RESPECT
[Un événement imprévu rigolo : des jeunes assis à
une terrasse parlent ouvertement des dysfonctionnements de l’équipe municipale,
autoritaire, formée d’happy few qu’on ne peut même rencontrer. Visiblement ce
sont des élus secondaires –des gens qui ont été mis sur une liste pour faire
poids et que les chefs ont laissés sur le bord du chemine une fois élus, "out la gentuzza."]
J'écris -sans me cacher aucunement, je me suis même
retournée pour la wifi qui passe mal... et surtout me faire voir, gênée de capter une
conversation dont je ne sais si elle m’est destinée (en fait, elle l’est bel et bien
puisqu’ils continuent, un peu plus fort encore.) C’est une sorte d’interview "sauvage"
qui n’en a pas l’air, significative du reste de l’ambiance du village où on ne
parle pas (ou du moins n’écrit pas) directement mais d’une manière étrange,
détournée. Je suis en ce moment une simple caméra qui filme et restitue et ça me va bien.
Donc je ne les gêne aucunement, au contraire. Mais je dois en déranger d'autres. Voilà
justement qu’un commensal [qui du reste n'est pas partie prenante de la conversation...
donc "hors sujet"] m'aborde directement, un beau mec que je
connais un peu... Il observe que les mots sont dangereux,
ce que j'approuve hautement. Et qu'écrire... bon... c'est bien (merci Monsieur!) mais qu' "il
faut être respectueux". Il ajoute que lui "me respecte, il me faut
faire de même" etc... Visiblement, il est question du blog et il veut me parler. Je lui dis que
je lui répondrai s'il veut bien après car la batterie de mon portable est basse.
Et je me rencogne.
Le respect ! Mot ambigu dont on nous rebat les
oreilles. On entend tellement en banlieue "tu me respectes, je te
respecte"... Comme si ce n'était pas l'évidence [et justement ça ne l'est
pas chez certains, la preuve.] C'est clairement un mot à fonction de
clôture. "Je vous respecte", la
profession de foi est suspecte : dire à quelqu'un "je vous
respecte" est supposer que je puisse ne pas le faire... c'est-à-dire que je sois en position de ne pas le faire.
C'est comme dire "je vous laisse la vie"... comme s'il fallait en
savoir gré à celui qui a consenti à vous épargner. Comme si cela
requérait un remerciement ou plus exactement une allégeance, une reconnaissance, comme s'il s'agissait d'un épiphénomène. [Un épiphénomène
est quelque chose d'aléatoire, qui peut être ou ne pas être.]
Autrefois, le respect s'entendait vis à vis des femmes en un sens
désuet, les respecter, c'était ne pas les draguer, ne pas tenter même soft de
coucher avec, ne même pas y songer... quand il est évident que les mecs
quels qu'ils soient pensent d'abord à cela, certes sous forme hypothétique, un
flash, une vague idée, parfaitement perceptible cependant, l’œil s’allume, c’est
"mm peut-être ça serait bien" puis il s’éteint "non pas
possible" etc.. ou demeure allumé, ça dépend.
Coucher serait-il manquer de respect ? Honteux ? la notion de respect serait-elle antinomique du désir ? Notons qu'en ce cas, le
mot s'applique toujours aux femmes, jamais aux
hommes. Respecter "quelqu'un" en fait ne veut rien dire... ou
pire, dit le contraire de ce qu'on prétend. On respecte -peut-être- une idée...
c'est à dire qu'on la prend en compte et on l'analyse... une religion -encore
que...- mais pas un homme ou une femme parce que son altérité est la mienne vis
à vis de lui et que c’est l’évidence. Par définition, l'humanité en lui/elle
est identique à celle qui est en moi et je ne peux que la reconnaître sous
peine de m'annuler moi-même.
Ce concept se conçoit en temps de guerre où
précisément la vie humaine n'a aucun prix, c'est un concept guerrier, par
exemple un militaire décide de "respecter -la vie- de son prisonnier"
c'est à dire de ne pas lui coller
une balle alors que ce serait plus simple. Mais en temps de paix -relative- ça n'a aucun sens. Ou alors cela
implique que nous soyions en "guerre". [Et justement ces jeunes de banlieue se sentent en guerre permanente.]
Une observation : l'écriture -et la philosophie- effraient
comme une photo prise au flash lorsqu'on est âgé. Voir, se voir noir sur blanc
avec des détails que l'on ne connaissait pas ou que l’on devinait à peine de soi pourtant ! est à
la fois jouissif -on est important pour celui qui vous a pris comme modèle et
si le tableau est diffusé, on existe pour tous soudain- et angoissant : que
suis-je dans le regard de l'autre ? va-t-il me tacler ? et comment me défendre ?
je suis moche par exemple etc.- C'est comme regarder ses
"signalements" sur le net. Ça monte. Qu'est-ce qui se dit de moi, sur
moi, qui a plu ou déplu et qui le dit
? Jouissance ambiguë. On devine... mais on a des surprises parfois.
Il est clair que lorsqu'on pratique mal l'écriture, on
est plus vulnérable, encore que sur le net n'importe qui peut écrire et
répondre (et lorsqu'on voit certains "posts" sur des forums, souvent de
jeunes, personne n'a de complexes à avoir, il est difficile de faire pire.)
Puis je vais récupérer mon panneau... et lorsque je
reviens, je gare la voiture, et, un peu culpabilisée, m'adresse comme
promis au monsieur qui parlait de respect pour lui dire, puisqu'implicitement
il me demandait ce que j'écrivais, que j'avais justement réfléchi à la notion de respect qui me semblait ambiguë. Et là, un jeune -un ex militaire- qui venait
d'arriver précise à ma place qu'en effet, lorsqu'on
parle de "se faire respecter" à l’armée, ça signifie casser la gueule
à l'autre. Euréka, je sentais bien qu'il y avait une idée qui me faisait
défaut, la voici, il me la livre sur un plateau. Le concept n'est pas égalitaire. C'est un geste qui va du
haut vers le bas tout en se donnant pour l'inverse. D'une arrogance infinie et sournoise. C'est pour cela qu'il exaspère. Bien sûr que l'on me respecte, il
faudrait beau voir qu'on ne le fît pas! Ouf, le jeune a bouclé ma réflexion et
je me sens aussi bien que lorsqu'on a résolu une équation.
Mais le monsieur "au respect" pour qui la réflexion était partie*, pendant ce temps, devisait avec un voisin, dommage, soudain ça ne l'intéressait plus. C'est incontournable, la philo parle pour ceux qui sont en phase et capter ceux qui sont en parallèle est difficile, j'ai dû mal m'y prendre. Tant pis. Cela m'évoque la réflexion de Rabaud Saint-Etienne après l'édit dit de "tolérance" pour les protestants et les juifs : "je ne veux pas être toléré." Être toléré est blessant, on ne tolère que ce qui est intolérable ou au minimum dérangeant, par grandeur d'âme tout comme on respecte ce qui pourrait ne pas l’être. Laurence, raciste, dont le français était plus qu'approximatif ce qui l'excuse en partie, ne m'avait-elle pas dit un jour d'amabilité qu'elle me tolérait à présent ?!? (Qu’elle me respectait, sous entendu "même si j'étais une goy", je devrais écrire "si je n'étais qu'une goy".)
Ma colère est montée soudain, a débordé, j'ai immédiatement eu envie de lui coller une baffe : mais pour qui se prenait-elle cette sotte, inculte, sans envergure ni surface intellectuelle, et pour qui me prenait-elle, moi ? et j’ai instinctivement retrouvé les propos de Rabaud : "Merde, je ne tolère pas qu'on me tolère." Souvenirs obscurs..
* En fait, il faisait allusion à un passage de ce journal au jour le jour d'une grève de la faim dans lequel je me moquais de certains élus (ou ami de) qui ouvertement déploraient en public (c'est pourquoi je m'étais permise d'en faire état) de ne pas avoir obtenu de passe droits pour autant, (ou que d'autres en aient bénéficié et pas eux!) : naïf et révélateur de la manière dont certains envisagent la gestion d'un village, toute "naturelle". J'avais supprimé ce passage ensuite.
Mais le monsieur "au respect" pour qui la réflexion était partie*, pendant ce temps, devisait avec un voisin, dommage, soudain ça ne l'intéressait plus. C'est incontournable, la philo parle pour ceux qui sont en phase et capter ceux qui sont en parallèle est difficile, j'ai dû mal m'y prendre. Tant pis. Cela m'évoque la réflexion de Rabaud Saint-Etienne après l'édit dit de "tolérance" pour les protestants et les juifs : "je ne veux pas être toléré." Être toléré est blessant, on ne tolère que ce qui est intolérable ou au minimum dérangeant, par grandeur d'âme tout comme on respecte ce qui pourrait ne pas l’être. Laurence, raciste, dont le français était plus qu'approximatif ce qui l'excuse en partie, ne m'avait-elle pas dit un jour d'amabilité qu'elle me tolérait à présent ?!? (Qu’elle me respectait, sous entendu "même si j'étais une goy", je devrais écrire "si je n'étais qu'une goy".)
Ma colère est montée soudain, a débordé, j'ai immédiatement eu envie de lui coller une baffe : mais pour qui se prenait-elle cette sotte, inculte, sans envergure ni surface intellectuelle, et pour qui me prenait-elle, moi ? et j’ai instinctivement retrouvé les propos de Rabaud : "Merde, je ne tolère pas qu'on me tolère." Souvenirs obscurs..
* En fait, il faisait allusion à un passage de ce journal au jour le jour d'une grève de la faim dans lequel je me moquais de certains élus (ou ami de) qui ouvertement déploraient en public (c'est pourquoi je m'étais permise d'en faire état) de ne pas avoir obtenu de passe droits pour autant, (ou que d'autres en aient bénéficié et pas eux!) : naïf et révélateur de la manière dont certains envisagent la gestion d'un village, toute "naturelle". J'avais supprimé ce passage ensuite.