif et provient sans doute du turc "noir", est à présent une insulte, tout comme "ouali" qui signifie "femme" en sanghô est devenu synonyme de "putain" dans la bouche des colons puis des africains eux-mêmes, si bien qu'ils emploient à présent le mot français. Gratuité de l'eau, de l'électricité? Peut-être, pas sûr que cela perdure à présent, mais vivre près d'une station d'épuration qui pue n'est pas le must. Il me répond qu'ils sont culturellement habitués et tolèrent la mésestime, désireux "de b qui les a b.", toujours la même formule et que finalement ils vivent ici sans trop bosser et fort bien, occupant des ''charges'' quasiment familiales notamment à la mairie. Il faut nuancer, ces charges n'ont rien d'exaltant et il semble que parmi eux certains soient exclus et d'autres privilégiés, c'est toujours la même histoire. Et de toutes manières leur salaire est très faible. Oui répond-il ''mais justement, il y a d'autres avantages occultes.'' Soit. Sans doute doit-il y avoir les deux et ne faut-il pas généraliser. Je campe ferme sur ma position, c'est un peuple racisé et les quelques miettes que l'on concède à certains ne remplacent pas leur dignité éprouvée, il n'est que d'entendre avec quel mépris certains parlent d'eux et mesurer avec quelle force Roger par exemple récuse sa gitanité cependant connue et évidente, un déni ambigu du reste. Hier, lorsque j'y ai fait allusion, il m'a rembarrée comme jamais, ''je suis français, j'ai une maison à moi, je suis propriétaire, les gitans d'ailleurs on l'est presque tous'' etc... J'ai dû lamentablement me justifier, ''mais je ne disais pas ça en mal etc..'' 
Plus grand monde. En un sens, ça repose aussi. Moins de ''beaufs'', quoi...

Mercredi 25 août

Le blog ''tziganes'' marche du feu de Dieu, un bon signe, les gens se sentent un peu culpabilisés sans doute, visites massives de Hongrie, les hongrois ne doivent pas être très fiers... dans ces cas, on applique volontiers une autre appartenance à celui qui fait trop mauvais genre, comme les parents, de l'enfant prix d'excellence disent chacun ''mon'' fils et du délinquant, ''ton'' gamin. Je gage que la Hongrie n'a pas fort à revendiquer d'une telle paternité d'origine... Les curés remonte dans mon estime à la vitesse V, un certain prêtre avoue avoir prié pour qu'il meure, trop mignon et même le pape a poussé son coup de gueule. L'art de se faire des amis, quoi... 

DES CONFRÈRES EN FACTURES D'EAU INEXPLICABLES

Un couple, elle beaucoup plus jeune que lui, accablé de chaleur... et d'autre chose. Ils mettent du temps... mais finissent par cracher le morceau : eux aussi ! ''On'' leur a parlé de mon cas etc... Viennent-il exprès ? Ils ne me le diront pas, il est clair qu'ils se méfient... comme si nous étions des ''challengers''. Une facture d'eau ? Mmmm oui. Inexplicable ? Mmmm oui. Payable ? Mmmm oui. Avec délai ? Mmmm c'est à voir... Sauf que là il y a une variante, on leur a nettement fait comprendre qu'ils n'étaient pas d' ''ici'', juste depuis dix ans, ça ne compte pas. Écœurés et fatalistes, ils ne semblent pas disposés à se battre vraiment à moins qu'on ne les porte, ils ne sont pas d'ici. Je crois toutefois que ça leur a presque fait plaisir que, à moi qui suis incontestablement d'ici, ''ça'' soit arrivé et encore plus hard qu'à eux. ''Mais qu'est-ce que c'est que ces élus qui nous pompent de la sorte sans qu'aucune discussion ne soit possible ?'' 
Je dois bien avouer que j'en suis responsable, j'ai voté pour eux... certes sans enthousiasme mais enfin, ils semblaient tout de même bien sympas, un ou deux à part, des copains en somme, différents de ceux d'avant, les beaufs. J'avais toutefois observé -andouille oui, mais jusqu'à un certain point- qu'ils ne m'avaient jamais vraiment soutenue du temps qu'ils étaient en poste, certes dans l'opposition mais tout de même, pour cette facture de piscine olympique. Soit, ce n'était pas l'affaire du siècle et sans doute avaient-ils d'autre chats à fouetter. Bizarre pourtant, ce sentiment de malaise qui m'a envahie juste au moment de monter les marches, irrépressiblement. A quoi bon ? Valent-ils vraiment mieux ? Oui. Mais la décharge qui a tout pollué vers St B? On n'est pas responsable de son père et j'ai la chance que Lydie n'ait jamais démoli la maison d'un voisin ni saccagé un site, soit, qu'aurais-je fait dans le cas inverse, je ne sais pas, il est vrai que pour nous la question ne se posait pas. Mais l'argent dans une famille soude les êtres surtout lorsqu'on n'est pas fonctionnaire et qu'on a quelque inquiétude pour l'avenir. Un moment d'hésitation, et puis go, ç'aurait été zutant de revoir les mêmes à la fin. J'ai voté contre plus que pour, comme beaucoup. 

PRÉMONITIONS 

Un instinct, un éclair, c'est comme si j'avais intuitionné la suite à venir en une seconde. Plus rien ensuite, ils avaient à faire et il ne fallait pas déranger les artistes, juste les aider discrétos... le chemin défriché, les ''vieux'' -dont certains chasseurs, noody is perfect- qui tous les jours ou très régulièrement venaient ''apprécier'' les progrès, et la murette que nous ne voyions même plus soudain réapparue, ma joie, lorsque j'ai retrouvé les piquets mis par Brichet de m'apercevoir que la partie communale était bien plus vaste qu'on ne pouvait croire. Ça m'a boostée, et du coup, ce qui n'était pas prévu, j'ai remonté le chemin perpendiculaire car lorsqu'on en ''barre'' un, c'est deux, trois, dix que l'on condamne, réaction en chaîne, et d'autres, rendus inaccessibles peuvent alors être alors bouchés sans même que l'on ne s'en aperçoive. C'était le cas, celui-ci aussi était ''bouché'' mais beaucoup plus haut, ce qui n'empêche nullement l'eau de couler mais peut-être polluée malgré sa limpidité. Ça prenait tournure. Et les réflexions des gens un peu naïves, quoique, ''on voit que la mairie a changé''. En un sens oui puisque je ne l'aurais sans doute pas fait avant, du moins avec un tel acharnement. Et puis le mur décroché, l'exaspération reliée aux atermoiements, la peur surtout pour les gens, certes ''ils'' ont d'autres chats à fouetter mais tout de même... Et voilà. Le chemin ''interdit'' juste au moment où il devenait presque praticable, et enfin, le soulagement, la maison reconstruite, l'usure que me causa le chantier où il fallut m'imposer durement, ''c'est pas vous qui payez'', argument massue, tiens donc, ''en un sens, si... et surtout c'est moi qui prendrai le mur sur la figure si ça foire''... finalement, ce n'était pas si mal au fond, ça m'a appris à me battre pour moi... Et l'épisode burlesque au milieu, les scories, bizarrement, ça n'avait guère d'importance, c'était même plutôt marrant mais, sans doute la fatigue, c'est celle-ci qui m'a en fait le plus affectée même si elle m'a permis de retrouver des gens perdus de vue depuis des lustres... Une excellente chose au fond. J'ai perdu 8 kilos, ne pouvant plus m'alimenter, puis, dès la fin de l'audience avec mon voisin, lorsqu'il s'avéra que ça s'arrangeait pour moi, le nœud se desserra, je me suis précipitée au bistrot d'en face juste après et littéralement dévoré. La vie, quoi... Au début, je ne savais pas encore que mon compte avait été saisi. Je l'ai découvert en allant à Anduze et en trouvant l'électricité coupée. Qu'est-ce à dire ? Le prélèvement n'était pas passé, j'aurais dû vérifier mon compte, ce que je ne fais pas. Absurde. J'ai eu un peu de mal à y croire, mais c'était exact, Robin se renseigna et confirma. Que faire ? Rien. Sur le coup. Et voilà, une série en somme... mais la vie est belle, les ''Chants'' marchent assez bien et mon autre livre aussi, Noces kurdes apparemment arrive sur le net en premier, une joie inattendue, le livre, un bide bien qu'à mon sens le meilleur, démarrerait-il avec retard, il faut dire que c'est un texte à diffusion lente. Tout n'est pas si noir mais reste la question, comment tout ceci s'est-il enchaîné ; le hasard ? ça c'est certain... la nécessité ? admettons.. mais ensuite ?

ECRIRE, LE DÉBUT ET FA IN DE LA RÉPRESSION

La coquille est magnifique et je la laisse évidemment. Plus ça va, plus j'ai envie... non pas envie, mais le désir irrépressible de l'écrire, je veux dire d'en faire une œuvre en quelque sorte. Je sais que je ne le ferai pas. Une catharsis pourtant, qui m'aiderait bien. ''Scènes de chasse en Bavière'', oui, mais on est dans le Midi civilisé pas dans la Bavière reculée et bigote, dans un village petit bourgeois, je ne suis ni gitane ni homosexuelle ni ouvrière agricole pauvre à l'extrême comme le héros et les gens m'aiment bien. Presque dans la norme en quelque sorte si norme il y a, mais il n'y en a pas réellement, c'est juste une idée. C'est donc pire pour ceux qui seraient exclus socialement par exemple comme dans le roman... La différence est que ce n'est pas tout le village qui me pourchasse comme un cerf à l'hallali et qu'au contraire les gens sont tous plutôt sympa avec moi, sauf notre coco unique mais baste. C'est énorme, bien que le soutien des ''gens'' soit essentiellement un soutien inversé puisqu'au bout du compte, c'est moi parfois qui les tient. Bon c'est ainsi, normal, je ne vais pas m'en plaindre, si ça se renverse souvent, c'est parce qu'ils sont encore plus démunis que moi. Aujourd'hui, si je ne pouvais pas coucher cela sur le papier -le clavier plutôt- ça irait mal. Magie de l'écrit: c'est écrit donc ça ne blesse -presque- plus et on met à distance l'émotion et on s'en sert pour agir ou d'autres. C'est mieux lorsque c'est lu, évidemment, car ça peut filer pour d'autres. Transfert d'une souffrance qui éclate en se transportant. J'ai de la chance au fond, je résiste plutôt bien.
Jeudi 26 août

Les animaux... Tess mord toujours consciencieusement tout intrus, jugeant que vivre -bon- et couvert -excellent- obligent tout chien qui se respecte à donner de la dent lorsqu'il le faut.. et Vôtan, lui, aboie lorsqu'il languit, inefficace, je ne suis pas une baleine qui entend à 700 kilomètres sous l'eau. Quand j'arrive, il a un air de parfaite innocence. Ces poilus sont de forts alliés des étourdis qui pompent sur ma maigre préretraite -encore des papiers...- 4000 Euros pour de l'eau que je n'ai jamais consommée, ce qu'ils n'ignorent pas. Seigneur, protège-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge, ça vaut pour mes poilus...

TORTURES OU QUASIMENT

Un monsieur m'aborde : mais vous êtes Madame Larrivé?.. Oui, incontestablement. Je suis sous l'affiche et lui aussi... et cela fait deux mois tout de même. Il ne l'a apparemment pas lue. Il a été un élève de Lydie, me dit son nom et là ça revient tout de suite, le désespoir absolu de ma mère, des heures de discussions à son sujet, que faire, pourquoi ne veut-il pas bosser, il faudrait peut-être... etc... Un gitan. Mais il m'a dit qu'il savait lire et écrire tout de même et -peut-être, car je n'ai pas tout compris- qu'il avait passé son certif, ce qui est énorme. Je m'en souvenais. Il n'a jamais voulu aller plus loin. 
Il se souvient d'un autre instit depuis tragiquement décédé -suicide- qui le frappait ainsi que bien d'autres, cela m'a été dit assez souvent, terrorisant les élèves. Lydie disait à mi-mot qu'il "exagérait un peu"  sans précisions mais elle reconnaissait qu'il obtenait parfois des résultats là où elle échouait. Pedro me dit qu'un jour, il l'a suspendu par les bretelles et l'a laissé au dessus de la cuve des WC -archaïques- de l'école et une autre fois, il lui a mis de force les bras dedans, de la torture, ni plus ni moins... Un autre m'avait signalé que le même bourreau lui avait tordu le bras, et un autre encore qu'il tapait sur les doigts des gosses avec un règle carrée jusqu'à les faire hurler.
Personne ne l'a dénoncé, ils redoutaient qu'ensuite ce ne soit pire. Mais Pedro, l'ayant rencontré après qu'il ait quitté l'école, lui a mis un coup de poing à assommer un bœuf et c'est un costaud. Bravo. Sa femme s'est aussi a disparu, elle en bavait trop. Elle non plus n'a rien dénoncé.

ALZHEIMER

Une dame très âgée, bien qu'elle n'en ait pas l'air extérieurement, élégante, légèrement maquillée, parfaitement coiffée, une expression impeccable de femme instruite, on la sent juste un peu décalée par moment, passe devant l'affiche et comme tous les jours, la lit, la ''découvre'' et s'indigne de ce que je subis. Alzheimer. Tout à l'heure elle va repasser, peut-être la re découvrira-elle avec la même indignation intacte. C'est curieux, elle me rassure, avec elle j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Un jour pourtant, elle s'est souvenue, étranges caprices d'un cerveau dysfonctionnant et elle m'a dit, légèrement réprobatrice, "dites donc, vous, vous faites beaucoup voir..'' Oui, en effet. C'est le must, ne pas se faire voir. Raser les murs. Ne pas se faire remarquer, étant entendu que ça ne peut être qu'en mal... et même si c'est en ''bien'' ça pourra devenir forcément mal par définition ou susciter des jalousies. La province dirait Racine -ce n'est pas une gloire ce qu'il a écrit sur nous-. La peur du regard de l'autre, on l'a tous mais on surmonte plus ou moins... la trouille de ce qui va être dit sur nous, de ce qu'il se peut qu'il soit dit, de ce qu'on a sans doute dit, et surtout de ce qu'on n'a pas dit. Pas bouger Médor. Plus ''ils'' sont durs et méprisants vis à vis des ''gens-qui-parlent'', des ''ils'', et plus ''ils'' redoutent ces ''ils'' qui en fait sont ''eux'', c'est logique. Jeu de transfert constant qui verrouille tout et rend malheureux donc vulnérable. Au fond, tout cela part d'un complexe d'infériorité qui peut dériver vers une pseudo parano. ''On'' ne vaut tellement rien qu'il faut faire comme si on était mort, ainsi, personne ne pourra rien dira contre vous. Pas de visites, il faudrait pour cela avoir une maison nickel et ce n'est jamais le cas... et si ça l'est, c'est cela peut-être qui risque d'être reproché, vous vous en croyez... 
On ferme donc sa porte comme ça c'est réglé. Tranquille, quoi... Même les out siders copient. Parfois en pire, comme celui du chemin. J'étais comme ça, un peu, Frédérique m'avait briefée, ''ici ce n'est pas Marseille, il faut.. il ne faut pas...'' Pas question dans mon cas, à demi étrangère, de bouger, de me montrer différente. Et puis, ça a changé lorsque j'ai pris de la distance avec elle, une distance petit à petit définitive. Car il y a la gentillesse des gens, évidente, paradoxalement, tous ces gens qui se font peur mutuellement, en fait, sont bienveillants et longanimes jusqu'à l'héroïsme et jamais ne parlent, jamais, des choses importantes. Jean a eu une vie pas tout à fait conforme, que voilà une litote, sans que jamais Lydie n'en sût rien... Elle fut la compagne de Gustau sans que jamais je n'en sache rien, ça c'est con. Yvette a caché juifs et proscrit en 44 sans que jamais personne ne moufte y compris parmi ceux qui n'étaient pas de son bord politique et je n'en savais rien. Et on dit que ''les gens parlent'' ! 

Note après coup. Le seul qui "en" parlait un peu était un ancien camarade de maquis de Guy, marseillais, qui buvait volontiers, lorsqu'il était gris et qu'il venait dans la région égrener avec mon oncle leurs souvenirs de jeunesse. Nous l'attendions avec impatience car devant lui, Guy se lâchait un peu.

Une femme, anglaise, lit et soudain son visage s'éclaire : c'est vous ? elle m'a lue. Joie. C'est Mme Vanier qui lui a passé mes livres. J'exulte.
Un couple de touristes. Je n'ai pas pensé à leur faire signer la pétition. Ils se rendaient au festival du documentaire à côté d'Aubenas, il y a quelque chose sur la Russie. Triple zut, j'aimerais bien...

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