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vendredi 2 juillet 2010

Solitudes extrêmes, en ville et à la campagne

Extraits du "Journal au jour le jour d'une grève de 
la faim dans un village occitan" (lien)



 

ENTERREMENT, UN CURE UN PEU GÂTEUX
A l'église, seul endroit frais où je suis allée dans l'après midi, (la chaleur! et puis je m'y concentre bien, il ne me manque qu'un café bien noir, il faudrait le suggérer au curé, ça lui ferait du blé pour ses pauvres) il y a un cahier avec des demandes écrites adressées à la Vierge... C'est touchant, des pages et des pages mal écrites avec toujours les mêmes requêtes, faites que mon mari guérisse, que ma sœur aille mieux, que les analyses de mon gendre soient normales, que maman arrive à convertir notre mécréant de père, que ma femme revienne  (cela revient toujours beaucoup dans tous les termes) etc... Ou des évocations de morts avec prière d'intervenir auprès de Jésus pour leur épargner des années de purgatoire... C'est si triste et litanique qu'on n'a pas même envie de rire. Tous ces gens malheureux... tant de souffrances, sans doute énormes... cachées sous les apparences un peu arrogantes typiques du village, on découvre leur âme. 
 
Il y avait un enterrement, l'église était aux trois-quarts vide, ça devait être un homme très âgé, isolé, abandonné de tous comme souvent... Pendant son oraison, le curé baissait les yeux pour lire à chaque fois le nom du défunt que visiblement il avait du mal à retenir. Il pourrait tout de même faire un effort de mémoire comme n'importe quel prof, pour un seul client. Triste pour le peu de famille qui était là. "Nous accompagnons aujourd'hui notre ami ...euh... Marcel Du... Dibois... en cette journée bla bla bla..." 



 Les rabbins sont plus sérieux : celui de l'enterrement de Mamita savait tout sur elle... dit à mi-mot, -gênant, on aurait dit un psy- lorsqu'il m'a regardée pour que je m'avance vers le corps empaqueté de blanc brrr... jamais on ne m'avait fait ce coup. "Une sainte" avait-il martelé avec conviction, louchant vers moi.. raté, même Robin avait souri tant le terme lui allait comme des lunettes à un canard, il en faisait un peu trop le rabbi, mais on avait tout de même payé une bougie "éternelle" -qui devait brûler en Israël- quelque chose comme 1500 F et il fallait nous en mettre pour notre argent. Elle me manque; ce sont les gens les plus emmerdants qui vous manquent le plus, on ne sait plus que faire lorsqu'ils disparaissent, le gilet pare-balles que vous vous étiez tricoté vous semble soudain très lourd et pas moyen de l'enlever tout de suite. On n'a jamais vérifié si elle y est bien -la bougie, au mur des lamentations- il le faudra après cette histoire à la con, sinon service après vente comme chez Darty, 1500 balles tout de même. 

SOLITUDES EXTRÊMES  

Ici c'est la routine, pas de chichis, et hop au trou le vieux... euh... Marcel... euh... Dibois. Triste. Mais à Paris c'est pire : dix ou quinze personnes par jour meurent sans qu'on ne sache rien sur elles, parfois même pas leur nom avec certitude et ce ne sont pas des SDF le plus souvent. Une assoc s'est donnée pour tâche de se charger de leurs funérailles afin d'éviter que le cercueil ne soit conduit au cimetière comme un encombrant. Quelqu'un fait un petit discours sur la tombe avant la fermeture définitive. Émouvant. "Madeline ou Milène ou Miléna, excusez-moi si je me trompe, vous avez vécu vingt ans au 2 rue de la Tour Maubourg, nous ne savons sur vous que peu de choses, que vous aimiez les croissants au chocolat, les marguerites et les romans d'Agatha Christie, vous veniez peut-être de Hongrie comme votre accent semblait l'indiquer, pardon de vous avoir envoyé un prêtre catholique si vous étiez d'une autre religion etc..." Des gens perdus, cachés, au passé inconnu, ayant peut-être fui quelque drame, avalés, disparus sans laisser d'autres traces en vingt ans de vie que leur goût pour le chocolat et les romans policiers, qui saluaient cependant leurs voisins, leur concierge ou les commerçants. Poignant. Ça s'est révélé pendant la canicule mais ça a toujours été.